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Du délitement de la communication scientifique

Je ne m’en prendrai pas ici à l’effroyable désinformation scientifique concernant les sujets de la santé, du climat ou encore des conflits géopolitiques, complaisamment relayée par 90 % des médias français aux mains d’un poignée de milliardaires représentants l’oligarchie mondialiste.
Non, je m’en tiendrai à ma propre discipline, la cosmologie, pour laquelle je pense avoir quelques compétences et avis pertinents, que d’aucuns me dénient dès que je sors du sujet  sur les réseaux sociaux (voir par exemple mon récent Journal Idéoclaste” aux éditions du Chien qu passe.)
Certes, les enjeux sociétaux de la cosmologie  paraissent minimes – du moins sur les temps courts de l’humanité – par rapport aux sujets précédents, mais l’exemple que je vais donner (parmi des centaines d’autres), un peu technique pour certains de mes lecteurs non avertis, illustre bien à mon sens le délitement général, le manque de rigueur et le laisser-aller qui ont envahi tous les secteurs de la pensée humaine, y compris ceux que l’on pouvait croire de haut étage et des plus fiables comme celui des sciences de l’univers.
Certes il n’est pas neuf que les médias soient toujours plus avides de “scoops” et de gros titres aguicheurs annonçant des nouvelles prétendument révolutionnaires, afin d’attirer les lecteurs. Dernières dérives en date, quasi hebdomadaires : toutes les nouvelles observations du JWST sont annoncées comme remettant en cause toute notre compréhension de l’univers, alors qu’un œil professionnel et objectif sait parfaitement que, loin de contredire le modèle standard, elles ne font que le rendre plus solide en lui imposant de s’affiner pour être encore plus efficace. Je me désole depuis longtemps que cette pratique systématique du sensationnalisme ait aussi envahi les agences de communication scientifique a priori respectables comme la NASA et les agences  spatiales, les organismes de recherche comme le CNRS, les laboratoires de recherche et les universités.
Mais venons-en enfin à mon exemple précis.
« Pesée d’un trou noir supermassif situé à 11 milliards d’années-lumière », peut-on lire sur le site d’actualité du très respectable laboratoire Lagrange à Nice. Même son de cloche sur le site de l’Observatoire de Lyon, celui du CNRS qui reprend mot pour mot le titre sans faire la moindre vérification ni, pire, remonter à la source de l’article technique original,  ou encore sur Futura Sciences, ce site d’informations scientifiques généralistes qui héberge ce blog et que je parraine, tout en me demandant chaque  jour si je vais continuer à le faire compte tenu de leurs prises de positions partiales, archi-conformistes et orientées pour tout ce qui concerne la santé et le climat et que j’abhorre car elles visent à créer de l’anxiété chez leurs lecteurs.
Revenons à nos moutons galactiques. Tous ces communiqués de presse mentionnent à juste titre les remarquables et récentes observations de la galaxie SDSS J092034.17+065718.0 (nom impossible à retenir) abritant un gros trou noir situé à 11 milliards d’années-lumière. Ils font état d’une très belle mesure récemment effectuée par l’instrument Gravity+ installé au VLT du Chili, ayant permis de détecter avec une précision extraordinaire le mouvement de nuages de gaz gravitant autour du présumé trou noir central de la très lointaine galaxie J09xxx et d’en déduire la masse de ce dernier : 320 millions de masses solaires. Au-delà de l’exploit technique que cela représente, il s’agit d’un résultat d’autant plus intéressant que, d’après les modèles de coévolution des trous noirs supermassifs avec leurs galaxies hôtes, ce trou noir-là est quatre fois moins massif qu’attendu par le modèle proposé il y a de nombreuses années par l’astronome Kormendy, dont la généralité a pourtant déjà été maintes fois démentie par de nombreux cas particuliers.
Alors qu’est-ce qui cloche dans l’information donnée ? Hé bien C’EST LA DISTANCE.
Comme je m’évertue à l’écrire depuis des dizaines d’années dans tous mes livres et articles de cosmologie (apparemment en vain), mais surtout comme le veut le B-A BA de la cosmologie relativiste, la distance en années-lumière d’un objet céleste N’EST PAS STRICTEMENT EQUIVALENTE  au temps que la lumière a mis pour nous parvenir (« temps de regard en arrière », en anglais « lookback time »).
Dès la question 7 “Jusqu’où peut-on observer les objets célestes avec les télescopes ?” de cet ouvrage élémentaire publié en 2019, j’explique de façon la plus pédagogique possible pourquoi il n’y a pas stricte équivalence entre les distance des galaxies lointaines et le temps que leur lumière a mis pour nous parvenir.
Il y a certes une équivalence directe pour les distances cosmologiques faibles : une étoile dont la lumière met dix mille années pour nous parvenir est bel et bien située à dix mille années-lumière. Idem pour une galaxie située à deux cents millions d’années-lumière : son temps de regard en arrière est deux cents millions d’années. Mais il se trouve que l’univers est en expansion, et qu’à suffisamment grande échelle, la correspondance numérique  distance/temps de regard en arrière cesse d’être valide. En x milliards d’années, la lumière a parcouru plus de x milliards d’années-lumière pour nous parvenir, car durant ce long intervalle de temps, l’espace a significativement allongé son trajet réel. Dans mon livre je donne l’exemple simple d’une fourmi circulant à la surface d’un ballon à la vitesse maximale d’un centimètre par seconde ; mais si le ballon gonfle en même temps, le parcours effectif de la fourmi au bout de dix secondes sera supérieur à 10 centimètres (temps de parcours multiplié par la vitesse propre) : il faut rajouter la vitesse d’expansion du ballon!
De fait nous disposons de formules précises, issues du modèle standard de la cosmologie, qui permettent de calculer tout cela, même si les formules ne sont pas simplissimes.
Primo il faut savoir que la distance d’une galaxie lointaine se mesure à partir de son décalage spectral vers le rouge (son « redshift »), d’où l’on déduit par une petite intégrale le temps de regard en arrière, et la distance. Comme je ne peux pas ici écrire de formules compliquées, pour les intéressés j’ai fait des copies d’écran que j’attache ci-dessous en images. Pour faire bref, le redshift mesuré de la galaxie J09xxx est 2.3, ce qui donne bien un temps de regard en arrière de 11 milliards d’années… MAIS UNE DISTANCE DE 22,17 MILLIARDS D’ANNEES-LUMIERE ! Une erreur d’un facteur deux quand même, par rapport à ce qui est annoncé dans les communiqués de presse susmentionnés.
Je note au passage que les communiqués de presse anglo-saxons sont (sur ce coup-là, mais pas toujours) plus corrects, en indiquant « at redshift z = 2.3, light travels to us for about 11 billion years », sans mentionner la distance. D’ailleurs, larticle technique original, publié le 29 janvier dans la célèbre revue Nature et sur lequel auraient dus s’appuyer les communiqués de presse, se contente de titrer très justement : “A dynamical measure of the black hole mass in a quasar 11 billion years ago”.
Un indicateur de plus de la dégringolade française tous secteurs confondus?
Seconde partie amusante mais plus technique de ce billet, pour les personnes intéressées.
Je connais bien sûr (mais pas par cœur) les formules cosmologiques permettant de faire le calcul. Mais, un peu paresseux et sans calculette à portée de main, j’ai voulu voir si chatGPT (que précédemment je n’avais utilisé que 3 fois par simple curiosité) pouvait faire le calcul à ma place. Je lui ai donc posé la question :
« En supposant la courbure de l’univers k=0, quelle est la distance d’une galaxie dont le redshift est 2,3 ? »
chatGPT me répond très correctement avec la bonne formule générale, dépendant des paramètres cosmologiques (constante de Hubble-Lemaître, densités de matière et d’énergie sombre), cf. capture d’écran dans l’image ci-dessous.
Je luis rétorque alors : « Je connais ces formules, mais vous ne me donnez pas le résultat numérique calculé pour les valeurs usuelles des paramètres cosmologiques (70, 0.3, 0.7) »
Là encore il me répond de façon impeccable en me donnant la bonne distance  : 6797.14 mégaparsecs, cf. capture d’écran:
C’est alors qu’arrivent les surprises. Je sais bien que pour avoir la distance dans l’unité plus familière des années-lumière utilisée dans les médias, il suffit de multiplier par 3,26 millions, ce qui fait 22,17 milliards d’années-lumière.
Or, voilà-t-il pas que pour effectuer cette multiplication ultra simple, ChatGPT croit judicieux de convertir d’abord les mégaparsecs en km, puis les km en années-lumière, et il me sort coup sur coup deux résultats aberrants, l’un de 2.05×10^25 années-lumière, l’autre de 2.24×10^28 années-lumière ! Je lui indique alors la simple formule pour convertir directement les mégaparsecs en années-lumière sans devoir passer par l’intermédiaire des kilomètres.
ChatGPT finit (comme presque toujours) par reconnaître son erreur:
« Je vous présente mes excuses pour cette erreur dans la conversion. Vous avez absolument raison. Donc, en multipliant 6797.14 mégaparsecs par 3.262×10^6, nous obtenons effectivement 2.2169306×10^10 années-lumière, comme vous l’avez correctement calculé.”
Moralité de l’histoire : ChatGPT est capable de trouver dans un article technique de cosmologie les bonnes formules, mais il se trompe lamentablement quand il s’agit de faire une simple multiplication. Vous appelez ça intelligence artificielle ? Et, pour en revenir aux communiqués de presse officiels, vous appelez ça de la bonne communication scientifique? Elle est tout simplement paresseuse. Car vous comprenez, se disent les journalistes et même les chercheurs professionnels impliqués dans leur communiqué de presse, écrire qu’une galaxie est située à 22 milliards d’années lumière alors que le big bang ne date que de 13,8 milliards d”années est tellement contre-intuitif qu’il vaut mieux tordre les chiffres. Ainsi va le monde. Jamais approfondir, toujours simplifier, quitte à tricher.
  Une dernière précision, qui renforce mes remarques critiques sur le délitement de l’information scientifique. Si j’ai demandé à chatGPT  de faire le calcul seulement pour un paramètre de courbure de l’espace k = 0, est-ce à-dire que j’accepte l’idée que l’univers puisse être infini? Certainement pas ! Car là encore, on néglige sans vergogne quelque chose de contre-intuitif mais de parfaitement cohérent sur le plan cosmologique : la possibilité que la topologie de l’univers soit multi-connexe (exemple simple parmi 17 autres géométries euclidiennes: un hypertore). Voir mon livre “L’univers chiffonné” entièrement consacré à la question, pour ne pas parler des dizaines d’articles techniques (dont le célèbre qui a fait la “une” de la revue Nature en 2003).
Mais là encore, il y a une immense paresse de la communication scientifique, y compris chez les professionnels, mis à part chez quelques-uns qui ont suivi les travaux pionniers des années 90 sur la question.
Si j’ai demandé à chatGPT de faire le calcul pour k =0 ce n’est pas parce que j’y crois (la valeur  k = 1 est beaucoup plus physiquement pertinente), mais parce que les contraintes expérimentales actuelles nous disent que la courbure de l’espace est “proche” de 0 (à 2 % près), de sorte que les formules plus générales faisant intervenir k  donnent un résultat quasiment identique en ce qui concerne les distances. En revanche, comme je l’ai écrit maintes fois, il suffirait que la valeur de k soit positive même à un milliardième près pour que l’espace soit automatiquement fini (cf. le B-A-BA des géométries non-euclidiennes), ce qui fait quand même une sacrée différence avec l’hypothèse absurde, paresseuse et à jamais indémontrable, de l’infinité de l’espace ! Sans oublier les vertigineuses implications philosophiques que cela implique.

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Hommage à Giordano Bruno : l’ivresse de l’infini

Le 17 février 1600, Giordano Bruno est brûlé vif à Rome par l’Inquisition : la liberté d’esprit face à la pensée unique. L’article qui suit lui rend hommage. Je le reprends d’une de mes publications parue en mai 2007 dans la Revue Europe n°937.

Bruno et Galilée au regard de l’infini

« Qui est là ? Ah très bien : faites entrer l’infini »
Louis Aragon, Une vague de rêves (1924)

Une des questions les plus anciennes à propos de l’univers est de savoir quelle est son étendue. Est-il fini ou infini ? Il va de soi que la question n’est pas seulement d’ordre scientifique, mais qu’elle a suscité nombre de débats philosophiques et théologiques. Selon les époques et les cultures, la réponse a oscillé, telle une valse hésitante, entre ces deux visions radicalement opposées du monde. On ne peut analyser les positions respectives de Giordano Bruno et de Galileo Galilei face à cette question sans remonter aux sources mêmes de la pensée cosmologique occidentale.

Détail de la fresque de Raphaël “L’école d’Athènes”, censé représenter Anaximandre de Milet.

Dès le VIe siècle avant notre ère, dans la Grèce antique, les premières écoles de savants et de philosophes, dites «présocratiques », tentent chacune à leur façon d’expliquer rationnellement le «monde », c’est-à-dire l’ensemble formé par la Terre et les astres conçu comme un système organisé. Pour Anaximandre, de l’école de Milet, le monde matériel où se déroulent les phénomènes accessibles à nos investigations est nécessairement fini. Il est toutefois plongé dans un milieu qui l’englobe, l’apeiron, correspondant à ce que nous considérons aujourd’hui comme l’espace. Ce terme signifie à la fois infini (illimité et éternel) et indéfini (indéterminé). Pour son contemporain Thalès, le milieu universel est constitué d’eau et le monde est une bulle hémisphérique flottant au sein de cette masse liquide infinie. On retrouve cette conception intuitive d’un monde matériel fini baignant dans un espace-réceptacle infini chez d’autres penseurs : Héraclite, Empédocle, les stoïciens notamment, qui ajoutent l’idée d’un monde en pulsation, passant par des phases de déflagrations et d’explosions périodiques.

Buste de Démocrite

L’atomisme, fondé au Ve siècle par Leucippe et Démocrite, prône une tout autre version de l’infini cosmique. Il soutient que l’univers est construit à partir de deux éléments primordiaux : les atomes et le vide. Indivisibles et insécables (atomos signifie « qui ne peut être divisé »), les atomes existent de toute éternité, ne différant que par leur taille et leur forme. Ils sont en nombre infini. Tous les corps résultent de la coalescence d’atomes en mouvement; le nombre de combinaisons étant infini, il en découle que les corps célestes sont eux-mêmes en nombre infini : c’est la thèse de la pluralité des mondes. La formation des mondes se produit dans un réceptacle sans bornes : le vide (kenon). Cet « espace » n’a d’autre propriété que d’être infini, de sorte que la matière n’influe pas sur lui : il est absolu, donné a priori.

Schéma du cosmos atomiste
Détail d’une fresque de l’Université Nationale d’Athènes représentant Anaxagore. Artiste : Eduard Lebiedzki, d’après un dessin de Carl Rahl (vers 1888).

La philosophie atomiste est fermement critiquée par Socrate, Platon et Aristote. De plus, en affirmant que l’univers n’est pas gouverné par les dieux, mais par de la matière élémentaire et du vide, elle entre inévitablement en conflit avec les autorités religieuses. Au IVe siècle avant notre ère, Anaxagore de Clazomènes est le premier savant de l’histoire à être accusé d’impiété – en quelque sorte le malheureux précurseur de Bruno et Galilée; toutefois, défendu par des amis puissants (Périclès !), il est acquitté et peut s’enfuir loin de l’hostilité d’Athènes. Grâce à ses deux plus illustres porte-parole, Épicure (341-270 av. J.-C.) – qui fonde la première école admettant des femmes pour étudiantes –, et Lucrèce (Ier siècle av. J.-C.), auteur d’un magnifique poème cosmologique, De la nature des choses, l’atomisme n’en demeure pas moins florissant jusqu’à l’avènement du christianisme.

Une édition anglaise du poème de Lucrèce

Parménide, au Ve siècle avant notre ère, est peut-être le premier représentant du finitisme cosmologique. Selon lui, le Monde, image de l’Etre Parfait, est pareil à une « balle bien ronde » et possède nécessairement des limites. Dans Le Timée, Platon (428-347) introduit un terme spécifique, khora, pour désigner l’étendue ou espace en tant que réceptacle de la matière, et défini par elle. Il le considère comme fini, clos par une sphère ultime contenant les étoiles. De la même façon, Aristote (384-322) prône une Terre fixe au centre d’un monde fini, circonscrit par la sphère qui contient tous les corps de l’univers. Mais cette sphère extérieure n’est « nulle part », puisque au-delà il n’y a rien, ni vide ni étendue.

Platon et Aristote au centre de la fresque de Raphaël, “l’Ecole d’Athènes” (1511)

Il existe ainsi, dans l’Antiquité grecque, trois grandes écoles de pensée cosmologique. L’une, qui rassemble les milésiens, les stoïciens, etc., fait la distinction entre le monde physique (l’univers matériel) et l’espace : l’univers est considéré comme un îlot de matière fini plongé dans un espace extracosmique infini et sans propriété, qui l’englobe et le contient. Les deux autres, atomiste et aristotélicienne, considèrent que l’existence même de l’espace découle de l’existence des corps; le monde physique et l’espace coïncident; ils sont infinis pour les atomistes, finis pour les aristotéliciens.

La conception stoïcienne du cosmos

Les premiers théologiens du christianisme ne s’y trompent pas : ils rejettent violemment la philosophie atomiste, qui est matérialiste, mais aussi la doctrine aristotélicienne, qui implique un temps éternel et un univers non créé. Les modèles cosmologiques du Haut Moyen-Âge reviennent aux conceptions archaïques des milésiens, à savoir un cosmos fini baignant dans le vide, à la distinction près que le cosmos revêt maintenant la forme d’un tabernacle, ou celle d’un cœur !

L’univers en forme de tabernacle, selon le moine byzantin Cosmas Indicopleustes

La cosmologie d’Aristote, perfectionnée par l’astronomie de Claude Ptolémée (vers 150 de l’ère chrétienne), est toutefois réintroduite en Occident au XIe siècle, grâce aux traductions et aux commentaires arabes, et aménagée pour satisfaire aux exigences des théologiens. Notamment, ce qui se situe au-delà de la dernière sphère matérielle du monde acquiert le statut d’espace, sinon physique, du moins éthéré ou spirituel. Baptisé «Empyrée », il est considéré comme le lieu de résidence de Dieu, des anges et des saints. Ce cosmos médiéval aristotélo-chrétien, si bien illustré par La divine comédie de Dante, est non seulement fini et centré sur la Terre fixe, mais il est très petit : la distance de la Terre à la sphère des étoiles fixes est estimée à 20 000 rayons terrestres, de sorte que le paradis, à sa frontière, est raisonnablement accessible aux âmes des défunts. Le chrétien trouve naturellement sa place au centre de cette construction.

Système du monde médiéval dans la Cosmographie d’Apianus)

Si ce modèle d’univers s’impose rapidement, il n’empêche pas la résurgence d’idées atomistes. Après la redécouverte du manuscrit de Lucrèce, le cardinal allemand Nicolas de Cues (1401-1464) plaide en faveur de l’infinité de l’Univers, de la pluralité des mondes habités et du mouvement de la Terre dans son Traité de la Docte Ignorance (vers 1440). Mais son argumentation reste principalement métaphysique : l’univers est infini parce qu’il est l’œuvre de Dieu, lequel ne saurait être limité dans ses œuvres.

La docte ignorance, de Nicolas de Cuse

Un siècle plus tard, le chanoine polonais Nicolas Copernic (1473-1543) réintroduit l’héliocentrisme, vieille hypothèse déjà formulée au IIIe siècle avant notre ère par Aristarque de Samos mais restée en sommeil, malgré la tentative de Nicolas de Cues. Son De Revolutionibus (1543) pose les hypothèses que la Terre n’est pas le centre de l’Univers ; que toutes les sphères tournent autour du Soleil, centre de l’Univers ; que tout mouvement céleste est produit par le mouvement de la Terre et non par celui du firmament ; que la Terre effectue une rotation complète autour de ses pôles en un jour et une révolution complète autour du Soleil dans le plan de l’écliptique en une année.

Copernic conserve toutefois la conception aristotélicienne d’un univers fini, enclos à l’intérieur de la sphère des étoiles fixes. Il le déclare seulement immense, et renvoie la balle aux philosophes. Néanmoins, l’héliocentrisme porte en germe une révolution fondamentale : tant que l’univers était en rotation autour de la Terre fixe, il était difficile d’imaginer qu’il puisse être infini. La difficulté disparaît dès qu’il est reconnu que le mouvement apparent du ciel est dû au mouvement terrestre. En outre, Copernic élargit le Monde médiéval. Son modèle est 2000 fois plus grand que celui de Ptolémée : il constitue un tout petit pas vers l’infini, mais en est encore loin …

Le système de Copernic, dans le De Revolutionibus de 1543

En 1572, une « étoile nouvelle »[1] observée par l’astronome danois Tycho Brahe (1546-1601) fournit un premier élément observationnel propre à accélérer la chute de la cosmologie aristotélicienne. C’est en effet dans la sphère des étoiles fixes qu’elle apparaît, c’est-à-dire dans le Monde supra-lunaire jusqu’alors réputé immuable.

Dès 1576, Thomas Digges, l’un des plus habiles observateurs de son temps et leader des coperniciens anglais, démantèle la sphère des fixes et en éparpille les étoiles dans l’espace infini. Son manifeste, A Perfit Description of the Caelestial Orbes (1576), contient un schéma héliocentrique montrant explicitement, pour la première fois dans l’histoire, des étoiles non plus fixées sur une couche mince, à la surface de la dernière sphère du monde, mais disséminées à l’infini. Ce nouveau modèle fait brutalement passer du monde clos des Anciens à un univers, sinon infini, du moins extrêmement vaste, peuplé d’étoiles innombrables qui sont autant de soleils. Toutefois, Digges ne propose pas de conception véritablement physique de l’espace infini. Pour lui, le ciel et ses étoiles constituent toujours l’Empyrée, la demeure de Dieu, et, à ce titre, n’appartiennent pas vraiment à notre monde sensible.

Système du monde de Digges (1576)

Giordano Bruno, ou l’ivresse de l’infini

La vraie rupture épistémologique est déclenchée par deux philosophes italiens. En 1587, Francesco Patrizi (1529-1597) fait paraître De l’espace physique et mathématique[2], où il émet l’idée révolutionnaire que le véritable objet de la géométrie est l’espace en tant que tel, et non les figures, comme on le considérait depuis Euclide. Patrizi inaugure un nouveau concept d’espace physique homogène et infini, obéissant à des lois mathématiques – donc accessible à l’entendement.

Mais c’est surtout à son contemporain Giordano Bruno (1548-1600) que doit être attribuée la paternité de la cosmologie infinitiste. Continuer la lecture

L’image de l’origine à travers science et littérature (1/2): de Homère à Milton

On trouve chez tous les peuples, dans le fonds le plus ancien de leurs traditions, des récits relatifs à l’origine de la terre et du ciel, c’est-à-dire des récits de cosmogonie. La plupart de ces traditions recherchent un Principe créateur à la source de toute chose : Dieu(x), Idée ou Élément. Comment la perfection première a-t-elle produit le continuum spatio-temporel, comment le parfait, l’éternel et l’incorruptible ont-t-il engendré l’imparfait, le changeant, le corruptible ? Aucun sujet n’a plus agité l’imagination humaine. L’origine de toutes choses est le mystère des mystères, et toute civilisation a tenté de trouver une explication.

En Europe, plus exactement dans le bassin méditerranéen, les premières sources littéraires grecques placent l’origine dans l’Eau. Ainsi Homère, dans l’Iliade, affirme que l’Océan est le père de tout. La Théogonie d’Hésiode (VIIIe siècle) est déjà plus complexe, car elle fait une première synthèse de traditions plus anciennes. Son récit de procréation sexuelle entre les forces cosmiques et des batailles entre géants fut extrêmement populaire. Hésiode use de son intuition poétique et de son expérience intérieure pour « inventer » l’Origine du Monde à partir du Vide:

« Donc, avant tout, fut le Vide ; puis Terre aux larges flancs, assise sûre à jamais offerte à tous les vivants, et Amour, le plus beau parmi les dieux immortels, celui qui rompt les membres et qui, dans la poitrine de tout dieu comme de tout homme, dompte le cœur et le sage vouloir. Du Vide naquirent Erèbe et la noire Nuit. Et de Nuit, à son tour, sortirent Éther et Lumière du Jour. Terre, elle, d’abord enfanta un être égal à elle-même; capable de la couvrir tout entière, Ciel Étoilé, qui devait offrir aux dieux bienheureux une assise sûre à jamais. »

La Théogonie d’Hésiode (poème en 1 022 hexamètres grecs, VIIIe-VIIe s. av. J.-C.) est une généalogie des dieux qui débute avec Gaïa, la Terre, élément primordial d’où naquirent les races divines. Elle enfanta seule le Ciel et l’Océan, Ouranos et Pontos, puis, unie à ces fils, donna naissance à d’innombrables divinités parmi lesquelles les Titans, les Titanides, les Cyclopes, les Géants, Cronos et Zeus. Le récit s’attache ensuite à la conquête de l’univers par Zeus, après les batailles décisives contre les Titans et le monstre Typhée.
Ce récit de la Création du monde à travers la bataille entre les forces de l’ordre (cosmos) et les puissances du désordre (chaos), a fortement influencé la pensée cosmogonique grecque.
Dans cette édition d’art illustrée par Georges Braque, l’artiste a représenté le poète grec recevant de Moïse le flambeau de la tradition hébraïque.
Hésiode, Théogonie, Paris, Maeght, 1955.

Il est intéressant de noter que trois mille ans plus tard, la cosmologie quantique, qui est la forme actuellement la plus élaborée de la cosmogonie scientifique, fondée sur les théories de la relativité générale et de la physique quantique, met en équations le surgissement spontané de l’univers à partir des fluctuations du Vide.

L’inflation chaotique.
En 1988, le physicien russe Andrey Linde a émis l’hypothèse que les conditions initiales de l’Univers sont chaotiques, c’est-à-dire que le vide quantique est très inhomogène. Dans un tel scénario, des fluctuations différentes engendrent une multitude d’univers distincts, parallèles ou enchâssés les uns dans les autres, sans communication possible entre eux, possédant chacun leurs lois physiques propres. Dans des simulations sur ordinateur, les univers dont le développement initial a connu une phase d’expansion très rapide (inflation) sont les plus probables, et occupent donc les pics de ce diagramme. Ceux en expansion modérée – tel le nôtre – sont beaucoup moins probables, et gisent au fond des vallées.
Simulation d’ordinateur, A. Linde, Stanford University

Dans le Timée, Platon présente une déité – « Grand Architecte de toutes choses » – donnant une extension physique à une Idée :

« Lorsque Dieu entreprit d’ordonner le tout, au début, le feu, l’eau, la terre et l’air portaient des traces de leur propre nature, mais ils étaient tout à fait dans l’état où tout se trouve naturellement en l’absence de Dieu. C’est dans cet état qu’il les prit, et il commença par leur donner une configuration distincte au moyen des idées et des nombres. Qu’il les ait tirés de leur désordre pour les assembler de la manière la plus belle et la meilleure possible, c’est là le principe qui doit nous guider constamment dans toute notre exposition. »

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L’univers holographique (6) : Black Holism

Suite du billet précédent : L’univers holographique (5) : la quête des dualités ET FIN

Dans son livre, le brillant physicien canadien Lee Smolin s'élève contre l'hégémonie de la théorie des cordes et analyse les aspects sociologiques de la recherche fondamentale.
Dans son livre, le brillant physicien américain Lee Smolin s’élève contre l’hégémonie de la théorie des cordes et analyse les aspects sociologiques de la recherche fondamentale.

La correspondance AdS/CFT, et plus généralement les dualités holographiques, ont soulevé énormément d’enthousiasme dans la communauté des cordistes, suscité des milliers de publications et des centaines de thèses de doctorat – ce qui après tout constitue l’activité courante et « normale » de la recherche scientifique. On peut cependant rester perplexe devant un tel phénomène qui, au-delà de l’intérêt technique certain qu’il peut représenter, relève surtout d’une certaine dérive sociologique pointée du doigt par d’éminents chercheurs de la discipline[1].

Au crédit de la correspondance, il faut reconnaître qu’elle permet de troquer certains calculs difficiles, voire impossibles, contre des calculs plus faciles. A minima, la dualité holographique apparaît comme un intéressant outil de calcul en physique fondamentale. Le “dictionnaire” qu’elle propose entre le monde en espace-temps plat et le monde courbe où se trouve la gravitation fonctionne dans les deux sens. Certains calculs sont plus simples avec la supergravité que dans la théorie de jauge duale, de sorte qu’aucun de ces mondes n’est plus fondamental que l’autre. Mais ce n’est pas parce que l’on peut considérer des calculs plus simplement dans un espace-temps plat, sans gravitation et de plus basse dimension que celui de la théorie des cordes, qu’il en découle que la réalité cosmique est un hologramme ! On peut entièrement encoder la topographie 3D d’un terrain dans une carte 2D sur laquelle le relief est indiqué par des courbes de niveau (un encodage bien utile aux randonneurs), mais, selon le célèbre aphorisme d’Alfred Korzybski, il ne faut jamais perdre de vue que « la carte n’est pas le territoire »[2].

Une vue bien naïve de l'holographie appliquée à l'univers dans son ensemble, ce qu'on appelle en anglais du "wishful thinking"...
Une vue bien naïve de l’holographie appliquée à l’univers dans son ensemble, ce qu’on appelle en anglais du “wishful thinking”…

A son crédit également, et là je parle en ardent pratiquant de la théorie de la relativité générale classique dont nous célébrons cette année le centenaire[3], la dualité jauge/gravité a conféré à la théorie d’Einstein un statut beaucoup plus large. L’édifice intellectuel de la relativité générale a certes connu de remarquables succès au cours du siècle dernier, et fourni un édifice crucial pour toute la partie de la physique théorique traitant de la gravitation. La révolution conceptuelle qu’elle a entraînée sur la nature de l’espace et du temps a rendu la théorie populaire, au point qu’il serait difficile de trouver aujourd’hui une personne possédant un minimum de culture scientifique mais n’ayant jamais entendu parler de la théorie d’Einstein.

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L’univers holographique (1) : le paradoxe de l’information

Ce billet est le premier d’une série de 6 reprenant un article initialement publié en anglais dans la revue Inference : The International Review of Science, auquel j’ai rajouté des illustrations à caractère pédagogique.

Introduction

Lors d’un exposé donné le 25 août 2015 au KTH Royal Institute of Technology à Stockholm qui a fait l’objet d’un grand tapage médiatique, Stephen Hawking a annoncé avoir résolu un problème de la physique appelé paradoxe de l’information [1]. Ce dernier illustre un conflit potentiel entre la mécanique quantique et les modèles de trou noir décrits par la relativité générale ; à ce titre, il joue un rôle central en physique fondamentale et divise la communauté des théoriciens depuis quatre décennies. Selon Hawking, toute l’information sur la matière et l’énergie contenue dans le volume 3D du trou noir résiderait en réalité sur sa surface 2D, l’horizon des événements, codée sous forme d’hologramme.

hologram1
Un hologramme est une photographie d’un type particulier qui engendre une image tridimensionnelle quand on l’éclaire de façon appropriée ; toute l’information décrivant une scène en trois dimensions est encodée dans le motif de zones claires et sombres inscrit sur un film à deux dimensions.

Cette information pourrait ensuite être entièrement récupérée (bien que sous forme chaotique) grâce au rayonnement libéré lors de son évaporation quantique – un processus initialement prédit par le même Hawking quarante ans auparavant.

L’idée n’est pas nouvelle : elle fait appel à un modèle d’univers holographique précédemment étudié par des centaines de physiciens, et objet d’un tel engouement qu’il a conduit certains d’entre eux à imaginer des scénarios parfaitement surréalistes. Par exemple, S. Mathur a proposé qu’au lieu d’être détruit par des forces de marée gravitationnelles ou par un pare-feu quantique, un astronaute tombant dans un trou noir serait simplement converti en hologramme, sans se rendre compte de rien [2].

A l’annonce de Hawking la communauté scientifique a donc dans son ensemble réagi avec beaucoup de prudence et de scepticisme, pour ne pas dire d’embarras devant l’annonce prématurée d’une idée non élaborée sur le plan technique : comment l’information s’inscrit-elle dans l’horizon des événements, comment est-elle restituée au monde extérieur, aucun détail n’a encore été donné.[3]

Pour y voir plus clair, un retour en arrière sur la thermodynamique des trous noirs s’impose.

Thermodynamique des trous noirs et paradoxe de l’information

Au cours des années 1970 – âge d’or de la théorie des trous noirs en relativité générale classique -, il a été démontré d’une part que l’état final d’un trou noir à l’équilibre ne dépendait que de trois paramètres : sa masse M, son moment angulaire J et sa charge électrique Q, ce qui paradoxalement faisait de lui l’objet le plus simple de toute la physique ; d’autre part, que la dynamique des trous noirs en interaction se résumait en quatre lois présentant une analogie extrêmement frappante avec celles de la thermodynamique usuelle[4]. En particulier, la seconde loi stipule que l’aire d’un trou noir ne peut jamais décroître au cours du temps. Ce résultat fondamental suggère une connexion étroite entre l’aire d’un trou noir et l’entropie d’un système thermodynamique. Continuer la lecture

Les méfaits du finalisme cosmologique

Un de mes « distingués » collègues, dont je tairai poliment le nom mais qui est suffisamment connu par ses nombreux ouvrages de vulgarisation pour que beaucoup devinent son identité, va délivrer en janvier prochain, à Paris et à grand renfort de publicité, une conférence grand public intitulée « Du Big Bang à l’homme, une grande fresque cosmique avec des implications philosophiques. »

Son texte de présentation, que l’on peut trouver sur internet, est le suivant :

« Depuis 1543, quand Copernic a délogé la Terre de sa place centrale dans l’univers, les découvertes scientifiques n’ont cessé de rapetisser la place de l’homme dans le cosmos, à la fois dans l’espace et dans le temps.
Nous avons assisté à un désenchantement du monde, faisant écho au fameux cri d’angoisse de Pascal: “Le silence éternel des espaces infinis m’effraie”. Mais XXX nous montrera comment la cosmologie moderne a réenchanté le monde et redécouvert l’ancienne alliance entre l’homme et le cosmos: nous sommes tous des poussières d’étoiles.
La science nous apprend que l’univers a été réglé de façon extrêmement précise pour permettre l’émergence de la vie et de la conscience.
Si l’univers est si grand, c’est pour permettre la présence d’un Observateur qui va s’émerveiller devant sa beauté, son harmonie et sa complexité, et lui donner un sens. »

Reprenons et commentons phrase après phrase.

« Depuis 1543, quand Copernic a délogé la Terre de sa place centrale dans l’univers […] »

Pareille formulation, devenue un poncif de l’histoire des sciences, est pour le moins malheureuse. Copernic ne s’est certainement pas transformé en un géant qui, pareil à Atlas, aurait porté notre planète sur ses épaules pour l’arracher de sa position supposée fixe au centre de l’Univers et la faire virevolter autour du Soleil. Il s’est contenté – et c’est déjà énorme – de reprendre et développer l’hypothèse cosmologique dite héliocentrique, selon laquelle la Terre est animée d’un double mouvement : rotation sur elle-même en 24 heures et révolution autour du Soleil en une année. Continuer la lecture

La saga des constantes cosmologiques

L’étude de l’univers dans son ensemble, c’est-à-dire la cosmologie, requiert la connaissance  de certaines constantes fondamentales, même si certaines – comme la constante de Hubble –  peuvent varier sur de très longues périodes de temps.

couvIBB2014La cosmologie a émergé en tant que science il y a moins d’un siècle après la publication des premiers articles d’Einstein, Friedmann et De Sitter vers 1920, puis la découverte de l’expansion de l’Univers par Lemaître et Hubble. Jusqu’alors, beaucoup pensaient même que l’Univers se limitait à la Voie lactée et que les « nébuleuses spirales » étaient de simples nuages de gaz qui en faisait partie. Depuis, on a découvert que l’Univers – du moins celui que nous pouvons observer – a un diamètre un million de fois plus grand que celui de la Voie Lactée, qu’il est né il y a quatorze milliards d’années et qu’il est en expansion depuis, qu’il a une géométrie de courbure proche de zéro, et qu’après s’être ralentie, son expansion s’accélère depuis quelques milliards d’années. Mais toutes ces découvertes ne se sont pas faites sans mal, et elles ont été accompagnées de violentes controverses et de remises en cause parfois douloureuses. Continuer la lecture

Rêve et Création

La certitude astronomique n’est pas, aujourd’hui même,
si grande que la rêverie ne puisse se loger dans les
vastes lacunes non encore explorées par la science moderne.
Charles Baudelaire, L’Art Romantique

Existe-t-il un génie onirique ? Question complexe mais ô combien fascinante pour tous ceux qui s’intéressent aux différentes formes de la créativité. Pour ma part je suis convaincu (pour avoir pratiqué les deux) que la création artistique et la création scientifique exigent un même effort de discipline et de concentration, même si pour parvenir au but cherché, les moyens d’expression et les états intellectuels ou émotionnels sont différents.
Parmi ces états mentaux, nul doute que l’état de rêve (éveillé ou pas) est propice à l’intuition scientifique, en particulier l’intuition cosmologique. La cosmologie consiste à parler de l’univers comme une totalité, à se placer en quelque sorte comme extérieur à lui. Les récits cosmologiques historiquement connus comme ceux de Platon, de Cicéron, de Dante ou de Kepler, mettent en jeu des êtres “exceptionnels”, capables de raconter leur expérience de l’inexpérimentable. Ceci n’est d’ailleurs pas sans rappeler certains récits de “near-death expérience”.

Reve-eveille-Fussli
Le rêve du berger, de Johann Heinrich Füssli (1793)

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