On trouve chez tous les peuples, dans le fonds le plus ancien de leurs traditions, des récits relatifs à l’origine de la terre et du ciel, c’est-à-dire des récits de cosmogonie. La plupart de ces traditions recherchent un Principe créateur à la source de toute chose : Dieu(x), Idée ou Élément. Comment la perfection première a-t-elle produit le continuum spatio-temporel, comment le parfait, l’éternel et l’incorruptible ont-t-il engendré l’imparfait, le changeant, le corruptible ? Aucun sujet n’a plus agité l’imagination humaine. L’origine de toutes choses est le mystère des mystères, et toute civilisation a tenté de trouver une explication.
En Europe, plus exactement dans le bassin méditerranéen, les premières sources littéraires grecques placent l’origine dans l’Eau. Ainsi Homère, dans l’Iliade, affirme que l’Océan est le père de tout. La Théogonie d’Hésiode (VIIIe siècle) est déjà plus complexe, car elle fait une première synthèse de traditions plus anciennes. Son récit de procréation sexuelle entre les forces cosmiques et des batailles entre géants fut extrêmement populaire. Hésiode use de son intuition poétique et de son expérience intérieure pour « inventer » l’Origine du Monde à partir du Vide:
« Donc, avant tout, fut le Vide ; puis Terre aux larges flancs, assise sûre à jamais offerte à tous les vivants, et Amour, le plus beau parmi les dieux immortels, celui qui rompt les membres et qui, dans la poitrine de tout dieu comme de tout homme, dompte le cœur et le sage vouloir. Du Vide naquirent Erèbe et la noire Nuit. Et de Nuit, à son tour, sortirent Éther et Lumière du Jour. Terre, elle, d’abord enfanta un être égal à elle-même; capable de la couvrir tout entière, Ciel Étoilé, qui devait offrir aux dieux bienheureux une assise sûre à jamais. »
Il est intéressant de noter que trois mille ans plus tard, la cosmologie quantique, qui est la forme actuellement la plus élaborée de la cosmogonie scientifique, fondée sur les théories de la relativité générale et de la physique quantique, met en équations le surgissement spontané de l’univers à partir des fluctuations du Vide.
Dans le Timée, Platon présente une déité – « Grand Architecte de toutes choses » – donnant une extension physique à une Idée :
« Lorsque Dieu entreprit d’ordonner le tout, au début, le feu, l’eau, la terre et l’air portaient des traces de leur propre nature, mais ils étaient tout à fait dans l’état où tout se trouve naturellement en l’absence de Dieu. C’est dans cet état qu’il les prit, et il commença par leur donner une configuration distincte au moyen des idées et des nombres. Qu’il les ait tirés de leur désordre pour les assembler de la manière la plus belle et la meilleure possible, c’est là le principe qui doit nous guider constamment dans toute notre exposition. »