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Portrait : Koichi Itagaki, chasseur de supernovae

Il a découvert SN 2023ixf dans la galaxie du Moulinet. Portrait de Koichi Itagaki, l’astronome amateur qui traque les supernovae.

Un amateur, trois observatoires :

C’est devenu un rituel depuis une quinzaine d’années qu’il est en retraite. Chaque soir, après avoir soupé avec sa femme, Koichi Itagaki se rend dans son “quartier général”. C’est une confortable cabane entourée de coupoles située dans les collines de Yamagata, à 300 kilomètres au Nord de Tokyo. Dans la salle de contrôle, une douzaine de moniteurs servent à commander sept télescopes de dix à soixante centimètres de diamètre :

Koichi Itagaki dans la salle de contrôle de ses trois observatoires. © K. Itagaki

Des instruments répartis sur trois sites au Japon pour être certain d’avoir toujours un coin de ciel dégagé. Une fois installé, l’astronome amateur démarre une énième séance de chasse aux supernovae.

Soirée presque ordinaire à Yamagata :

Chaque nuit claire, ce sont près d’un millier de galaxies qui sont automatiquement photographiées, à la recherche de nouvelles explosions stellaires. Cette nuit de printemps 2023, le ciel finit par se couvrir sur le Japon. Koichi Itagaki rentre chez nuit, non sans avoir pris soin de laisser les instruments en mode automatique, ce qui leur permet de reprendre leur programme d’observation en cas d’éclaircie. Le lendemain matin, l’astronome japonais repère immédiatement un point lumineux inhabituel sur un cliché de la galaxie du Moulinet (Messier 101) dans la Grande Ourse :

SN 2023ixf apparaît sur ce cliché de M 101 réalisé le 20 mai 2023. © Eliot Herman

Il est le premier à publier l’information sur le TNS (Transient Name Server), la base de données de l’Union Astronomique Internationale qui recense les nouveaux objets célestes. C’est la plus proche supernova observée depuis une décennie et la 172e découverte de Koichi Itagaki !

Passion de jeunesse :

« Je ne suis pas astronome, mon passe-temps consiste juste à chercher de nouveaux corps célestes ». C’est ainsi que Koichi Itagaki résume modestement sa passion depuis six décennies. Tout a commencé en 1963 : alors au lycée, il assemble un petit télescope avec lequel il observe la Lune. En 1965, deux amateurs japonais, Kaoru Ikeya et Tsutomu Seki, font la une des journaux nationaux en découvrant une comète. C/1965 S1 (Ikeya-Seki) atteint une magnitude de -10, devenant visible en plein jour avec une queue de 45 degrés.

La comète Ikeya-Seki en 1965. © R. Lynds

Impressionné, Koichi Itagaki décide alors de se consacrer à la recherche de comètes. Avec ses premiers salaires (il a rejoint l’entreprise familiale de confiseries, Itagaki Peanuts), il s’achète un télescope de 15 centimètres de diamètre et déniche trois ans plus tard une comète. Devancé par d’autres découvreurs, la comète C/1968 H1 Tago-Honda-Yamamoto ne portera jamais son nom.

Des comètes aux supernovae :

Devenu patron de l’entreprise familiale, Koichi va investir dans l’astronomie une grande partie de ses revenus et se consacrer à la recherche de comètes pendant trois décennies. Mais la mise en service de télescopes professionnels pour traquer les astéroïdes géocroiseurs à partir de 1998 ne lui laisse pas beaucoup d’espoir d’en découvrir. Il décide alors de rechercher les supernovae. Pour échapper aux lumières de Yamagata, il loue un terrain dans les collines au-dessus de la ville et, au fil des années y installe ses télescopes sous différentes coupoles. C’est ainsi qu’il repère trois nouveaux astéroïdes en 2004 : (117350) Saburo, (134069) Miyo et (189261) Hiroo. Cinq ans plus tard, le 14 mars 2009, il découvre enfin sa comète, C/2009 E1 (Itagaki), ce qui lui vaut de recevoir le prix Edgar-Wilson décerné annuellement depuis 1998 aux astronomes amateurs découvreurs de comètes.

L’observatoire situé dans les collines de Yamagata. © K. Itagaki

C’est à cette époque qu’il confie l’entreprise familiale à ses fils pour se consacrer entièrement à sa passion. Son deuxième observatoire voit le jour en 2015 à Okayama, un autre trois ans plus tard sur l’île de Shikoku. Un réseau de télescopes sans doute unique dans le monde de l’astronomie amateur ! Avec au final un record de 172 découvertes, dépassé uniquement par les 360 supernovae de l’américain Tim Puckett. Mais ce dernier est aidé pour le dépouillement de ses clichés par un réseau mondial de bénévoles. Koichi Itagaki, en revanche, travaille seul, et bien qu’il soit autodidacte, il a déjà co-signé une vingtaine d’articles scientifiques.

Précieuses archives :

Grâce à la persévérance de Koichi Itagaki, SN 2023ixf est probablement la supernova qui a été détectée dans le plus court laps de temps après son explosion. Mais le travail de bénédictin mené par l’astronome amateur japonais depuis deux décennies pourrait peut-être avoir une autre conséquence heureuse. Ses découvertes précédentes suggèrent qu’il pourrait être possible de voir des signes d’agitation sur une étoile massive avant même qu’elle n’explose. En 2004, il a repéré un point brillant dans une galaxie spirale à 77 millions d’années-lumière de la Terre. Aucun professionnel n’a vérifié ce flash qui a duré une dizaine de jours. Mais deux ans plus tard, Koichi Itagaki a découvert à cet emplacement la supernova SN 2006jc. Il a été le seul à observer deux ans plus tôt l’étoile en train de perdre ses couches externes dans un éclat de lumière.

Les archives constituées au cours de deux décennies d’observations par l’amateur japonais représentent une base irremplaçable pour l’étude des supernovae. © K. Itagaki

On pensait auparavant que les étoiles étaient silencieuses avant de devenir des supernovae, les observations de Koichi Itagaki semblent prouver le contraire.

Bien qu’il soit déjà âgé, Koichi Itagaki ne voit aucune raison de modifier ses habitudes. Il est déterminé à attraper une supernova dans la galaxie voisine d’Andromède. La nuit qui a suivi sa découverte de SN 2023ixf, il est retourné à son quartier général pour une nouvelle veillée en solitaire. “Quand j’étais au collège, je rêvais de construire une coupole, d’y installer un gros télescope et d’étudier le ciel“, dit-il. “Ce rêve est devenu réalité.

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Au Japon, les astronomes ont vu la Lune passer devant Vénus

La spectaculaire occultation de Vénus par la Lune le 8 novembre dernier a pu être immortalisée par des astronomes au Japon.

Spectacle céleste :

Au Japon, l’astronome amateur Tomio Akutsu fait partie des meilleurs photographes planétaires au monde. Il a notamment réalisé de très belles images de la planète Mars. Mais ce 8 novembre 2021, c’est vers Vénus qu’il a pointé son télescope. La seconde planète du Système solaire avait en effet rendez-vous avec la Lune. Une occultation visible seulement depuis le Japon et l’Asie aux alentours de 5 heures TU. L’observation était impossible en France, les deux astres n’étant pas encore levés à une heure aussi matinale.

Planche réunissant plusieurs clichés de l’occultation de Vénus (actuellement nous voyons un Quartier de Vénus) par le croissant de Lune le 8 novembre 2021. © Tomio Akutsu

Bien qu’il fasse jour au Japon au moment de l’occultation, on pouvait quand même suivre cette rencontre céleste avec un instrument astronomique en raison de l’éclat élevé de la Lune et de Vénus (magnitude de -4,5 pour cette dernière). L’astronome amateur Paul Krizak avait eu la chance de filmer un spectacle similaire depuis San Diego en Californie en 2015. Sa vidéo nous permet d’admirer la lente disparition de Vénus derrière la Lune :

Quelques heures après cette partie de cache-cache, alors que la nuit tombait en France, je photographiais à mon tour les deux astres qui avaient repris leur distance :

Le rapprochement Lune-Vénus immortalisé dans la soirée du 8 novembre 2021 avec la complicité de Christine, quelques heures après l’occultation. © Jean-Baptiste Feldmann
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Tanabata Matsuri : au Japon, on célèbre la fête des étoiles

Tanabata Matsuri est une fête japonaise qui célèbre chaque 7 juillet l’histoire d’amour entre deux étoiles du Triangle d’été, Véga et Altaïr.

Spectacle en pleine Voie lactée :

L’été est l’occasion de découvrir la Voie lactée. Cette bande laiteuse qui traverse le ciel du nord au sud représente notre Galaxie vue par la tranche. Le Système solaire se situe à la périphérie de ce disque d’étoiles. Trois étoiles brillantes observables au zénith en début de nuit (Deneb, Véga et Altaïr) forment le Triangle d’été.

Le Triangle d’été est constitué des étoiles Deneb (constellation du Cygne), Véga (constellation de la Lyre) et Altaïr (constellation de l’Aigle). © Jean-Baptiste Feldmann

La seconde et la troisième sont à l’origine d’un joli conte japonais et d’une fête célébrée chaque année le 7 juillet, Tanabata Matsuri, la fête des étoiles. Continuer la lecture

Ce soir ne manquez pas la Pleine Lune des cerisiers

Ce vendredi 19 avril c’est la quatrième Pleine Lune de l’année. Elle se produira en pleine période de floraison des cerisiers.

Sakura au Japon :

La floraison des cerisiers, Sakura, est devenue un événement incontournable au Japon, pays des geishas. C’est une floraison qui s’étale sur plusieurs semaines. Elle commence au sud de l’archipel dans l’île d’Okinawa début mars. Elle s’achève deux mois plus tard sur l’île d’Hokkaido, 3.000 kilomètres au nord. Le Japon profite de cette éphémère décoration que nous offre Dame Nature pour organiser de nombreuses réjouissances (festivals, pique-niques…).

Au mois d’avril on peut admirer la Pleine Lune des cerisiers. © Jean-Baptiste Feldmann

Il existe plus de cent variétés de cerisiers dans l’archipel. On les distingue selon leur couleur ou le nombre de pétales des fleurs : de 5 à plus de 100 ! Continuer la lecture

Une geisha admire le jeune croissant de Lune

Le jeune croissant de Lune du 24 septembre au soir m’a inspiré une autre composition grâce à la complicité de mon modèle déguisé en geisha.

Parfois confondue à tort avec une prostituée, la geisha est une femme d’une grande culture qui maîtrise parfaitement les arts traditionnels du Japon (danse, maniement de l’éventail, chant, littérature, poésie, composition florale, musique avec des instruments traditionnels, art de la conversation…). Ses multiples talents lui permettent de divertir des clients de marque accueillis en général dans des maisons de thés.

Le 24 septembre, quatre jours après la Nouvelle Lune, le jeune croissant était idéalement placé en début de soirée pour une composition intéressante. Continuer la lecture

En vidéo : le mont Fuji sous les étoiles

Trois astrophotographes ont rassemblé leurs plus belles images nocturnes dans une vidéo qui rend hommage au mont Fuji, le plus haut sommet du Japon. 

Avec 3776 mètres d’altitude, le cône volcanique endormi du mont Fuji est le plus haut sommet du Japon. Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis le mois de juin 2013, le mont Fuji est un lieu sacré pour tous les Japonais et une source d’inspiration pour de nombreux artistes : Katsushika Hokusai (1760-1849), le maître de l’estampe nipponne, l’a rendu célèbre avec ses Trente-six vues du mont Fuji.

Trois photographes (Reonides, Takaaki Ito et Masahiro Arai) ont mené un projet d’envergure autour du mont Fuji.

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Mascot, prochain robot sur un astéroïde

Après Philae, l’atterrisseur actuellement sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, voici Mascot (acronyme de Mobile Asteroid Surface Scout).

mascot

Mascot, logé dans le ventre de la sonde  spatiale Hayabusa-2 avec trois petits rover Minerva,  sera lancé si tout va bien mercredi 3 décembre par le Japon. La mission devrait atteindre en juin 2018 l’astéroïde géocroiseur 1999 JU3, un caillou d’un kilomètre qui pourrait abriter des composés organiques.

Une fois sur place, la sonde Hayabusa-2 larguera Mascot, un parallélépipède de 30 cm de côté pesant 10 kilos, qui devrait rebondir plusieurs fois avant de s’immobiliser. Mascot, fruit d’une coopération franco-allemande, disposera alors de 12 heures (le temps de vider sa batterie) pour étudier la surface de l’astéroïde sur lequel il pourra même se déplacer.

De son côté la sonde Hayabusa-2 tentera de toucher le sol de l’astéroïde 1999 JU3 à différents endroits pour ramener des échantillons sur Terre enfermés dans une capsule à la fin de l’année 2020.