1909, l’année où les canaux martiens disparurent

En 1909, un rapprochement très favorable de la planète Mars mit un terme à l’incroyable histoire des canaux artificiels.

Mars en vedette, depuis Milan ou l’Arizona :

L’affaire des canaux martiens débute en 1877. Cette année-là, Mars se trouve à 56,2 millions de kilomètres de la Terre le 5 septembre. Sur le toit du Palazzo Brera à Milan, l’astronome italien Giovanni Schiaparelli observe la Planète rouge avec une lunette de 22 centimètres de diamètre. Il remarque des formations rectilignes sombres qu’il surnomme « canali », qu’on pourrait traduire par sillons ou chenaux. Schiaparelli n’est pas le seul à observer Mars. De l’autre côté de l’Atlantique, un certain Percival Lowell fait de même. Cet amateur fortuné dispose de son propre observatoire dans les montagnes de l’Arizona à proximité de la ville de Flagstaff.

Percival Lowell observant Mars depuis son observatoire. Dessin Christine Sasiad

Il l’a doté d’une lunette de 60 centimètres de diamètre. Lecteur assidu des ouvrages de Camille Flammarion, Lowell observe la Planète rouge, et se met à y voir lui aussi un dense réseau de canaux qu’il dessine.

Globe montrant les canaux martiens de Percival Lowell réalisé par Emmy Ingeborg Brun, une danoise passionnée par la planète Mars. © Royal Museums Greenwich

Pour ou contre les canaux :

Les observations de Schiaparelli et Lowell couplées à la puissance médiatique des ouvrages de vulgarisation de Camille Flammarion : il n’en faut pas plus pour rendre les canaux martiens très populaires. De nombreux astronomes se mettent à les voir, soucieux sans doute de ne pas s’opposer à cet engouement collectif. Pourtant, la mise en service en 1896 de la Grande lunette de Meudon (83 centimètres de diamètre, 16 mètres de focale) fournit la première occasion de contester cette vision :

La lunette de Meudon est la troisième au monde par la taille. © Observatoire de Paris

Après avoir utilisé cet instrument lors de l’opposition martienne de 1901, Gaston Millocheau écrit : « Les canaux qui, dans les lunettes moyennes, se voient comme des lignes légères, assez fines, mais un peu floues, perdent cette apparence dans la Grande lunette. Ils semblent alors formés de masses sombres discontinues, à bords déchiquetés, formant des sortes de chapelets qui sont réunis en ligne par l’œil lorsque la vision n’est pas concentrée sur un point… Cet aspect doit tenir au grand pouvoir séparateur de cet objectif, qui permet de mieux définir les petits détails. »

1909, une opposition exceptionnelle :

Le 24 septembre 1909, Mars est à 56 millions de kilomètres. La dernière approche aussi favorable remonte à 1892. En 17 ans, de puissants instruments ont vu le jour et la photographie astronomique a bien progressé. Les astronomes sont décidés à en profiter pour trancher définitivement la question des canaux martiens. Aux USA, c’est la photographie de la Planète rouge qui est privilégiée. Les clichés obtenus permettent de reconnaître les principales formations comme Syrtis Major ou encore les restes de la Calotte Polaire Sud en train de fondre. Naturellement aucun ne montre de canaux :

La planète Mars photographiée le 5 octobre 1909 par George Ellery Hale à l’aide du télescope de 1,5 mètre de diamètre du Mont Wilson. © Mt. Wilson Observatory

En France, les observateurs se répartissent entre les observatoires du Pic du Midi (le comte Aymar de la Baume Pluvinel et Fernand Baldet) et de Meudon (Eugène Antoniadi). La nuit du 20 septembre 1909, la stabilité des images à Meudon est remarquable. Antoniadi écrit : « J’observais dans le bel objectif Henry les « canaux » rectilignes s’évanouir au moment où les détails les plus délicats, inaccessibles aux lunettes de Schiaparelli et de Lowell, étaient évidents et continuellement visibles. »

Fernand Baldet à l’Observatoire du Pic du Midi en 1909. Collection F. Lagarde
Fin des canaux, pas des fantasmes :

D’autres très belles nuits ne feront que confirmer cette impression. Dans son ouvrage « La planète Mars » publié en 1930, Antoniadi écrit encore : « La grande lunette de Meudon a permis de trancher une fois pour toutes la question des « canaux ». Personne n’a jamais vu un véritable canal sur Mars… ». Ainsi s’acheva l’affaire des canaux. En avait-on fini avec les mythes martiens ? Pas vraiment, tant était grande la fascination pour cette planète. En 1938, Orson Welles sema la confusion en racontant à la radio américaine une invasion de la Terre par des Martiens, adaptation de La Guerre des Mondes de Herbert George Wells. En 1976, l’orbiteur Viking 1 photographia une très belle illusion d’optique, un relief qui ressemblait à une tête humaine. Une simple paréidolie qui devint la photo culte de toute une génération de passionnés d’extraterrestres et de petits hommes verts !

Le visage de Mars photographié par l’orbiteur Viking 1 le 25 juillet 1976. © NASA
Vous pourriez aimer :

Suivez l’actualité astronomique et découvrez mes images du ciel en vous abonnant à Cielmania sur Facebook.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *