Archives pour l'étiquette Supernova

Douze vignettes astropoétiques (7-12)

Suite du billet Douze vignettes astropoétiques (1-6)

7- La lumière 

Quel être vivant, doué de sens, qui n’aime plus que tout les merveilleux phénomènes de l’espace répandu autour de lui, la lumière qui réjouit tout – avec ses couleurs, ses rayons, et ses ondes.
Novalis 

Et voici que mes yeux s’ouvrirent, je vis une immense mer de lumière où soleils et planètes étaient dispersés, comme de simples îles rocheuses; et j’étais dans la mer, non point à sa surface; nulle part ne m’apparaissait un fond, nulle part une rive. Tous les espaces d’une Voie Lactée à l’autre étaient remplis de lumière, et il semblait que l’on vît passer des mers retentissantes sous les mers et sur les mers; on entendait un roulement comme celui de la marée, puis un chant de flûte comme celui des cygnes qui passent; mais ces deux bruits ne se mêlaient pas. La lumière et les sons s’emparaient délicieusement du cœur; j’étais empli de sentiments joyeux, sans savoir d’où ils venaient à moi, c’était comme une joie d’être et d’éternité; un ineffable amour, sans que je susse pourquoi, me pénétrait lorsque, autour de moi, je contemplais ce nouvel univers de lumière.
Jean Paul Richter

Ces clartés que sur nous leurs disques éclatants
Versent incessamment dans l’étendue immense,
Remplissent l’univers qu’anime leur présence.
Sans corps, sans pesanteur, et pourtant colorés,
Élancés de leur source, et non pas attirés,
Ces filets déliés d’impalpable lumière,
Prodige de vitesse à l’homme révélé
Que son œil ne peut suivre, et qu’il a calculé,
Viennent du fond du ciel frapper notre paupière.
Ils tracent dans leur route un sillon radieux;
L’éclair est moins rapide; et, tandis qu’à nos yeux
Le balancier du temps mesure une seconde
Vingt fois ils franchiraient l’axe de notre monde.
Pierre Daru 

Bien avant que la Terre fût même une nébuleuse, des astres brillaient depuis une sorte d’éternité, mais, hélas! si éloignés, si éloignés d’elle, que leur radieuse lueur, en parcourant près de cent mille lieues par seconde, n’est arrivée que récemment à la place occupée par la Terre dans le Ciel. Et il se trouve que plusieurs de ces astres se sont éteints depuis longtemps, avant qu’il ait été possible à leurs mortels de distinguer cette Terre. Cependant le rayon sorti de ces astres refroidis devait leur survivre. Il continua sa marche irrévocable dans l’étendue. C’est ainsi qu’aujourd’hui le rayon de quelques-uns de ces foyers en cendres est parvenu jusqu’à nous. De sorte que l’homme qui contemple le Ciel y admire souvent des soleils qui n’existent plus et qu’il y aperçoit quand même, grâce à ce rayon fantôme, dans l’Illusion de l’univers.
Villiers de l’Isle Adam

Chaque homme dans sa nuit s’en va vers sa lumière
Victor Hugo

8- Nébuleuses

Entre les étoiles semble régner le noir absolu. Mais au XIXe siècle, les astronomes possesseurs de télescopes ont commencé à distinguer entre les étoiles des sources de lumière d’aspect diffus. Il s’agissait de petites taches floues, de formes et dimensions variées. Evoquant à première vue des nuages, elles ont été nommées nébuleuses. Les astronomes ont ensuite entrepris de classer tous ces objets, et avec le perfectionnement constant des instruments, leur nature a fini par être comprise. Le terme « nébuleuse » est désormais réservé aux objets formés de gaz et de poussières situés dans notre propre galaxie, comprenant de grands nuages moléculaires où se forment les étoiles, et des vestiges de l’évolution stellaire comme les nébuleuses planétaires et les restes de supernovas. D’autres « nébuleuses », de forme spirale ou elliptique, se sont quant à elle révélées être des galaxies à part entière et ne sont plus nommées ainsi.

Il fut un moment où tout dormait en germe dans l’œuf d’or du soleil, ma vie, celle de tous les êtres, fils de la terre, le monde organique et l’inorganique, les océans, les continents, les forêts, le bien et le mal, le ciel et l’enfer d’ici-bas, et la lune et les autres êtres, filles du soleil, avec leur évolution vitale, leur longue histoire, splendide ou sombre. Or, de naissance en naissance, ne pourrions-nous remonter jusqu’à une heure première, où les voies lactées et les énormes nébuleuses, l’univers immense, reposaient aussi, comme des rêves près d’éclore, en la nuit muette de mon cerveau ?
Jean Lahor, La Gloire du Néant Continuer la lecture

L’opéra de l’espace

Charles Dobzynski, écrivain et poète français d’origine polonaise, nous a quittés il y a un an, le 26 septembre 2014. Ayant eu le privilège de le connaître, je lui rends ici un bref hommage.

Charles Dobzynski, écrivain et poète français né en 1929 à Varsovie
Charles Dobzynski, écrivain et poète français né en 1929 à Varsovie

operadelespaceMa première rencontre avec son œuvre remonte à 1995. Je préparais alors une vaste anthologie de textes poétiques inspirés par le cosmos[1], et au cours de mes recherches bibliographiques j’étais tombé sur son extraordinaire recueil L’Opéra de l’Espace, publié en 1963 aux éditions Gallimard. J’avais été fasciné de voir comment un poète, de formation essentiellement littéraire, avait su intégrer avec autant de talent et de pertinence les découvertes astrophysiques du XXe siècle.

J’ai ensuite rencontré Charles Dobzynski en personne en 1998 aux Biennales Internationales de Poésie de Liège. Leur regretté fondateur, Arthur Haulot, m’avait invité à donner la conférence d’ouverture, que j’avais intitulée « L’univers, conquête ou servitude ». Le matin, au petit déjeuner de l’hôtel où tous les invités étaient logés, j’avais été très ému de voir soudainement arriver Charles Dobzynski, en compagnie de son épouse. Je m’étais présenté à lui, et le contact humain s’était aussitôt établi. Certes, Charles avait lu mon anthologie et apprécié les louanges que j’avais accordées à son Opéra de l’Espace ; mais surtout, il était resté authentiquement passionné par tout ce qui avait trait aux sciences de l’univers. Et c’est avec une sorte de gourmandise d’enfant qu’entre croissant et café, il m’avait bombardé de mille et une questions, toutes fort pertinentes, sur les trous noirs, le big bang et autres mystères du cosmos. Continuer la lecture

La nébuleuse du Crabe, hier et aujourd’hui

Une étoile nouvelle fut observée en 1054 par les astronomes chinois : l’astre resta visible de nuit dura deux années, puis s’éclipsa.

Henry III (1017-1056), Empereur du Saint Empire Romain, pointe du doigt l'étoile nouvelle de 1054. Si cette apparition a été très peu documentée en Occident, les astronomes chinois et japonais de l'époque l'ont décrite minutieusement. Elle a pu rester visible en plein jour durant plusieurs mois, avant de disparaître.
Henry III (1017-1056), Empereur du Saint Empire Romain, pointe du doigt l’étoile nouvelle de 1054. Si cette apparition a été très peu documentée en Occident, les astronomes chinois et japonais de l’époque l’ont décrite minutieusement. Elle a pu rester visible en plein jour durant plusieurs mois, avant de disparaître.

Tout fut oublié jusqu’à ce que John Bevis, astronome amateur anglais, découvre en 1731 une nébuleuse dans la constellation du Taureau.

La nébuleuse du Crabe apparâit pour a première fois dans l'atlas céleste publié en 1731 par John Bevis, Uranographia Britannica. Elle est indiquée par une tache pâle au NE de l'étoile Zeta.
La nébuleuse du Crabe apparaît pour la première fois dans l’atlas céleste publié en 1731 par John Bevis, Uranographia Britannica. Elle est indiquée par une tache pâle au NE de l’étoile Zeta.
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Premier dessin de la Nébuleuse du Crabe par Lord Rosse (1844), tracé d’après les observations effectuées à son télescope de 36 pouces de diamètre.

Au titre d’objet diffus, elle fut classée en no 1 dans le célèbre catalogue de Messier, et plus joliment baptisée « nébuleuse du Crabe » par lord Rosse, qui étudia sa forme en 1844. En 1919, à la faveur d’une traduction d’annales d’astronomie chinoise, le Suédois Lundmark fit le rapprochement entre cette brillante nébuleuse de gaz chaud en expansion et l’étoile nouvelle de 1054, situées dans la même région du ciel. En 1928, Edwin Hubble mesura la vitesse d’expansion de la nébuleuse du Crabe et lui attribua un âge d’environ 900 ans, en bon accord avec la « date d’explosion » de 1054. L’identification entre l’étoile en explosion et son résidu gazeux ne faisait dès lors plus de doute. Continuer la lecture