Cet article reproduit intégralement l’hommage rédigé par Laurent Vadrot à l’occasion du décès de l’astronome amateur Michel Verdenet.
Michel Verdenet (décédé le 11/04/2020) était un astronome amateur qui se définissait essentiellement comme un observateur visuel. Il pratiqua également la photographie argentique mais n’utilisa jamais l’imagerie numérique. Il était dans la lignée de Pierre Bourge avec qui il avait correspondu et qu’il avait pu rencontrer.
Aîné d’une famille modeste, élève brillant, il est très vite remarqué par ses professeurs et il s’oriente vers un bac scientifique. Il découvre à cette période l’astronomie dans les livres de Camille Flammarion, Amédée Guillemin, Lucien Rudaux ou encore l’Abbé Moreux.
Il commence alors à observer à l’œil nu puis avec une lunette altazimutale fabriquée par lui-même, en prenant l’habitude de rédiger de manière systématique tout ce qu’il observait et dessiner pour retranscrire ce qu’il voyait. Il est fasciné par le passage de la comète Mrkos en 1957. Formé au début des années 60 aux mathématiques et aux sciences à l’Université de Lyon après avoir fait l’Ecole Normale de Mâcon, il suit également les cours donnés par les astronomes de l’Observatoire local (Saint-Genis-Laval, devenu le CRAL de nos jours). Bien que ses enseignants le poussent vers l’astronomie professionnelle, il refuse car “il ne souhaite pas devoir travailler sur des sujets qui ne l’intéresseraient pas”.
Revenu dans sa campagne bourbonnaise en 1964, il devient professeur de collège et il enseignera “toutes les matières que l’Administration lui demandera d’enseigner même s’il ne s’agit pas de maths et de sciences”. En parallèle, il commence à accumuler un nombre conséquent de notes et dessins (Lune, planètes, tâches solaires par projection, comètes, conjonctions…). Entrant en correspondance avec la Société Astronomique de France en faisant parvenir ses notes, il en devient lauréat. En 1969, il est également le 1er lauréat “astronome” de la Fondation Bleustein-Blanchet pour la Vocation (la même année que l’herpétologiste Allain Bougrain-Dubourg, la vulcanologue Katia Conrad-Kraft ou encore la violoniste Catherine Lara dont le nom de scène deviendra Lara) ; la bourse associée devant lui permettre de se procurer du matériel astronomique.
Il profite de ses 2 voyages à Paris pour se rendre au Palais de la Découverte et suivre les séances du planétarium. En 1971, il accompagne Dominique Proust à l’Observatoire de Nice pour un travail sur les étoiles doubles avec Paul Couteau. Il rencontre également Antoine Brun, qui fut un des fondateurs de l’AFOEV (Association Française des Observateurs d’Etoiles Variables) dont le siège social est justement à l’Observatoire de Lyon à ce moment-là. Dès lors, Michel Verdenet est pris de passion pour l’étude des étoiles variables et leur observation visuelle, et se spécialisera petit à petit sur les variables dites éruptives en créant son propre observatoire. En 1973, sa vocation est renforcée par le passage de la comète Kohoutek. En 1977, il consigne dans ses notes un “objet” dans la Couronne Boréale qui n’est mentionné dans aucun atlas céleste mais ne peut pas l’observer de nouveau les jours suivants pour cause de météo défavorable. Cet objet fut officiellement découvert le 4 septembre et deviendra la comète Kohler 1977m.
Quelques mois plus tard en 1978, en observant SS Cyg, il remarque une étoile supplémentaire dans le champ et découvre la Nova du Cygne (V1668 Cyg), ce qui lui vaudra de passer au Journal Télévisé de TF1. Remarquablement équipé pour l’époque avec différents instruments construits par lui-même (il possédait notamment un Newton de 530mm de diamètre sur monture à berceau), il suit avec attention l’arrivée de nouveaux télescopes d’origine US, plus compacts, polyvalents et transportables que le fameux Texereau. Il achète ainsi un Celestron 8 orange sur monture à fourche. Convaincu de ses performances, il commande rapidement un Celestron 14 qui sera un des premiers arrivés en France et qu’il installe à poste fixe sous un abri à toit roulant, une coupole n’étant pas adaptée car “elle ne permet pas de voir ce qui se passe ailleurs dans le ciel durant la séance d’observation” (il utilisera cet instrument pendant 30 ans sans jamais le faire évoluer, sauf ajouter un Telrad sur le tube optique).
En 1985-86, avec la médiatisation apportée par la comète de Halley, il doit recevoir des centaines de personnes à son observatoire et constate que le public est intéressé mais qu’il n’est pas habitué à observer, que le site n’est guère adapté et surtout le public lui fait remarquer “que cela serait mieux de pouvoir observer la journée (!)”. Il propose au maire de créer un lieu pour accueillir le public et montrer le ciel. En 1992, le Planétarium municipal de Bourbon-Lancy dont il a dessiné complètement les plans voit le jour avec un dôme de 5m de diamètre et une exposition permanente. Arrivé à la retraite, il animera le Planétarium pour les scolaires, les touristes et les clubs Astro et organisera des manifestations astronomiques grand public jusque vers 2010.
Durant plus de 50 ans, Michel Verdenet a participé à plusieurs centaines de colloques, réunions, animations dans un triangle Paris, Lyon et Strasbourg, et ce toujours de manière bénévole. Il a fait environ 200 000 estimations visuelles d’étoiles variables répertoriées dans les bases de données de l’AFOEV et de l’AAVSO. Il a observé et dessiné toutes les comètes visibles depuis notre latitude et accessibles avec du matériel d’amateur et co-écrit un livre sur le sujet avec Jean-Claude Merlin en 1995. Il a également rédigé plus d’un millier d’articles publiés dans Ciel & Espace, l’Astronomie, Pulsar, Astronomie Magazine, mais aussi sur la Grande Guerre (dont il était reconnu comme spécialiste en illustrant ses articles par des cartes postales), sur la philatélie (il possédait une impressionnante collections de timbres français et sur le cosmos). Il aimait les chevaux et faisait partie du club Meccano (il avait construit une Tour Eiffel en Meccano à l’échelle 1/100e qui a été exposée à Paris pour le bi-centenaire de la Révolution française).
En mai 2019, fidèle à ce rassemblement, il avait participé aux Rencontres Astronomiques de Bourgogne et Environs, organisées par l’Astro-Club Bourbonnien.
Michel Verdenet était chevalier de l’Ordre des Palmes académiques et de l’Ordre national du Mérite. L’astéroïde 25625 Verdenet a été nommé en son honneur par l’UAI.
Bonjour,
Je l’ ai eu comme professeur de Physique, au collège de Bourbon-Lancy en 4ème en 1983/84. J’en retiens une année exceptionnelle avec une grande partie consacrée à l’astronomie évidemment, loin d’être ennuyeuse ! Nous avions notamment étudié le cycle de la lune pendant 2 mois !
M. Verdenet était un passionné, une personne qui connaissait son sujet. Et c’était une personne d’une grande humilité.
Avec des moyens relativement limités (bien loin de certains observatoires !) il était parvenu à découvrir la Nova du Cygne.
Ce qui ne peut que forcer le respect.
M. Verdenet a été mon professeur de sciences naturelles (je ne pense pas que l’on faiasit de la physique-chimie avant le lycée…) au collège de Bourbon-Lancy, dans les années 72-74, entre les classes de cinquième et de troisième… Il n’avait pas encore découvert la Nova du Cygne donc ! 🙂 Je me souviens d’un personnage justement un peu… “lunaire” 🙂