Franz Liszt dans les étoiles (1) : de la rhapsodie à l’astéroïde

La musique est à la fois une science comme l’algèbre, et un langage psychologique auquel les habitudes poétiques peuvent seules faire trouver un sens.
Franz Liszt, Lettres d’un bachelier ès musique.

Le dernier chapitre de mon livre « Du piano aux étoiles, une autobiographie musicale », paru le 7 octobre 2021 au Passeur Editeur, est consacré à mon compositeur fétiche, Franz Liszt. Ce n’est peut-être pas mon compositeur préféré (je penche pour Ravel), mais d’une part sa musique si variée (son catalogue comprend 1400 numéros !), certes inégale de par son abondance mais comportant de nombreux chefs-d’œuvre en bonne partie méconnus du public mélomane standard, m’accompagne depuis mon enfance, d’autre part la prodigieuse générosité du personnage en fait le plus grand bienfaiteur de l’art de son temps, comme je le préciserai plus loin.

En raison des contraintes éditoriales, mon livre n’est malheureusement pas illustré, alors que je dispose d’une abondante iconographie lisztienne, que j’ai au demeurant déjà utilisée lors de conférences sur cet extraordinaire personnage que j’ai données à plusieurs reprises, notamment au festival Lisztomanias qui depuis 20 ans se tient chaque année au mois d’octobre à Châteauroux, selon le vœu exprimé par Liszt lui-même auprès de Georges Sand et concrétisé de splendide manière par mon ami musicologue, écrivain et éditeur Jean-Yves Clément.
L’intérêt d’un blog est de pouvoir mêler texte, images, audio et vidéos. Pour tous les amoureux de la musique du XIXe siècle, je propose donc ici une version illustrée de l’épopée lisztienne qui, compte tenu de sa longueur et sa richesse, sera découpée en une série de billets. Vous y découvrirez au passage comment la musique se mêle étroitement à l’astronomie, quitte à filer parfois la métaphore, mais aussi à la littérature, à la poésie, et à l’Histoire tout court.

Je suis lisztomaniaque depuis mon adolescence. Le point de départ a sans nul doute été ma première écoute, sur un vieux 78 tours en celluloïd rigide, de la 2ème Rhapsodie hongroise de Liszt dans l’interprétation d’Alexandre Brailovski, suivie peu après de sa version orchestrale par Roberto Benzi.

Comme je m’en rendrais compte plus tard, ce n’est sans doute pas le plus grand chef-d’œuvre du compositeur, mais c’était une introduction idéale à la partie de sa musique la plus connue, placée sous le signe du folklore hongrois et de la haute virtuosité.

Je découvrirai progressivement le reste de son œuvre immense et si variée avec mon ami d’enfance Philippe André, devenu comme moi lisztomaniaque au point de publier, en marge de sa brillante carrière de psychiatre, plusieurs ouvrages de premier plan sur Franz Liszt, dont j’ai déjà rendu compte sur ce blog.

Durant de longues années Philippe et moi nous nous sommes guidés mutuellement dans nos écoutes, partageant nos enthousiasmes pour l’irremplaçable Cziffra des Rhapsodies Hongroises et des Études d’Exécution Transcendante,

pour le Berman des Années de Pèlerinage (avant de connaître la version ultérieure de Chamayou),

pour le Ciccolini des Harmonies poétiques et religieuses (avant que François-Frédéric Guy n’en grave la version de référence),

l’Horowitz de la Sonate en si mineur, le prodigieux Byron Janis des œuvres pour piano et orchestre, la collection complète des coffrets de France Clidat qui nous permit de découvrir des pièces moins connues (les meilleures Polonaises de la discographie),

sans oublier les trésors oubliés des oratorios (Christus, Psaume 13)

et son œuvre symphonique (les 13 Poèmes, la Faust et la Dante-Symphonie) dans laquelle Wagner a si abondamment puisé, parfois sans vergogne (ce à quoi Liszt « n’opposa jamais que l’acquiesçante bonté d’un sourire », Debussy dixit).

Aujourd’hui, Liszt occupe encore la plus grande place dans ma discothèque, même si je ne suis pas allé jusqu’à acquérir, comme Philippe André, les 99 CD de l’intégrale pour piano enregistrée par Leslie Howard !

Outre sa musique aux styles et climats si variés, démarrant dans la virtuosité pure pour s’achever soixante ans plus tard dans le dépouillement le plus total, chromatisme et atonalité ouvrant sur les courants majeurs de la musique du XXe siècle, nous avons admiré la prodigieuse générosité du personnage. Exemple quasiment unique dans l’histoire de l’art toutes disciplines confondues, dans lequel un artiste du plus haut niveau aura consacré une bonne moitié de sa vie et de ses énergies à promouvoir et faire connaître la musique des autres : Chopin, Berlioz, Wagner, Saint-Saëns, Borodine, Verdi et bien d’autres, sans compter ses nombreux élèves dont il n’a jamais fait payer la moindre des leçons. Franz Liszt fut sans conteste le plus grand bienfaiteur de l’art de son temps, ne se cantonnant pas d’ailleurs à la seule musique grâce à sa vaste culture artistique et littéraire.

Chopin, Berlioz, Saint-Saëns, Borodine, Wagner, Verdi : de grands compositeurs contemporains de Liszt, dont ce dernier a joué et transcrit les œuvres pour les faire connaître.
Le vieux Liszt et ses élèves

Mais, trêve de banalités, tout ceci a été dit et écrit mille fois mieux et des centaines de fois, à travers un nombre considérable d’ouvrages allant du classique Guy de Pourtalès jusqu’aux plus récents Alan Walker et autres Jean-Yves Clément.

Mention spéciale aux profondes études consacrées aux Années de Pèlerinage et aux dernières pièces pour piano par Philippe André, évoquées plus haut, et au roman haletant de Zsolt Harsànyi, La vie de Liszt est un roman, pavé de 700 pages que j’ai lu deux fois d’une traite.

Je dois dire qu’il n’était pas évident d’être lisztomaniaque dans les années 1960. A cette époque, l’œuvre du compositeur souffrait d’un déficit de reconnaissance dans la critique musicale aussi bien française qu’internationale, y compris chez les simples mélomanes. Il y avait le préjugé défavorable qui s’attache à la musique de pianiste virtuose, et beaucoup se refusaient à considérer le prestidigitateur du clavier comme l’un des maîtres de la composition moderne. Je me souviens par exemple d’un vieux peintre de mes amis, grand amateur de musique classique, pour qui Liszt n’était qu’un compositeur de troisième ordre, un bateleur d’estrade sans aucune inspiration comparée à celle d’un Chopin ; et j’avais beau lui faire valoir que, certes, sa très abondante production était très inégale, mais qu’elle recelait d’inestimables trésors, lui recommander l’écoute de ses dernières œuvres pour piano ou lui parler de sa musique religieuse, rien n’y fit.

Un signe révélateur de ce manque de considération, en lien avec l’astronomie, est qu’il ait fallu attendre 2015 pour que le nom de Liszt soit donné à un astéroïde.

La nomenclature des objets célestes obéit à des règles très précises. Quand on découvre une météorite, on lui donne le nom du lieu géographique où elle est tombée. S’il s’agit d’une comète, elle portera le nom de son découvreur, mais ce n’est pas le cas pour les astéroïdes. L’Union Astronomique Internationale leur attribue d’abord un numéro matricule provisoire (année et ordre alphabétique de découverte dans l’année), puis une commission de nomenclature examine les propositions de dénomination faites par le découvreur. La désignation officielle devient alors le numéro de découverte suivi du nom de baptême, l’année de sa découverte et son ordre alphabétique de découverte dans l’année en question – par exemple (5523) Luminet. Après la révélation du premier d’entre eux en 1801, baptisé (1) Cérès, les quelques dizaines d’astéroïdes suivants furent nommé selon les dieux et déesses de l’Antiquité grecque et romaine. Quand ce panthéon et celui d’autres civilisations furent épuisés, il fallut trouver autre chose. Au vingtième siècle, après que des milliers d’astéroïdes aient été repérés, sont apparus des noms de fleurs, d’épouses d’astronomes, de personnages politiques, d’écrivains. La musique sous toutes ses formes a heureusement été mise à contribution : on y trouve des compositeurs classiques, des chanteurs et des interprètes, des titres d’opéras, plus récemment des musiciens de pop music et des chanteurs de variété.

Les compositeurs classiques ont été essentiellement honorés à partir des années 1920 par une poignée d’astronomes mélomanes. A tout seigneur tout honneur, cela a commencé en 1924 avec (1034) Mozartia. On doit ensuite à l’Allemand Karl Wilhelm Reinmuth les dénominations de (1814) Bach, (1815) Beethoven et (1818) Brahms. C’est surtout Freimut Börngen, découvreur de 538 astéroïdes entre 1961 et 1995, qui en a baptisé une bonne quarantaine du nom de ses compositeurs favoris, montrant un intérêt assez éclectique pour la musique des divers siècles, allant de Palestrina à Messiaen. Or, dans une liste de plus de cent noms de musiciens manquait curieusement celui de l’un des plus grands : Franz Liszt.

L’astéroïde n°3910 a été découvert en 1988 par l’astronome belge Eric Walter Elst, mais il n’a reçu son nom de Liszt qu’en 2015 grâce à Börngen, qui a racheté ainsi son oubli. Il est possible que l’année mondiale Franz Liszt 2011, nommée à l’occasion du bicentenaire de sa naissance, ait aidé à la décision.

Colonne de droite : caractéristiques de l’astéroïde (3910) Liszt. En haut à gauche, modèle de sa forme reconstituée d’après la base de données photométriques de l’Observatoire Lowell. (3910) Liszt appartient à une famille d’astéroïdes de type S (silicaté) de la ceinture principale intermédiaire. Elle doit son nom à son membre de plus faible numéro, (1272) Gefion, et comprend parmi ses membres Huygens et Klingsor!

L’acte de baptême officiel figurant sur le site du Minor Planet Center (Centre des Petites Planètes) est néanmoins curieux :

« (3910) Liszt = 1988 SF

« Nommé en mémoire de Franz Liszt (1811-1886), maître légendaire du piano et combattant courageux pour le progrès de l’art musical. Grand compositeur aux multiples facettes, ses œuvres allaient des rhapsodies hongroises aux poèmes symphoniques. Alors qu’il était étudiant à l’université de Bonn, le découvreur a fait la connaissance de Lady Elisabeth von Loe-Schultz, qui avait le privilège d’avoir connu le compositeur. Chez elle, le découvreur jouait régulièrement devant un petit public d’étudiants plusieurs des célèbres études pour piano de Liszt. Nom avalisé par F. Börngen, Tautenburg, qui a proposé indépendamment le nom d’une autre planète mineure, et qui note que de 1848 à 1861 Liszt était le chef de l’orchestre de la cour à Weimar, non loin de Tautenburg ».

J’ai écrit « curieux » car, si Elisabeth von Loe-Schultz a bel et bien existé et connu Liszt avec qui elle avait pris quelques leçons de piano à Weimar, elle est décédée en 1926, et je ne vois vraiment pas comment le découvreur Eric Walter Elst, né seulement en 1934, aurait pu jouer du piano chez elle !

En tout état de cause, je suis enchanté de savoir que la découverte de l’astéroïde Franz Liszt ait été faite à l’Observatoire de Haute-Provence, pas loin de chez moi… Et plus encore d’avoir vérifié sur le site de la NASA que les orbites de (3910)Liszt et (5523) Luminet  se croisent de temps en temps, comme l’atteste cette capture d’écran que j’y ai faite récemment.

Le cratère d’impact Liszt sur la planète Mercure

Pour être tout à fait exhaustif sur la nomenclature astronomique, j’ajoute qu’un cratère d’impact de 79 km de diamètre présent sur la surface de Mercure avait déjà été nommé Liszt en 1985, toujours sous l’égide de la bienveillante Union astronomique internationale.

 

La suite est à lire ici

13 réflexions sur “ Franz Liszt dans les étoiles (1) : de la rhapsodie à l’astéroïde ”

  1. je recommande chaleureusement la lecture du livre de Jean-Pierre. Je pense que toutes les qualités qu’il y avait dans “l’écume de l’espace temps” se retrouve dans “du piano aux étoiles”. je ne veux pas détailler, disons que c ‘est holistique. Si le premier livre était d’obédience scientifique, celui-ci a le goût particulier des mémoires.
    Michel, surveillez votre boite à lettres, des fois qu’une étoile tombe dedans !

  2. Cher Monsieur Luminet,
    Quelle surprise, quel plaisir de découvrir les attaches qui vous lient à la musique de Franz Liszt (je n’ai pas encore lu votre livre mais je vais m’empresser de l’acquérir). Cette musique m’a aussi accompagné toute ma vie : 20 ans = les rhapsodies + les années de pèlerinage ; 40 ans = la sonate + les études ; 60 = les œuvres chorales et les œuvres pour orgues = Dante-symphonie + ad nos ad salutarem undam ; captivant langage et étonnante musique qui ne se « démode » pas ! J’ai trouvé, dans tous les instants importants, heureux ou tristes de mon existence, une correspondance de sentiment mystérieuse, un soutien, comme une explication, de l’énergie vitale, dans cette musique. Capacité géniale, exceptionnelle, de ce Grand Homme, à exprimer la variété et la complexité des sentiments, des émotions et des pensées humaines. Que cette musique résonne dans des esprits puissants et complexes comme le votre, Cher Monsieur Luminet, ou dans des esprits beaucoup plus modestes comme le miens est bien une preuve supplémentaire de l’universalité des découvertes du Grand Maître.
    Je vous envoie, Cher Monsieur Luminet, mes salutations amicales et respectueuses.
    Stéphane à Genève

  3. Bonsoir!

    Eh bien, ce jour, je comprends mieux et pour tout dire ma petite intuition se trouve confirmée, en découvrant aujourd’hui, cette leçon de piano, autrement dit ce billet musical suivi d’un commentaire qui ne laisse plus place au doute.

    Hier j’ai acheté le livre de Monsieur Luminet et en même temps, autrement dit le jour même, une étoile bien vivante, celle de l’homme imaginant, par la fente de la porte de la maison est entrée avec un titre formidable : “Du piano aux étoiles”

    Par hasard, sans doute!

    Je vais lire ce beau livre qui me fait penser à une page merveilleuse de “La poétique de l’espace” où l’auteur, Gaston Bachelard, raisonne et résonne “un accroissement d’être” en citant un texte de Listz (graphie erronée de Liszt, à cette page 177).

    Et si Anna de Noailles qui a célébré les couleurs du génie hongrois, fût présente à la première rencontre entre Frédéric Chopin et George Sand, peut-être eût-elle déclaré à Franz Liszt et à sa comtesse, qui étaient là présents :

    Notre hôte “valsera d’abord au son du piano d’un génie étranger”

    Et dans les mots qui rêvent et dansent, on voit que les quarante et une lettres de cette prévision “présente” la fée du logis dans son immensité intime. A savoir :

    “Aurore Dupin, baronne Dudevant, alias George Sand”

    George (pas de s final pour le prénom de la dame de Nohant)

    Que nous dit, cette grammaire étonnante, si chère au pianiste et au physicien? Elle révèle selon, Jacques et Étienne, un sens caché du monde.

    Oui et alors?

    On peut toujours faire la roue avec moult citations et un savant répertoire où tout l’espace vibre : “Pas d’espace sans musique parce qu’il n’y a pas d’expansion sans espace”, dit Shelley qui nous invite à écouter les “êtres de l’espace infini”.

    C’est bien vrai ça mais pour “Monsieur Tout-le-Monde” ce n’est que vocabulaire savant qui ne veut pas dire grand-chose et qui ne change strictement rien aux fins de mois difficiles, mes braves gens!

    Une petite voix dans le boudoir, légère à l’infini, férue d’anagrammes, semble me susurrer à l’oreille :”Tu es le mouton endormi”. Soit!

    Toute proche ou bien loin du château de la princesse des contes, quelle harpe d’opéra, dans la nature saura nous réveiller?

    En avant la musique!

    Kalmia

    Donné le vingt et un octobre deux mille vingt et un

    1. Au point où nous en sommes, je suggère de chercher la harpe au pays des rêves. C’est à dire quand on est endormi. Il y a là deux mondes très cloisonnés. Quand on est dans l’un on oublie l’autre presque complètement. On oublie dans le temps de l’éveil qu’on a pu être conscient de rêver au milieu de ses rêves. Et on oublie dans le temps du sommeil qu’on a pu être très conscient d’être éveillé au milieu de … de quoi ? d’une incapacité à visiter les autres cerveaux ?

  4. Bonjour!

    Entre Guillaume et Kalmia, les questions fusent et du haut de ma petite tour de province, je ne vois à l’horizon une réponse qui tienne la route. Orphée au milieu des Bacchantes ou Liszt en soutane, entouré d’un essaim de femmes est-il pour nous, pauvres humains, le précepteur qui saura nous guider dans nos divagations? Encore une question sans réponse.

    Comme le pense G.Bachelard, lui aussi musicien, une ontologie d’une “poétique de la relation” peut nous permettre d’habiter le monde, à condition de se faire instrument, “harpe éolienne”, à l’écoute des sonorités des êtres et des choses.

    Une harpe pour dissiper nos idées noires, nos doutes et nos tourments, tel le jeune berger David jouant de la harpe pour le roi Saül.

    Ces derniers commentaires et, en lecture continuée, un autre billet de Monsieur Luminet où il se réfère à Gaston Bachelard, m’ont fait rouvrir un livre de cet auteur pour qui le rêve est une force de la nature. Je le cite :

    “Pour nous, la prévision est immanente à la vision; on ne voit bien que si l’on prévoit un peu, de sorte qu’une méditation psycho-physiologique de la vision donnerait une psychique de la nature dans le même temps qu’une méditation sur l’objectivité de la connaissance du réel donnerait une physique de la pensée” (“Lautréamont”, page 150)

    Il y a quelques heures, dans l’île de Candie, un randonneur terminait son billet “Brassens, le polisseur de la chanson” sur un titre d’icelui: “J’ai rendez-vous avec vous”. En région parisienne, dans les Deux-Sèvres (un département français proche de la Vendée) , en Provence ou ailleurs, les braves gens dans les supermarchés vont écouter machinalement, ce matin, des chansons de notre séculaire Jojo national, en poussant leur chariot.

    A chacun sa route! A chacun sa voix!

    Un pas de côté pour que l’imagination réalise…Est-ce bien raisonnable, braves et honnêtes gens?

    Et pauvre de moi, de me retrouver Gros-Jean comme devant avec ma question du jour et sans Peitjean pour me répondre!

    Dans le mauvais temps ou dans la locomotive, il reviendra peut-être, vivant, le petit cheval blanc…

    Jacques

  5. Bonsoir!

    Un heure de plus au clocher du village! Une aubaine pour suspendre le piano aux étoiles de la contrée, en nous souvenant de l’autobiographie musicale du maître des lieux.

    Un psaume pour dire la beauté de l’ouvrage et extraire de sa profondeur bleue quelques perles rares aux fins de chanter sa grandeur dans son intime immensité.

    Le scripteur est à des parasanges de la culture musicale de notre auteur. Autrement dit, un mammouth incapable de sortir quelque chose des touches du moindre instrument acheté pour trois sous dans un vide-grenier. Comme tant et tant d’autres, il écoutait Françoise Hardy et allait voir le chanteur, dans un bal de province! En ce début des années septante, loin, si loin de cette jeunesse cultivée et bien posée, composant des mouvements d’une Sonate pour flûte et piano.

    Alors quand on ne sait lire les notes de musique, eh bien on tire son carnet et on en prend…des notes.

    Dont acte.

    Le livre du maestro céruléen est un bijou et plus d’un lecteur confirmera la chose.

    Une balade et une ballade en même temps. Une plume qui chante et travaille en étoile, comme disait, ce rêveur de mots, mentionné et cité, pages 13 et 129. Par-ci par-là, un trait d’union, une majuscule oubliés et une écrivaine, une compositrice, enfants du dieu “mode” qui font quelques petits couacs en telle harmonique littérature.

    De grâce, ne tirez pas sur le pianiste! La leçon est trop belle sur des accords profonds…Quand “la courbure de l’espace-temps” devient par ses lettres permutées “superbe spectacle de l’amour”, il y a de quoi s’étonner!

    Il aimera, j’en suis sûr, ce bel ouvrage, cet esprit finement musical lu plus haut et qui, hier, avec beaucoup d’élégance et de sagacité s’est plu à me questionner sur un passage du “Manuscrit de 1942”.

    Dans son pays, là-bas, il y a une fée du piano, petit prodige extrême-oriental, qui a travaillé, si jeune, la Sonate de Liszt. Du côté de Neuchâtel, elle a répondu, crayon à la main, en images et en couleurs au questionnement de Marianne et de Gavroche réfléchissant à la conclusion spiritualiste d’un projet écrit pour eux au sommet de l’État français.

    Lire, lire encore avec l’esprit de la lyre pour pouvoir écrire la coda qu’une “simple loupe” ne saurait déchiffrer.

    Bien à tous

    Gérard

  6. Bonjour!

    Pas mal, en effet, cette “simple loupe” dont l’anagramme fait
    “le populisme”!
    Anagramme…Nous en trouvons une sur les touches du piano des étoiles où l’ami de Maître Jean-Pierre a voix au chapitre.
    Celle du peuple, Madame, Monsieur, serait-elle récusable car la musique savante manque à son désir?
    Ces gens d’en bas qui n’écoutent pas – et loin, très loin s’en faut – “Inscape” dans les salles de concert, seraint-ils à ce point déconnectés de “cette double profondeur du cosmos et de l’âme humaine dont a si bien parlé Gaston Bachelard”, comme le précise judicieusement Monsieur Luminet?
    Une réponse péremptoire négative serait peut-être se mettre le doigt dans la châsse. On peut imaginer en Béotie culturelle et musicale, un “homme à la loupe”, comme le fait justement ce même Gaston Bachelard ( “La poétique de l’espace”, pages 145 et 146) pour retrouver une enfance et entrer au jardin, dans le jardin, là où “l’homme à la loupe” n’est pas un vieillard qui veut lire encore son journal, mais quelqu’un qui prend le Monde comme une nouveauté.
    Donnez-nous, Messires, un “polisseur de lentilles” afin d’y voir plus clair pour chasser les marchands du temple – ” et les perles d’illusion” – dont l’anagramme est, on ne peut mieux dire, “polisseur de lentilles”. Vérifiez, c’est exact, ce sont les mêmes vingt lettres!
    Autres temps, autres mœurs…Pindare devenu ophtalmologue dans un coin d’univers saurait peut-être nous la rendre…la vue!
    Siloé, une vue de l’esprit?

    Kalmia

  7. Chère Kalmia, il faudra vous acheter une paire de bésicles pour écrire sans fautes, le verbe être conjugué à la troisième personne du pluriel du conditionnel présent.
    On ne rigole pas avec la grammaire, cette douce chanson, chez Monsieur Luminet, vous savez!
    A votre dernière question, je réponds oui.
    Bien à vous et aux passants du blogue.

    Jacques

  8. Si je m’amusais à représenter les grands compositeurs avec l’astronomie, Bach serait le cosmos entier; Mozart, le scintillement des étoiles dans l’obscurité; Beethoven, Jupiter; Chopin, une splendide nébuleuse; et Liszt, une supernova!

    La musique de Liszt fut ma grande initiatrice à toute la musique classique, je l’aimerai toujours, et chaque fois que ma santé aujourd’hui m’empêche de vivre à fond ma passion pour le piano, la seule chose qui me console est… l’observation du ciel. C’est vous dire, M. Jean-Pierre Luminet, combien je suis ravi de découvrir votre blog!

    En guise de remerciement, je me permets de partager avec vous ces lignes extraites de son livre sur Chopin (peut-être les connaissez-vous déjà) où Liszt s’adonne à l’astronomie de manière aussi explicite que lyrique! Il y décrit « …les fugaces sillages que laissent sur l’azur les étoiles filantes, lucioles d’en haut… et ces comètes aux incalculables orbites, redoutées pour leur étrange splendeur, tandis que leurs vagabondes et solitaires courses ne sont que tristes et inoffensives… et Aldébaran, cet astre distant qui, comme la sinistre étincelle d’un regard ennemi, semble guetter notre globe sans oser l’approcher… et ces radieuses planètes, versant à l’oeil errant qui les cherche, une lueur amie et consolatrice comme une énigmatique promesse!»

    Et plus loin Liszt renchérit, encore plus lyrique, cette fois sur le soleil levant, dans un passage qui s’étend sur trois pages et construit à la manière d’un long crescendo vers un climax grandioso (bref Liszt écrit comme il compose!), en voici la fin:

    « À l’Orient, le gigantesque éventail de lumière s’ouvre toujours plus large et vaste. Des lanières d’or, des paillettes d’argent, des franges violettes, des liserées d’écarlate le recouvrent de leurs immenses broderies. Des reflets mordorés panachent ses branches. À son centre le carmin plus vif prend la transparence du rubis, se nuance d’orange comme le charbon, s’évase comme une torche, grandit enfin comme un bouquet de flammes, qui monte et monte, d’ardeurs en ardeurs, toujours plus incandescent.
    Enfin le Dieu du Jour paraît! Son front éblouissant est orné d’une chevelure lumineuse. Il se lève lentement; mais à peine s’est-il dévoilé tout entier qu’il s’élance, se dégage de tout ce qui l’entoure et prend instantanément possession du Ciel, laissant la terre loin au-dessous de lui.»

    1. Merci beaucoup pour votre appréciation.J’avais bien entendu lu l’ouvrage que Liszt a consacré à Chopin, mais je n’avais pas mémorisé le passage particulièrement astronomique que vous citez, merci donc pour ce rappel que je ne manquerai pas de faire dans mes conférences sur le sujet! J’espère que mes autres billets sur Liszt et plus généralement la musique vous plairont autant.

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