La Lune en couleurs, l’étonnant dessin de Lucien Rudaux

Parmi les nombreuses recherches qu’il mena, Lucien Rudaux consacra plusieurs décennies à étudier les couleurs de la Lune.

Les multiples facettes d’un passionné : 

Lucien Rudaux, l’astronome de Donville, aurait eu 150 ans cette année. Voici le portrait qu’en dresse la Société Astronomique de France : ” Lucien Rudaux (1874-1947), « l’astronome de Donville », fut un brillant amateur de sciences dont la notoriété a largement dépassé les limites de l’Hexagone durant la première moitié du XXe siècle. Curieux et avide de savoirs, il se consacra avec enthousiasme à la fois à l’astronomie, à la météorologie, à la physique du globe ou encore à la spéléologie grâce auxquelles il côtoya les grandes figures scientifiques de son époque telles que Camille Flammarion, Édouard-Alfred Martel ou Alexandre Ananoff.
C’est par le dessin et surtout la photographie qu’il enregistrait et documentait ses recherches.

En 2021, les Archives départementales de la Manche ont publié un bel ouvrage consacré à sa vie et son œuvre. Ce livre est illustré de 300 photographies, dessins et aquarelles de ce scientifique amateur.

La Lune en couleurs :

Arrêtons-nous un instant page 40, où a été reproduite une image de la Pleine Lune, légendée “colorisée sur une plaque de verre“. Voilà de quoi titiller ma curiosité : pourquoi l’astronome de Donville avait-il décidé d’ajouter des couleurs ? Et comment les avait-il choisies ? La réponse se trouve dans un exemplaire de l’Illustration du 19 mai 1928. Rudaux, qui était un collaborateur régulier de la revue, y décrit ses recherches sur les couleurs de la Lune :

L’astronome explique dans un article de six pages, que la (très belle) carte qu’il présente est le résultat de multiples observations menées avec une lunette de 95 millimètres de diamètre au moment de la Pleine Lune entre 1896 et 1927 ! Il ajoute qu’il a entrepris ce long travail convaincu “qu’il comportait un intérêt plus grand que celui de la simple curiosité”. Et d’ajouter qu’il a accentué les couleurs perçues à l’oculaire pour rendre sa carte plus explicite, sans pour autant se prononcer sur la signification de ces différentes teintes.

Un dessin remarquable :

Aujourd’hui, nous disposons de cartes lunaires colorisées, depuis les missions Clementine et LROC. Elles ont confirmé la relation qui existe entre coloration du sol lunaire et type de roches. Le rouge révèle par exemple la présence d’oxyde de fer, le bleu de l’oxyde de titane, le vert de l’olivine (silicate). Mais le travail de Lucien Rudaux est-il  crédible ? L’astronome amateur a-t-il été capable de distinguer les subtilités de la surface lunaire avant tout le monde ? Pour le savoir, il fallait comparer sa carte avec ce qui se fait aujourd’hui :

À gauche nous voyons l’œuvre de l’astronome de Donville, à droite une photographie accentuée choisie en 2021 comme APOD. Presqu’un siècle les sépare, mais on ne peut qu’être admiratif sur les similitudes entre ces deux documents. On appréciait depuis longtemps les qualités artistiques indéniables des illustrations de Rudaux. Il faudra désormais les considérer aussi comme de véritables documents scientifiques.

Et la carte de Cassini ?

Lucien Rudaux fut-il vraiment le premier à noter les différentes colorations de la surface lunaire ? En me plongeant dans l’historique des cartes de notre satellite, je suis tombé sur un détail intriguant. Sur sa carte publiée en 1679, Jean-Dominique Cassini a fait figurer une sorte de cœur dans la Mer de la Sérénité. On a toujours pensé qu’il avait voulu rendre hommage à Geneviève de Laistre, sa jeune épouse. Il lui aurait également témoigné son amour en plaçant une tête de femme à l’extrémité du Golfe des Iris :

Cassini, Jean-Dominique (1625-1712), “Carte de la Lune,” L’Armarium (Bibliothèque Numérique des Hauts-de-France, document 20788)

Sur les cartes en couleurs, on voit une zone à peu près circulaire de teinte différente à l’intérieur de la Mer. Elle pourrait s’expliquer par un épanchement de lave tardif. Le premier des Cassini a peut-être représenté la limite de cette zone, comme il la percevait dans sa curieuse lunette sans tuyau.

Vous pourriez aimer :

Suivez l’actualité astronomique et découvrez mes images du ciel en vous abonnant à Cielmania sur Facebook et sur Bluesky.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *