Archives pour la catégorie Histoire des sciences

Les passages de Mercure (2/2) : de Halley à aujourd’hui

Suite du billet précédent Les passages de Mercure (1/2) : de Kepler à Gassendi et fin

Après la première observation du transit de Mercure du 7 novembre 1631 par Pierre Gassendi, les passages suivants vont susciter un intérêt astronomique de plus en plus grand. Celui du 9 novembre 1644 est toutefois invisible en Europe. Idem pour celui du 3 novembre 1651, mais il est observé par Jeremy Shakerley à Surat (Inde). Le passage du 3 mai 1661 est observé par le célèbre Hevelius à Dantzig (Gdansk), en Pologne. Celui du 4 novembre 1664 n’est pas documenté, et celui du 7 novembre 1674 est invisible en Europe.

N’arrêtez pas votre lecture à cette fastidieuse énumération : le cours de l’histoire de l’astronomie va changer avec le transit de Mercure du 7 novembre 1677 ! Voici pourquoi.

La distance Terre-Soleil par la méthode des transits

La troisième loi du mouvement planétaire formulée par Kepler en 1618, qui donne une relation entre la période de révolution d’une planète et le demi-grand axe de son orbite, permet de connaître la taille du système solaire à un facteur d’échelle près. La connaissance d’une seule distance entre planètes ou entre une planète et le Soleil suffit donc pour calculer toutes les autres.

La parallaxe solaire est l’angle sous lequel on voit le rayon de la Terre depuis le Soleil. La connaissance de la parallaxe est donc équivalente à la connaissance de la distance Terre-Soleil.

parallaxe-solaireLe problème pratique est que l’angle est si petit qu’il est extrêmement difficile à mesurer (on sait aujourd’hui qu’il est égal à 8,794 secondes d’arc, soit 1/200 le diamètre apparent de la Lune). Les mesures et calculs effectués depuis l’Antiquité surestimaient considérablement cet angle, donc sous-estimaient la valeur réelle de la distance Terre-Soleil.

Cette pièce de 50 pence célèbre le voyage de Halley à Sainte-Hélène en 1576 et montre le passage d'une comète qui le rendra mondialement célèbre.
Cette pièce de 50 pence célèbre le voyage de Halley à Sainte-Hélène en 1676 et montre le passage de la comète de 1682 à qui il donnera son nom et qui le rendra mondialement célèbre.

Or, en 1677, sur l’île de Sainte-Hélène où il s’est rendu pour établir un catalogue des étoiles du ciel austral, le grand astronome anglais Edmund Halley (1656-1742) observe le passage de Mercure qui a lieu le 7 novembre. Il bénéficie d’un beau temps inespéré, et d’une durée de transit de  5h 14m. De retour en Angleterre, Halley  imagine une méthode simple mais géniale pour déterminer la parallaxe solaire. Sa méthode est basée sur la comparaison des temps de transit de Mercure ou de Vénus, mesurés depuis plusieurs lieux terrestres situés à des latitudes différentes. La différence des temps de passages observés donne accès à la parallaxe du Soleil. On remplace ainsi une difficile mesure de très petit angle par des mesures de temps. Continuer la lecture

Les passages de Mercure (1/2) : De Kepler à Gassendi

Le 9 mai, la planète Mercure va traverser le disque solaire d’est en ouest en environ sept heures et demi, et sera visible sous forme d’une minuscule tache noire – un phénomène astronomique appelé transit. Il va de soi que, pour qu’une planète transite sur le disque solaire, elle doit passer entre la Terre et le Soleil. Seules Mercure et Vénus peuvent donc être observées de la Terre lors de leur transit. Il y a en moyenne 13 passages de Mercure et deux passages de Vénus par siècle.

Mercure apparaît tout en bas du disque solaire sur cette image du transit du 7 mai 2003 (à ne pas confondre donc avec la tache solaire proche du centre, de taille apparente beaucoup plus grande).
Mercure apparaît tout en bas du disque solaire sur cette image du transit du 7 mai 2003 (à ne pas confondre donc avec la tache solaire proche du centre, de taille apparente beaucoup plus grande).

Tous les passages de Mercure se produisent aux mois de mai et novembre, aux alentours respectivement du 7 et du 9 du mois, le phénomène se répétant à des intervalles de 13 ou 33 ans en mai, ou tous les 7, 13 ou 33 ans en novembre. C’est donc une observation relativement rare, ce qui explique son intérêt pour les astronomes. Le transit de Mercure du 9 mai 2016 sera le premier depuis le précédent, en novembre 2006, et avant le prochain qui aura lieu en novembre 2019.

Comme le montre la carte de visibilité ci-dessous, il sera observable (moyennant un ciel dégagé !) depuis l’Europe, l’Afrique, les Amériques et une partie de l’Asie.

Transit Mercure 2016

Nombre d’excellents blogs, comme ceux de Futura Sciences ou celui de Guillaume Cannat intitulé Autour du Ciel, consacreront ou ont déjà consacré des billets détaillés à cet événement astronomique pas si fréquent. Mon présent billet ne sera donc pas consacré à l’actualité du transit mercurien, mais à sa très intéressante histoire.

De Kepler à Gassendi

La prévision des passages de Mercure et de Vénus devant le Soleil nécessite une bonne connaissance des mouvements orbitaux des planètes intérieures. Les tables dont disposaient les astronomes au début du XVIIe siècle n’étaient que peu fiables, qu’il s’agisse des classiques Tables Alphonsines fondées sur le système de Ptolémée, ou des plus récentes Tables Pruténiques fondées sur le système de Copernic. Lorsque Gaultier de la Valette (1564 – 1617), vicaire général d’Aix et excellent astronome amateur qui, en 24 novembre 1610 et en compagnie de Nicolas Fabri de Peiresc avait été le premier en France à observer à la lunette les quatre satellites de Jupiter, essaye de calculer le moment d’une conjonction du Soleil avec Mercure en mai 1631, il se retrouve presque au désespoir. Le 12 avril 1631 il écrit à Peiresc « L’on ne peut deviner quelles tables seront plus véritables. Je ne manquerai pourtant, durant ces trois ou quatre jours, faire tout mon possible si nous pouvons voir cette belle observation, qui nous découvrirait de belles choses en la nature, nous assurerait du mouvement de ladite planète, de sa distance au soleil, de la grandeur de son orbe, de sa révolution et de son cours suivant l’opinion de Copernic, et nous faisait encore voir de quelles tables les Astronomes ou Astrologues se doivent plus assurément servir : des Pruténiques, Daviques, Rudolphines ou Alphonsines ». Continuer la lecture

Hommage à Ulugh Beg, prince des étoiles, né le 22 mars 1394

Aujourd’hui 22 mars est le  jour d’équinoxe du printemps 2016 qui vit naître il y a 622 ans Ulugh Beg, prince astronome musulman décapité à l’âge de 55 ans par les fondamentalistes de l’époque pour avoir ressuscité les sciences arabo-musulmanes.

Il y aussi 28 ans jour pour jour qu’en hommage à ce prince,  l’Association pour l’art et l’histoire Timurides a vu le jour à Paris, et a dédié toutes ces années à l’étude de cette période Timuride et à la vie de ses Princes. Leur site web, d’une très grande richesse, vaut vraiment la peine d’être visité.

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Le frontispice de Prodromus Astronomiae, ouvrage du célèbre astronome polonais Johannes Hevelius (1611-1687), montre la muse de l’astronomie, Uranie, entourée à sa gauche par les prestigieuses figures de Ptolémée et Tycho Brahe, à sa droite par un personnage au faciès mongol et à large moustache tombante nommé Ulugh Beg. Qui était donc cet astronome quasiment inconnu de nos jours, digne pourtant de figurer au panthéon de l’histoire de sa discipline ? Dans mon dernier roman historique Ulugh Beg, l’astronome de Samarcande (JC Lattès, 2014), j’ai voulu rendre justice à ce prince turco-mongol du XVe siècle qui régna sur la Transoxiane – vaste province d’Asie Centrale entourant sa capitale Samarcande – et qui, délaissant les affaires politiques au profit de l’astronomie, porta très haut le flambeau des sciences arabo-musulmanes, avant que celui-ci ne s’éteigne inexorablement sous les coups de l’obscurantisme.

1.Détail du frontispice du Prodromus Astronomiae (1690) de Johannes Hevelius
Détail du frontispice du Prodromus Astronomiae (1690) de Johannes Hevelius

Mohammed Taragaï, dit Ulugh Beg (c’est-à-dire « le grand prince »), était l’un des nombreux petits-fils de Timour Leng (1336-1405), plus connu en Occident sous le nom de Tamerlan[1]. Conquérant brutal et impitoyable, ce dernier sema partout la terreur durant ses quarante années de règne, bâtissant par le feu et le sang un immense empire s’étendant sur l’Ouzbékistan, l’Arménie, la Géorgie, l’Afghanistan, l’Irak et l’Iran actuels. En marge des inévitables massacres, chaque cité conquise par Timour contribuait toutefois à la déportation de savants, de lettrés, d’artisans et d’ouvriers qualifiés vers la capitale de l’empire, Samarcande, qui retrouva peu à peu sa splendeur d’antan.

Après la mort de Timour, survenue en 1404 alors qu’il s’apprêtait à envahir la Chine, l’empire fut partagé entre ses descendants, entraînant la multiplication des potentats locaux et des luttes fratricides pour s’arroger le pouvoir. Ce fut finalement Chah Rukh (1377-1447), le quatrième et plus digne fils de Tamerlan, qui en 1408 s’imposa comme souverain d’une grande partie de l’empire, tout en déplaçant sa capitale à Herat. Chah Rukh fut l’artisan de la « renaissance timouride », époque brillante mais éphémère où l’art, la science et la culture fleurirent en terre musulmane. De fait, rien n’eût été possible sans Goharshad (1378-1457), son épouse favorite qui eut une grande influence sur sa politique ; elle permit l’épanouissement d’une cour raffinée et transmit le goût du savoir à ses deux fils, Ulugh Beg et Baysunghur. Continuer la lecture

Mes romans (6) : La Perruque de Newton

La Perruque de Newton
(Les bâtisseurs du ciel, tome 4)

EDITION ORIGINALE

 354 pages, JC Lattès, Paris, 2010 – ISBN 978-2709624152

couvNewtonQue se cache-t-il sous la haute et lourde perruque d’Isaac Newton ? Un cerveau d’exception bien sûr, qui a dévoilé les lois de la gravitation universelle, et publié le plus grand livre scientifique de l’Histoire. Mais aussi un crâne dégarni, tant par les vapeurs de soufre et de mercure de ses expériences alchimiques que par les nuits d’insomnie passées à relire les Écritures pour calculer la date de l’Apocalypse. Le fondateur de la science moderne et rationnelle a, en effet, consacré plus de temps à mener des expériences alchimiques, à étudier la théologie qu’à pratiquer les sciences naturelles. La Perruque de Newton dresse le portrait stupéfiant d’un homme extraordinairement complexe qui, après une enfance solitaire, est devenu ombrageux, colérique, vindicatif, et profondément obsédé par Dieu. Cette figure de la raison, acclamée par les Lumières, également férue de recherches ésotériques, s’est révélée être un directeur impitoyable de la Monnaie et un président tyrannique de la Royal Society. Il sera enterré comme un roi après une longue vie de quatre-vingt-cinq ans où il n’aura jamais connu de femme.
La face cachée d’un exceptionnel génie scientifique.
Astrophysicien, romancier et poète, Jean-Pierre Luminet offre avec ce quatrièsme volume un nouvel épisode de sa grande série romanesque Les Bâtisseurs du ciel commencée avec Le Secret de Copernic, La Discorde céleste et L’Oeil de Galilée. Continuer la lecture

Mes romans (5) : L’Œil de Galilée

L’Œil de Galilée (Les Bâtisseurs du ciel, tome 3)

 

EDITION ORIGINALE

405 pages, JC Lattès, Paris, 2009 – ISBN 978-2709629027

GalileeOeilLe 21 août 1609, à Venise, Galilée monte les escaliers du campanile de la place Saint-Marc : derrière lui les princes de la ville, de l’église et de la famille Médicis. La première démonstration officielle de sa lunette astronomique va fasciner toute l’Europe. Bientôt il fait appel aux meilleurs verriers de Murano pour ciseler des lentilles et perfectionner l’invention. Les astronomes du monde entier vont découvrir, tantôt émerveillés tantôt consternés, le spectacle des satellites de Jupiter, la surface de la Lune et les profondeurs du cosmos, qui mettent à bas l’enseignement d’Aristote au profit du système de Copernic…
Pendant ce temps, à Prague, le mathématicien impérial de Rodolphe II, Johann Kepler, n’a pas attendu la lunette pour révolutionner l’astronomie. Il a déjà découvert les lois mathématiques des mouvements planétaires et les principes de base de l’optique. Lui seul comprend le fonctionnement de la lunette astronomique et peut attester de la réalité des observations de son confrère italien. L’œil de Galilée, c’est lui, Kepler.
Dans son nouveau roman, Jean-Pierre Luminet conte comment ces deux géants de la science se sont progressivement apprivoisés sans jamais se rencontrer : Kepler, aux prodigieuses capacités mathématiques mais fasciné par les mondes occultes ; Galilée et son génie rationnel de la mécanique, prudent sous le regard menaçant du Saint-Office.
Après Le Secret de Copernic et La discorde céleste, Jean-Pierre Luminet continue à nous faire découvrir l’histoire de ces bâtisseurs du ciel, qui ont définitivement changé notre façon de voir l’univers. Continuer la lecture

Les méfaits du finalisme cosmologique

Un de mes « distingués » collègues, dont je tairai poliment le nom mais qui est suffisamment connu par ses nombreux ouvrages de vulgarisation pour que beaucoup devinent son identité, va délivrer en janvier prochain, à Paris et à grand renfort de publicité, une conférence grand public intitulée « Du Big Bang à l’homme, une grande fresque cosmique avec des implications philosophiques. »

Son texte de présentation, que l’on peut trouver sur internet, est le suivant :

« Depuis 1543, quand Copernic a délogé la Terre de sa place centrale dans l’univers, les découvertes scientifiques n’ont cessé de rapetisser la place de l’homme dans le cosmos, à la fois dans l’espace et dans le temps.
Nous avons assisté à un désenchantement du monde, faisant écho au fameux cri d’angoisse de Pascal: “Le silence éternel des espaces infinis m’effraie”. Mais XXX nous montrera comment la cosmologie moderne a réenchanté le monde et redécouvert l’ancienne alliance entre l’homme et le cosmos: nous sommes tous des poussières d’étoiles.
La science nous apprend que l’univers a été réglé de façon extrêmement précise pour permettre l’émergence de la vie et de la conscience.
Si l’univers est si grand, c’est pour permettre la présence d’un Observateur qui va s’émerveiller devant sa beauté, son harmonie et sa complexité, et lui donner un sens. »

Reprenons et commentons phrase après phrase.

« Depuis 1543, quand Copernic a délogé la Terre de sa place centrale dans l’univers […] »

Pareille formulation, devenue un poncif de l’histoire des sciences, est pour le moins malheureuse. Copernic ne s’est certainement pas transformé en un géant qui, pareil à Atlas, aurait porté notre planète sur ses épaules pour l’arracher de sa position supposée fixe au centre de l’Univers et la faire virevolter autour du Soleil. Il s’est contenté – et c’est déjà énorme – de reprendre et développer l’hypothèse cosmologique dite héliocentrique, selon laquelle la Terre est animée d’un double mouvement : rotation sur elle-même en 24 heures et révolution autour du Soleil en une année. Continuer la lecture

Mes romans (4) : La discorde céleste

La discorde céleste : Kepler et le trésor de Tycho Brahé (Les Bâtisseurs du ciel, tome 2)

EDITION ORIGINALE

514 pages, JC Lattès, Paris, 2008 – ISBN 978-2709625678

couvDiscordeTycho Brahé, Johann Kepler… tout les opposait : l’âge, la naissance, la fortune, le caractère, jusqu’à leur apparence physique. Le premier, un lion, est né au Danemark ; de ses ancêtres vikings, il a gardé le cheveu flamboyant, la gloutonnerie d’un ogre, la violence barbare, prête à éclater à la moindre occasion. L’autre, un renard, est né vingt-cinq ans plus tard, en 1571, dans une misérable auberge en Forêt-Noire ; son visage est grêlé par la vérole, mangeant peu, buvant moins encore et ne riant jamais. L’un avec sa fortune va bâtir le plus grand observatoire de tous les temps sur l’île de Venusia et devient le despote du royaume d’Uranie – il accumule comme un maniaque des milliers d’observations célestes. L’ autre, frémissant d’une sorte de fièvre qui avait pour nom ” révolte “, rusant avec les puissants, courant les universités et les palais, révèle des capacités prodigieuses de penseur et de calculateur… jusqu’â la rencontre entre les deux hommes : un choc violent, passionnel, presque cruel. De ce duel sortit pourtant un grand vainqueur : la vérité sur l’Univers.
Après Le Secret de Copernic, et avec ce nouveau volume de la série Les Bâtisseurs du ciel, Jean-Pierre Luminet, astrophysicien, romancier et poète, fait revivre l’affrontement de ces deux génies qui va changer la vision du monde. Continuer la lecture

La nébuleuse du Crabe, hier et aujourd’hui

Une étoile nouvelle fut observée en 1054 par les astronomes chinois : l’astre resta visible de nuit dura deux années, puis s’éclipsa.

Henry III (1017-1056), Empereur du Saint Empire Romain, pointe du doigt l'étoile nouvelle de 1054. Si cette apparition a été très peu documentée en Occident, les astronomes chinois et japonais de l'époque l'ont décrite minutieusement. Elle a pu rester visible en plein jour durant plusieurs mois, avant de disparaître.
Henry III (1017-1056), Empereur du Saint Empire Romain, pointe du doigt l’étoile nouvelle de 1054. Si cette apparition a été très peu documentée en Occident, les astronomes chinois et japonais de l’époque l’ont décrite minutieusement. Elle a pu rester visible en plein jour durant plusieurs mois, avant de disparaître.

Tout fut oublié jusqu’à ce que John Bevis, astronome amateur anglais, découvre en 1731 une nébuleuse dans la constellation du Taureau.

La nébuleuse du Crabe apparâit pour a première fois dans l'atlas céleste publié en 1731 par John Bevis, Uranographia Britannica. Elle est indiquée par une tache pâle au NE de l'étoile Zeta.
La nébuleuse du Crabe apparaît pour la première fois dans l’atlas céleste publié en 1731 par John Bevis, Uranographia Britannica. Elle est indiquée par une tache pâle au NE de l’étoile Zeta.
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Premier dessin de la Nébuleuse du Crabe par Lord Rosse (1844), tracé d’après les observations effectuées à son télescope de 36 pouces de diamètre.

Au titre d’objet diffus, elle fut classée en no 1 dans le célèbre catalogue de Messier, et plus joliment baptisée « nébuleuse du Crabe » par lord Rosse, qui étudia sa forme en 1844. En 1919, à la faveur d’une traduction d’annales d’astronomie chinoise, le Suédois Lundmark fit le rapprochement entre cette brillante nébuleuse de gaz chaud en expansion et l’étoile nouvelle de 1054, situées dans la même région du ciel. En 1928, Edwin Hubble mesura la vitesse d’expansion de la nébuleuse du Crabe et lui attribua un âge d’environ 900 ans, en bon accord avec la « date d’explosion » de 1054. L’identification entre l’étoile en explosion et son résidu gazeux ne faisait dès lors plus de doute. Continuer la lecture

Mes romans (3) : Le Secret de Copernic

Le secret de Copernic
(Les Bâtisseurs du ciel, tome 1)

EDITION ORIGINALE

381 pages, JC Lattès, Paris, 2006 – ISBN 978-2709625968

CopernicJPL“Le trait de lumière qui éclaire aujourd’hui le monde est parti de la petite ville de Thorn. ” C’est ainsi que Voltaire saluait le génie d’un homme dont l’esprit a effectivement révolutionné notre vision du monde. Et pourtant, en ce début de XVIe siècle en Pologne, lorsque Nicolas Copernic exerce ses multiples fonctions d’astronome, de médecin et de chanoine, les ombres sont menaçantes. Les Chevaliers teutoniques livrent leurs derniers combats, les royaumes cherchent de nouvelles alliances, la Réforme commence à fissurer l’Eglise… Au cœur de ces turbulences, Copernic va renverser les théories établies par Ptolémée et Aristote : la Terre n’est plus le centre de l’Univers, mais le Soleil ! Des ruelles de Cracovie aux universités de Bologne et de Florence, des ateliers de Nuremberg aux couloirs du Vatican, des voyages avec Dürer aux intrigues conduites par les Farnèse, ce roman qui mêle avec vivacité la science et l’histoire nous propulse dans une époque de grands changements et nous éclaire sur les débats théologiques et scientifiques de ce temps. Continuer la lecture

Eclipses de Lune mémorables

Ne manquez surtout pas l’éclipse totale de Lune durant la nuit du 27 au 28 septembre (entre 2 et 6h du matin), dussiez-vous passer une nuit quasi-blanche. Les augures météorologiques sont en effet favorables sur toute la France, et l’éclipse devrait être particulièrement spectaculaire dans la mesure où elle occultera une “super-Lune” (on parle de super-Lune car la taille de notre satellite, en raison de sa distance minimale à la Terre, paraîtra près de 14 % plus grande que d’ordinaire à l’œil nu). Et une belle teinte rouge sang est à prévoir. Teinte, justement, qui a alimenté de nombreuses superstitions et frappé les imaginations…

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Eclipse de Lune du 27 septembre 1996. En bas à gauche, la planète Saturne. La teinte rouge de la Lune, qui a tant frappé les peuples anciens, est due au fait que l’atmosphère de la Terre réfracte vers la surface lunaire une partie de la lumière de son côté exposé au Soleil. En traversant l’atmosphère terrestre, la lumière solaire réfractée s’appauvrit en lumière bleue en faveur de la lumière rouge – car les courtes longueurs d’onde de la lumière visible (violet et bleu) sont plus diffusées par l’atmosphère que les grandes longueurs d’onde (rouge et orange). Les poussières et les particules de fumée en suspension dans l’atmosphère accentuent cet effet : plus elles seront nombreuses au moment de l’éclipse, plus le rouge sang vif couvrira la face de la Lune.

Pour vous faire patienter, dans ce billet je recense par ordre chronologique quelques grandes éclipses de Lune du passé, qualifiées de “mémorables” parce qu’elles ont été associées à des événements ou à des périodes historiques importants. Certaines d’entre elles ont même pu influencer le cours de l’histoire humaine… Leurs dates sont données dans le calendrier julien jusqu’en 1582, dans le calendrier grégorien après. Le recensement s’arrête au milieu du XIXe siècle, non pas que depuis lors la planète n’ait point connu de grandes éclipses, mais parce qu’à partir de cette époque, la majorité des peuples ont abandonné  leurs mythes et leurs superstitions vis-à-vis de ces phénomènes célestes. Ce sont alors les savants qui ont pris le relais de l’histoire, pour fonder, grâce en partie aux éclipses, une nouvelle légende : celle de l’astrophysique moderne, qui a conduit à la connaissance scientifique profonde de notre système solaire. Continuer la lecture

Mes romans (2) : Le bâton d’Euclide

Le bâton d’Euclide
(Le roman de la Bibliothèque d’Alexandrie)

EDITION ORIGINALE

301 pages, JC Lattès, Paris, 2002 -ISBN 2-7096-2171-1

EuclideEn 642, les troupes du général Amrou investissent Alexandrie. Elles doivent brûler le million de livres que recèle sa célèbre Bibliothèque. Car, à Médine, le calife Omar leur a donné l’ordre d’éliminer tout ce qui va à l’encontre de l’Islam. Un vieux philosophe chrétien, un médecin juif et surtout la belle et savante Hypatie, mathématicienne et musicienne, vont tenter de dissuader Amrou de détruire le temple du savoir universel. Ils vont lui raconter la vie des savants, poètes et philosophes, qui ont vécu et travaillé dans ces murs : Euclide, mais aussi Archimède, Aristarque de Samos qui découvrit que la Terre tournait autour du Soleil, Ptolémée et tant d’autres qui payèrent de leur vie leur combat pour la vérité. Le général Amrou obéira-t-il à Omar ? Les Arabes ont-ils vraiment brûlé la Bibliothèque ? Ou bien n’a-t-elle été victime, au fil des siècles, que de la folie des hommes ? En racontant le destin exceptionnel de ces grands esprits de l’Antiquité, Jean-Pierre Luminet alterne l’épopée, la nouvelle et le conte philosophique, dissimulant son érudition derrière une plume inspirée par l’humour et la poésie. Continuer la lecture

Mes romans (1) : Le rendez-vous de Vénus

Le rendez-vous de Vénus

EDITION ORIGINALE

359 pages, JC Lattès, Paris, 1999 -ISBN 2-7096-2025-1

venus-JPLUne année, 1761. Un siècle, celui des Lumières. Un événement astronomique, hors du commun. Et trois jeunes mousquetaires de l’Académie des Sciences, prêts à tout pour être les premiers au Rendez-vous de Vénus … Ainsi commence la plus véridique et la plus folle des aventures scientifiques qui aura mis l’Europe des Encyclopédistes en ébullition. Grâce au double passage, à huit ans d’intervalle, de Vénus sur le Soleil, il ne s’agit pas moins que de mesurer la dimension de l’univers! Déjà, de toutes les capitales, des dizaines de savants sont partis aux quatre coins du monde, en observation. De Paris, Lalande, le narrateur, suit et orchestre le périple de Chappe qui court de la Sibérie au Mexique, les pérégrinations de Le Gentil qui erre, lui, dans l’océan Indien. Rivaux, les trois amis le sont en science mais surtout en amour. Lequel d’entre eux ravira le cœur de la belle Reine Lepaute, mathématicienne surdouée … et vénus bien terrestre? Tant il est vrai qu’à suivre la planète des amours, leur quête deviendra vite celle de la Toison d’Or. Continuer la lecture

Le rasoir d’Ockham (1) : le principe de simplicité

Au XIVe siècle, le philosophe franciscain Guillaume d’Ockham (1280-1349) écrivit : « il est inutile d’accomplir par un plus grand nombre de moyens ce qu’un nombre moindre de moyens suffit à produire. [Ockham…] Quand des choses doivent rendre vraie une proposition, si deux choses suffisent à produire cet effet, il est superflu d’en mettre trois.»

En d’autres termes, dans un ensemble de modèles expliquant des faits, la préférence doit être donnée à celui qui fait appel au nombre minimal d’hypothèses.

RasoirTout au long de l’histoire de la pensée, depuis l’Antiquité grecque jusqu’aux développements les plus récents de la physique et de la cosmologie, ce « principe de simplicité », appelé aussi « rasoir d’Ockham » car il peut servir de critère épistémologique pour trancher entre les différents modèles d’un phénomène donné, a joué un rôle-clé dans l’élaboration des modèles scientifiques, philosophiques, voire économiques (d’ailleurs, empreint d’une pensée pragmatique anglo-saxonne, il est aussi appelé « principe d’économie »).

Le critère doit cependant être appliqué avec beaucoup de prudence. Par exemple, il ne signifie pas nécessairement qu’il faille préférer l’hypothèse la plus simple. Il ne faut pas confondre simplicité et simplification, encore moins ce qui est simple avec ce qui est simpliste. J’en veux pour preuve les trois explications suivantes des mouvements célestes. Continuer la lecture

Ulugh Beg, l’astronome de Samarcande (2015)

  • CouvertureEditeur : JC Lattès (15 avril 2015)
  • Collection : Romans historiques
  • 315 pages
  • ISBN-13: 978-2709644839
  • Egalement disponible en format Kindle

 Il s’agit de mon septième roman d’histoire des sciences, contant cette fois un épisode peu connu mais fascinant de l’astronomie arabo-persane. Situé dans la première moitié du XVe siècle, il s’insère chronologiquement entre “Le bâton d’Euclide” et “Le secret de Copernic“.

Voici la présentation de l’éditeur :

En 1429, Samarcande, escale majeure de la route de la soie, connaît une animation encore plus vive qu’à l’ordinaire. Le plus grand observatoire jamais conçu vient d’être inauguré. Les ambassadeurs du monde entier vont contempler un immense sextant de 40 mètres de rayon plongeant dans une fosse vertigineuse, un gigantesque cadran solaire dont les parois externes sont couvertes d’une vaste fresque représentant le zodiaque, et une terrasse qui abrite les plus perfectionnés des instruments de mesure du temps et de l’espace : sphères armillaires, clepsydres, astrolabes…
Le promoteur de ce prodige architectural, mais aussi le directeur de l’observatoire n’est autre que le prince et gouverneur de Samarcande, Ulugh Beg, le petit-fils du conquérant redoutable qui mit tout l’Orient à feu, de l’Indus au Jourdain : Tamerlan.
Amoureux des sciences et du ciel, piètre politique et militaire – ce qui lui vaudra sa mort –, Ulugh Beg, entouré des meilleurs astronomes de son temps, va calculer la position de mille étoiles et rédiger un ouvrage majeur : les Tables Sultaniennes qui fascineront les savants, les lettrés et les voyageurs du monde entier.
C’est l’histoire totalement hors du commun de ce savant poétique et rigoureux que Jean-Pierre Luminet nous invite à découvrir dans une fresque romanesque épique, au cœur d’un monde de grandes étendues désertiques, de cités au raffinement incomparable et de guerres permanentes où, cependant, l’homme continue plus que jamais sa conquête de la science et des étoiles. Continuer la lecture

Les éclipses dans la littérature (2) : de Boscovich à aujourd’hui

Inspiré par l’actualité de l’éclipse de soleil du 20 mars 2015, je poursuis la rêverie littéraire sur les éclipses entamée dans mon billet précédent : de Homère à Shakespeare

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En marge de ses traités scientifiques, le jésuite Ruggero Giuseppe Boscovich a rédigé un poème didactique entièrement consacré aux éclipses. Boscovich (1711-1787) fut certainement un très grand savant. Mal connu en son temps, oublié aujourd’hui, il posa pourtant avec deux siècles d’avance les premiers jalons de la mécanique quantique et de la théorie de la relativité, et fut le premier à proposer une théorie atomique cohérente.

Son talent poétique n’est certainement pas au même niveau que son intuition scientifique. Voici comment il décrit la forme elliptique de l’orbite lunaire :

Boscovich-eclipses“Tandis que des révolutions éternelles transportent Phébé autour de nous, assujettie aux lois générales elle observe les règles communes aux astres errants. Ses hauteurs varient, son orbe inégalement fléchi resserre ses cotés, allonge son axe, et ressemble encore à cette courbe engendrée par la section oblique d’une colonne”[5]

Dans le dernier chant, Boscovich explique correctement le phénomène de la Lune rousse: lorsque notre satellite est éclipsé par l’ombre de la Terre, la réflexion et la réfraction des rayons lumineux dans l’atmosphère terrestre lui confèrent une couleur rubescente. Continuer la lecture

Les éclipses dans la littérature (1) : de Homère à Shakespeare

La prochaine éclipse de soleil du 20 mars 2015 (partielle en France, totale au Spitzberg) fait beaucoup parler d’elle. C’est que les éclipses ont toujours titillé l’imagination des peuples. Du Mexique à Babylone, les anciennes cosmogonies s’accordaient à prédire aux peuples consternés une longue période de ténèbres, qui semblait devoir régner à jamais. Cette période se terminait d’ailleurs toujours par le lever d’un Soleil rajeuni, et l’ouverture d’un nouveau cycle. Or, les ténèbres sont intérieures. L’angoisse quotidienne du crépuscule, rapprochée de l’expérience intime, suffit à suggérer l’image d’un Soleil qui ne se lève plus, ou qui s’éteint. Par cette concordance avec les secrets de l’imaginaire, les éclipses passent aisément sur le plan de la littérature et de la poésie. Suivant les tempéraments, la disparition du Soleil ou de la Lune dans les ténèbres est un rêve attirant ou un cauchemar. Ceci explique que ce rêve se retrouve si souvent exprimé de façons diverses dans l’expression poétique, voire dans l’expression graphique de certains malades mentaux: occultations, Soleil ou Lune sanguinolents, astres cadavériques, paysages pétrifiés. C’est le sujet traité dans ce billet (largement inspiré d’un chapitre de mon livre Eclipses, les rendez-vous célestes, publié en 1999).

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Les Éclipses dans la Littérature

La littérature sur les éclipses est surabondante. Elle ne forme d’ailleurs qu’un sous-ensemble d’une littérature bien plus vaste, consacrée au Soleil et à la Lune. C’est que le Soleil et la Lune ont derrière eux une longue carrière littéraire[1]. “Elle est poétique, la garce!“, écrivit Mallarmé à propos de la Lune, que par réaction contre le romantisme il avait juré de ne jamais évoquer dans sa poésie. Loin d’être exhaustifs, je ne mentionnerai  ici que quelques textes d’intérêt particulier sur les éclipses. Continuer la lecture

Zazie dans le cosmos (4/4) : le langage réinventé

Suite du billet précédent: l’ordre dans le chaos

Finissons avec l’étude capitale du langage. L’art poétique de Lucrèce présupposait déjà un isomorphisme du réel et du langage. De la même façon chez Queneau, le contenu du poème prend une importance égale à la matière verbale ; il le décrit comme une sorte de mécanique où l’architecture des signes et des sons tend à reproduire la structure même du réel.

Ainsi, dès les premiers vers du poème, on est littéralement plongés dans une matière verbale magmatique et bouillonnante, à l’image de notre planète à l’aube de son histoire géologique :

“La terre apparaît pâle et blette elle mugit
distillant les gruaux qui gloussent dans le tube
où s’aspirent les crus des croûtes de la nuit
gouttes de la microbienne entrée au sourd puits
la terre apparaît pâle et blette elle s’imbibe
de la sueur que vomit la fièvre des orages”
etc.

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Zazie dans le cosmos (3/4) : l’ordre dans le chaos

Suite du billet précédent : Oh jeunesse

Au-delà des éléments de décodage qui laissent entrevoir la profonde culture scientifique de Queneau agrémentée d’une remarquable intuition, analysons plus en détail la construction globale du poème[4]. Celui-ci présente trois sections fondamentales :

1. Un abrégé de cosmogonie astronomique comprenant le chant I, quelques vers du chant II, le chant III, et quelques vers du chant IV relatifs au système terre-lune.

2. Une partie consacrée à l’apparition de la vie, subdivisée en paléobiologie, botanique et biologie, évolutionnisme, répartie entre le chant I, le chant IV, l’intégralité du chant V et les deux premiers vers du chant VI relatifs à l’histoire de l’espèce humaine.

3. Une partie conclusive consacrée à la mécanique et à l’histoire des machines, au chant VI.

Ce découpage est apparemment chaotique ; les trois sections sont distribuées dans le texte de façon inégale, et l’évocation des événements de l’histoire de l’univers ne respecte pas la chronologie : « l’éclatement burlesque » du big-bang n’est introduit qu’après le passage relatif à la formation de la terre et de son satellite lunaire ; les ères géologiques paraissent aussi distribuées de façon sporadique. Continuer la lecture

Zazie dans le Cosmos (2/4) : Oh jeunesse

Suite du billet précédent : Lucrèce au XXe siècle

On ne peut pas lire la Petite Cosmogonie Portative sans se livrer à une sorte de jeu savant. Au premier abord, le sens semble très hermétique, même si l’on est d’emblée saisi par le plaisir jubilatoire des jeux du langage. Les glissements de sens ne cessent de conduire du domaine scientifique au domaine profane et vice-versa, faisant de l’évolution du monde un phénomène à la fois formidable et trivial. Mais on a du mal à comprendre ces vers qui abondent en métaphores et énigmes quasi impossibles à déchiffrer. Les tables synoptiques qui introduisent les six chants permettent toutefois d’identifier, vers après vers, les sujets traités et, par conséquent, de décoder même les passages les plus ardus. Le texte est donc agrémenté d’une véritable mode d’emploi sous la forme d’un système de lecture contraignant qui fonctionne comme une clef d’accès à ses significations.

En participant à ce jeu, le lecteur finit par découvrir que chaque métaphore contient des informations d’une justesse étonnante, brouillées par un réseau de déformations verbales et fantasmatiques produisant une syntaxe autre, génératrice de significations inattendues.

EPSON scanner ImagePrenons quelques exemples dans le chant I, reproduit intégralement en fin de ce billet (cadeau de Noël). Continuer la lecture

Zazie dans le Cosmos (1/4) : Lucrèce au XXe siècle

 

Queneau2Féru de mathématiques et de sciences naturelles, Raymond Queneau (1903-1976) a adhéré à la Société mathématique de France en 1948 et commencé à appliquer des règles arithmétiques pour la construction d’œuvres littéraires. Il a fondé en décembre 1960, avec François Le Lionnais, un groupe de recherche littéraire qui allait très vite devenir l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle). Sa soif de mathématiques combinatoires s’est étanchée avec la publication en 1961 de son livre-objet Cent mille milliards de poèmes, sorte d’hypertexte avant la lettre offrant au lecteur la possibilité de combiner quatorze vers de façon à engendrer 1014 combinaisons possibles. Il a aussi publié, en 1972, un article dans une revue pour chercheurs, Journal of Combinatorial Theory. Le succès littéraire lui était déjà venu en 1947 avec Exercices de style, inspirés par L’Art de la fugue de Jean-Sébastien Bach, et le succès populaire en 1959 avec Zazie dans le métro, adapté au cinéma par Louis Malle.

queneauCent mille milliards de poèmes est un livre composé de dix feuilles, chacune découpée en quatorze bandes horizontales, chacune portant sur son recto un vers. En tournant les bandes horizontales comme des pages, on peut donc choisir pour chaque vers une des dix versions proposées par Queneau, ce qui fait 100 000 000 000 000 poèmes potentiels.queneau1

Mais c’est sa Petite cosmogonie portative (1950), texte relativement peu connu, qui constitue à mon sens le sommet de son art. Cette merveille de la poésie scientifique fait l’objet de cette série de billets. Continuer la lecture