Interview : Michel Ory, chasseur de comètes (et d’astéroïdes)

L’astronome amateur suisse Michel Ory répond à nos questions à l’occasion de la sortie de son livre : Chasseur de comètes, la quête de nos origines.

Michel Ory est un astronome amateur comblé. Lorsqu’il n’est pas devant ses élèves pour leur enseigner la physique, cet ancien journaliste scientifique suisse traque les astéroïdes et les comètes. Son palmarès est éloquent : il a découvert plus de 200 astéroïdes, deux comètes et deux supernovæ.

L’astronome amateur suisse Michel Ory.© Michel Ory

Des découvertes réalisées à l’Observatoire astronomique jurassien de Vicques en Suisse (2000-2011) et à l’Observatoire de l’Oukaïmeden au Maroc (dès 2011). Auteur de Chasseur d’astéroïdes en 2019 (éditions Le Pommier), il a sorti un second ouvrage en 2021, Chasseur de comètes, la quête de nos origines.

Pourquoi les comètes font-elles tant rêver ?

M. O. : ce sont des apparitions célestes éphémères qui ont fasciné toutes les grandes civilisations (lire par exemple : Une comète permet de dater la mort d’une impératrice byzantine). Les comètes sont un peu comme les dinosaures : les deux exercent une fascination manifeste sur les foules. Tout enfant, de tout pays, de toute culture, a les yeux qui brillent lorsqu’on lui montre une photographie de dinosaure ou de comète. Il n’a aucun mal à les dessiner. Ces sujets de science sont devenus au fil du temps des éléments de la culture populaire.

Les dessins techniques et humoristiques de Pitch Comment illustrent le dernier ouvrage de Michel Ory, Chasseur de comètes.
Que nous dit la science moderne ?

M. O. : la science moderne a permis de comprendre que ces petits astres glacés, venus des tréfonds du Système solaire et restés à leur état originel, ont apporté une partie de l’eau des océans. À l’inverse, plus tard, quelques autres collisions ont conduit aux plus grandes extinctions de masse des espèces vivantes. En résumé, et sans trop se tromper, on peut donc affirmer que les comètes ont semé la vie et la mort sur notre planète. Rien que cela…

Observer une belle comète (ici Neowise en juillet 2020 sous le ciel étoilé du Morvan) est un moment inoubliable. © Jean-Baptiste Feldmann
Quand avez-vous découvert votre première comète ?

M. O. : c’était en août 2008 en Suisse, à l’Observatoire de Vicques. Durant une semaine, j’ai été en orbite comme l’astre chevelu que je venais de repérer. Je ne réalisais pas encore à ce moment-là que très peu d’amateurs avaient découvert des comètes périodiques. On en recense seulement 409, et la mienne s’appelle 304P/Ory. Quant à ma seconde comète, C/2013 V5 , je l’ai découverte fin 2013 à l’Oukaimeden. Elle était proche de Jupiter le jour de la découverte et j’ai pensé que c’était peut-être une de ses lunes. Eller est devenue l’une des deux plus brillantes comètes visibles en 2014 !

La seconde comète découverte par Michel Ory est C/2013 V5. © Damian Peach
Est-il facile de découvrir une comète aujourd’hui ?

M. O. : pas vraiment, surtout depuis une dizaine d’années, avec le développement des réseaux de télescopes robotisés, les fameux Surveys (voir par exemple le LSST). Mais je pense qu’avec beaucoup d’abnégation et de méthode, c’est néanmoins toujours possible. Depuis l’an 2000, j’ai découvert deux comètes et deux supernovæ en recherchant des astéroïdes.

La comète C/2023 A3 Tsuchinshan-ATLAS le 13 octobre 2024 en train de glisser derrière Oingt en Beaujolais, l’un des plus beaux villages de France. © Jean-Baptiste Feldmann
Car vous êtes avant tout un chercheur d’astéroïdes ?

M. O. : c’est exact ! J’en ai découvert un peu plus de deux cent ! Pour les comètes, c’est un peu par hasard. Les spécialistes prétendaient il y a quelques années qu’un chasseur d’astéroïdes devait en trouver cent avant de décrocher « sa » comète. C’est un rapport décourageant, qui impose à tout observateur de sonder durant des années les recoins du Système solaire pour avoir une chance de découvrir une comète. Je suis parfaitement dans la moyenne, avec un peu plus de deux cents astéroïdes découverts pour deux nouvelles comètes !

Michel Ory au télescope de l’Observatoire de l’Oukaïmeden au Maroc. © Michel Ory
Que raconte votre dernier ouvrage ?

M. O. : dans Chasseur de comètes, la quête de nos origines, je parle de la nature physique et chimique des comètes, de leur origine, de l’art et la manière de les détecter et les observer. Je réponds également à quelques questions plus ciblées. Combien en a-t-on observé ? Qui recense ces objets et qui leur attribue leur nom de baptême ? Quels attributs faut-il pour devenir une grande comète ? Les astronomes, passés et présents, constitueront le fil conducteur de la narration, puisque la personne qui découvre une comète y donne son nom ad vitam æternam. Je me ferai le conteur de leurs histoires, souvent insolites, toujours instructives. J’ai mis au cœur de cet ouvrage la communauté des observateurs amateurs. C’est une manière pour moi de leur rendre hommage, eux qui ont travaillé ou qui travaillent encore dans l’ombre, sans autre motivation que leur passion du ciel étoilé.

Chasseur de comètes, la quête de nos origines, Editions De Boeck Supérieur, Préface de Michel Mayor (Prix Nobel de physique 2019), dessins techniques et humoristiques de Pitch Comment, nombreuses photographies de comètes, 192 pages, 19 Euros.

Vous pourriez aimer :

Suivez l’actualité astronomique et découvrez mes images du ciel en vous abonnant à Cielmania sur Facebook.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *