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Franz Liszt dans les étoiles (1) : de la rhapsodie à l’astéroïde

La musique est à la fois une science comme l’algèbre, et un langage psychologique auquel les habitudes poétiques peuvent seules faire trouver un sens.
Franz Liszt, Lettres d’un bachelier ès musique.

Le dernier chapitre de mon livre « Du piano aux étoiles, une autobiographie musicale », paru le 7 octobre 2021 au Passeur Editeur, est consacré à mon compositeur fétiche, Franz Liszt. Ce n’est peut-être pas mon compositeur préféré (je penche pour Ravel), mais d’une part sa musique si variée (son catalogue comprend 1400 numéros !), certes inégale de par son abondance mais comportant de nombreux chefs-d’œuvre en bonne partie méconnus du public mélomane standard, m’accompagne depuis mon enfance, d’autre part la prodigieuse générosité du personnage en fait le plus grand bienfaiteur de l’art de son temps, comme je le préciserai plus loin.

En raison des contraintes éditoriales, mon livre n’est malheureusement pas illustré, alors que je dispose d’une abondante iconographie lisztienne, que j’ai au demeurant déjà utilisée lors de conférences sur cet extraordinaire personnage que j’ai données à plusieurs reprises, notamment au festival Lisztomanias qui depuis 20 ans se tient chaque année au mois d’octobre à Châteauroux, selon le vœu exprimé par Liszt lui-même auprès de Georges Sand et concrétisé de splendide manière par mon ami musicologue, écrivain et éditeur Jean-Yves Clément.
L’intérêt d’un blog est de pouvoir mêler texte, images, audio et vidéos. Pour tous les amoureux de la musique du XIXe siècle, je propose donc ici une version illustrée de l’épopée lisztienne qui, compte tenu de sa longueur et sa richesse, sera découpée en une série de billets. Vous y découvrirez au passage comment la musique se mêle étroitement à l’astronomie, quitte à filer parfois la métaphore, mais aussi à la littérature, à la poésie, et à l’Histoire tout court.

Je suis lisztomaniaque depuis mon adolescence. Le point de départ a sans nul doute été ma première écoute, sur un vieux 78 tours en celluloïd rigide, de la 2ème Rhapsodie hongroise de Liszt dans l’interprétation d’Alexandre Brailovski, suivie peu après de sa version orchestrale par Roberto Benzi.

Comme je m’en rendrais compte plus tard, ce n’est sans doute pas le plus grand chef-d’œuvre du compositeur, mais c’était une introduction idéale à la partie de sa musique la plus connue, placée sous le signe du folklore hongrois et de la haute virtuosité.

Je découvrirai progressivement le reste de son œuvre immense et si variée avec mon ami d’enfance Philippe André, devenu comme moi lisztomaniaque au point de publier, en marge de sa brillante carrière de psychiatre, plusieurs ouvrages de premier plan sur Franz Liszt, dont j’ai déjà rendu compte sur ce blog.

Durant de longues années Philippe et moi nous nous sommes guidés mutuellement dans nos écoutes, partageant nos enthousiasmes pour l’irremplaçable Cziffra des Rhapsodies Hongroises et des Études d’Exécution Transcendante,

pour le Berman des Années de Pèlerinage (avant de connaître la version ultérieure de Chamayou),

pour le Ciccolini des Harmonies poétiques et religieuses (avant que François-Frédéric Guy n’en grave la version de référence),

l’Horowitz de la Sonate en si mineur, le prodigieux Byron Janis des œuvres pour piano et orchestre, la collection complète des coffrets de France Clidat qui nous permit de découvrir des pièces moins connues (les meilleures Polonaises de la discographie),

sans oublier les trésors oubliés des oratorios (Christus, Psaume 13)

et son œuvre symphonique (les 13 Poèmes, la Faust et la Dante-Symphonie) dans laquelle Wagner a si abondamment puisé, parfois sans vergogne (ce à quoi Liszt « n’opposa jamais que l’acquiesçante bonté d’un sourire », Debussy dixit).

Aujourd’hui, Liszt occupe encore la plus grande place dans ma discothèque, même si je ne suis pas allé jusqu’à acquérir, comme Philippe André, les 99 CD de l’intégrale pour piano enregistrée par Leslie Howard !

Outre sa musique aux styles et climats si variés, démarrant dans la virtuosité pure pour s’achever soixante ans plus tard dans le dépouillement le plus total, chromatisme et atonalité ouvrant sur les courants majeurs de la musique du XXe siècle, nous avons admiré la prodigieuse générosité du personnage. Exemple quasiment unique dans l’histoire de l’art toutes disciplines confondues, dans lequel un artiste du plus haut niveau aura consacré une bonne moitié de sa vie et de ses énergies à promouvoir et faire connaître la musique des autres : Chopin, Berlioz, Wagner, Saint-Saëns, Borodine, Verdi et bien d’autres, sans compter ses nombreux élèves dont il n’a jamais fait payer la moindre des leçons. Franz Liszt fut sans conteste le plus grand bienfaiteur de l’art de son temps, ne se cantonnant pas d’ailleurs à la seule musique grâce à sa vaste culture artistique et littéraire.

Chopin, Berlioz, Saint-Saëns, Borodine, Wagner, Verdi : de grands compositeurs contemporains de Liszt, dont ce dernier a joué et transcrit les œuvres pour les faire connaître.
Le vieux Liszt et ses élèves

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30 juin, Journée de l’astéroïde

Le 6 décembre 2016, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution déclarant le 30 juin Journée internationale des astéroïdes « afin de commémorer chaque année, au niveau international, l’anniversaire de l’explosion de Tunguska (Sibérie, Fédération de Russie) survenue le 30 juin 1908 et de sensibiliser la population aux risques d’impact d’astéroïdes. »

La Journée internationale de l’astéroïde (Asteroid Day) vise à sensibiliser le grand public aux menaces que représentent les astéroïdes, l’informer des mesures qui seraient prises pour assurer la communication de crise au niveau mondial en cas de risques liés aux géocroiseurs, mais aussi (et surtout) à mieux connaître ces fascinants résidus de la formation du système solaire.

Retour sur l’événement du 30 juin 1908, à partir d’extraits de mon livre paru en 2012, « Astéroïdes, la Terre en danger »

Le 30 juin 1908 à 7 h du matin, une effroyable explosion ravage la Tunguska, lointaine vallée pratiquement inhabitée qui étend ses forêts de conifères entre la ville d’Omsk et le lac Baïkal, en Sibérie occidentale. Accompagné d’une lueur aveuglante, le souffle couche au sol tous les arbres dans un cercle de cent kilomètres, décime des milliers de rennes, se propage, atteint les villages, brise des vitres, ébranle des immeubles. La déflagration est entendue à 1500 km à la ronde, jusqu’au cercle arctique.

Un habitant de Vanarava, à 60 km de l’endroit, aperçoit juste avant l’explosion un objet énorme et étincelant, gros comme la moitié du Soleil, fendre le ciel à la vitesse de l’éclair. Suivi par un sillage de poussière et de fumée, l’objet dégage une chaleur telle que la chemise de l’homme commence à prendre feu. Terrorisé, il a juste le temps de courir se réfugier dans sa maison afin d’éteindre les flammes.

D’autres témoins affirment avoir vu s’élever un énorme champignon de fumée noire coupant le ciel en deux. Vingt kilomètres au nord de Varanava, les nomades des tribus Tungouzes transhumant dans les forêts croient que la fin du monde est venue.Leurs huttes, arrachées du sol comme des fétus de paille, s’envolent aux quatre vents, et ils perdent des centaines de leurs rennes, gravement brûlés.

Région parmi les plus hostiles, la Tunguska compte alors très peu d’habitants. Si les dégâts matériels sont énormes, on ne déplore heureusement que quelques blessés et brûlés. Un vrai miracle. D’autant que d’incroyables phénomènes lumineux se produisent. Ce soir-là, la nuit ne se couche pas dans presque toute l’Europe. La Grande-Bretagne est éblouie par un coucher de Soleil étincelant ; la nuit, sillonnée de nuages de lumière rose, est si claire que les Londoniens peuvent lire leur journal dans la rue à minuit, sans avoir recours à l’éclairage de la ville. Des nuits d’une blancheur irréelle s’installent plusieurs semaines durant.

Enregistrée par les sismographes du monde entier, l’énergie libérée est estimée à 15 millions de tonnes de TNT. C’est mille fois la bombe atomique qui détruira 37 ans plus tard Hiroshima.

Du fait des événements qui secouent le début du siècle (purge politique en Russie, Première Guerre mondiale), les savants soviétiques ne commencent à explorer le site de la Tunguska qu’en 1927. Les arbres sont encore brûlés, couchés radialement autour du centre de l’explosion.

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Un premier pas raté vers l’exploitation minière des astéroïdes

Le démonstrateur Arkyd-3, embarqué sur le vol du Cargo Cygnus le 28 octobre.
Le démonstrateur Arkyd-3, embarqué sur le vol du Cargo Cygnus le 28 octobre.

Hier 28 octobre à 22h20 TU, la start-up Planetary Resources, basée à Seattle, espérait lancer  avec succès son premier engin spatial en orbite terrestre – une étape préliminaire dans l’ambitieux projet de la compagnie privée visant à l’exploitation des ressources minières des astéroïdes (métaux, hydrogène, oxygène, glace d’eau). Baptisé Arkyd-3, le nano-vaisseau spatial (33 centimètres de longueur sur 10 cm de large)  était embarqué sur une fusée Antarès aux côtés du cargo spatial Cygnus, chargé d’assurer le ravitaillement de la Station Spatiale Internationale en pièces de rechange et consommables.

Lanceur et cargo spatial ont tous deux été développés par la société privée Orbital Sciences Corporation, sélectionnée par la NASA pour assurer une partie des taches jadis prises en charge par la Navette spatiale américaine jusqu’à son retrait en 2012. Quant au nano-satellite Arkyd-3 développé par Planetary Resources, son objectif est de tester la technologie que la compagnie projette d’utiliser pour sa future flotte de télescopes spatiaux consacrés à la détection des géocroiseurs, c’est-à-dire les astéroïdes circulant sur des orbites proches de la Terre, donc aussi facilement accessibles que la Lune. Continuer la lecture

Tintin au pays des astéroïdes

Depuis quelque temps je suis constamment sollicité par les médias – presse, radio, télévision – pour donner mon avis sur le degré de dangerosité des astéroïdes dits “géocroiseurs”. En témoignent notamment l’émission de Michel Alberganti intitulée “Astéroïdes : comment éviter la fin du monde?”,  diffusée le 28 février dernier à l’antenne de France Culture (podcast ici), celle de Stéphane Paoli sur France Inter que j’ai enregistrée ce matin et qui sera diffusée dimanche 16 mars, ou ma petite interview de deux pages qui vient de paraître dans le numéro de mars du magazine Sciences & Avenir.

couv-asteroidesIl est vrai que j’ai imprudemment commis en 2012 un  ouvrage au titre provocateur, Astéroïdes : la Terre en danger.  Assertion que j’aurais d’ailleurs voulu transformer en question interrogative à laquelle répondre  dès la quatrième de couverture  par un rassurant “non, pas vraiment” , mais – impératifs commerciaux obligent -, c’est l’affirmation  exagérément alarmiste qui avait été retenue par l’éditeur.

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