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Oumuamua, vaisseau extraterrestre ou astéroïde extrasolaire?

En octobre 2017, un objet en provenance de l’espace interstellaire est repéré par le télescope Pan-STARRS 1 à Hawaï : il traverse notre système solaire, passant relativement près de la Terre (à 30 millions de kilomètres). C’est le premier de ce type à être détecté. Baptisé Oumuamua (« éclaireur » en langue hawaïenne), il suscite aussitôt l’intérêt des astronomes. D’où vient-il, de quoi est-il composé, quelle est son histoire ?

La trajectoire d’Oumuamua, hyperbolique et fortement inclinée par rapport au plan de l’écliptique, indique qu’il s’agit d’un objet interstellaire. Après être passé au plus près du Soleil en septembre 2017, il poursuit son voyage vers la constellation de Pégase.

Des observations ultérieures effectuées en radioastronomie suggèrent qu’Oumuamua est environ dix fois plus long que large, de couleur rouge foncé, dense et riche en métal. Une vue d’artiste le représentant en forme de cigare circule avec succès sur Internet.

Une spectaculaire vue d’artiste attribuant à Oumuamua une forme très allongée, qui a fait la une des médias.

Les spécialistes des “petits corps” estiment qu’il s’agit d’un astéroïde ou d’une comète expulsé de son système planétaire d’origine, peut-être vestige d’une planète déchiquetée. Mais pour Avi Loeb, président du Département d’Astrophysique de Harvard, sa forme est trop étrange pour être naturelle.

Abraham (Avi) Loeb, au Département d’Astronomie de l’Université de Harvard.

Dans un très sérieux article publié fin 2018 avec un de ses étudiants, il lance l’hypothèse qu’Oumuamua est une sonde interstellaire envoyée vers nous par une civilisation extraterrestre avancée afin de nous délivrer un message. Comme la majorité des collègues, j’avais estimé à l’époque l’idée intelligente et audacieuse, mais farfelue. Elle faisait irrésistiblement penser au scénario de Rendez vous avec Rama, un roman de science-fiction publié en 1973 par Arthur C. Clarke que tous les amateurs du genre connaissent bien.

Loeb a cependant développé sa thèse dans un livre qui bénéficie d’une sortie mondiale (heureux auteurs anglo-saxons et formidable machine éditoriale américaine !), dont la version française s’intitule Le premier signe d’une vie intelligente extraterrestre.

A priori c’est le genre de livre à sensation qui m’aurait de prime abord agacé. Cependant, je connais son auteur. Loin d’être un de ces vulgarisateurs fantaisistes qui font de temps en temps la une des médias avec des titres accrocheurs, Loeb est un authentique scientifique qui a publié de très sérieux articles sur un large éventail de sujets, allant de la cosmologie aux trous noirs. Je suis donc bien placé pour apprécier ses contributions. Il m’avait d’ailleurs personnellement reçu en juin 2019 à Harvard, lors du dîner de gala de la conférence organisée pour fêter la première image télescopique d’un trou noir obtenue deux mois plutôt par son équipe, et qui confirmait mes calculs effectués 40 ans auparavant (d’où l’invitation).

Conférence plénière sur l’imagerie des trous noirs que j’ai donnée le 23 mai 2019 à la conférence Black Hole Initiative de l’Université de Harvard, organisée par l’Event Horizon Telescope Consortium. Avi Loeb me tend le micro après son discours de présentation de mes travaux.

Loeb est un esprit particulièrement imaginatif. Avec cet ouvrage grand public il se révèle aussi excellent écrivain, soignant aussi bien le fond scientifique que le style littéraire. On en jugera par cette simple phrase : « une photovoile emportée par la bourrasque d’une supernova me fait penser au pappus duveteux d’une graine de pissenlit, soufflé par le vent vers un sol vierge à féconder ».

Dès l’introduction, il rappelle que l’une des questions fondamentales de l’humanité, sans doute celle qui nous interpelle le plus à travers le prisme de la science, de la philosophie et de la religion, est : sommes-nous seuls dans l’univers ? Et, de façon plus pointue, y a-t-il d’autres civilisations conscientes qui explorent l’espace interstellaire et laissent des témoignages de leurs entreprises ? Continuer la lecture

Contes de l’Outre-temps (3) : L’assassin originel

Suite de la série de brèves nouvelles fantastiques écrites au fil du temps, que j’envisage de réunir un jour en un recueil intitulé  “Contes de l’Outre-temps”, si un éditeur s’y intéresse.  Celle-ci, inspirée d’une bande dessinée dont j’ai oublié titre et auteur, est la première que j’ai écrite. J’avais 19 ans (cela se sent dans le style un peu grandiloquent) et je l’ai rédigée d’un trait en plein cours de Maths Sup, au grand dam de mes camarades qui n’avaient d’yeux que pour les équations du tableau noir ! En effet je commençais déjà à trouver navrant le clivage entre mathématiques et littérature, que pour ma part je respirais à délices égales.    

L’assassin originel

L’Homme brandit son javelot vers le ciel rougeoyant. Il poussa un rugissement terrible, mêlé de colère et de désespoir. Puis, ses bras torturés de muscles et de poils retombèrent le long de son corps, et sa tête hirsute se tourna vers le paysage désert : il n’y avait partout que blocs rocailleux et arides, que cascades de pierres fendues par la foudre, que sable et poussière. Nulle trace de vie, nul gibier.

L’Homme était vêtu d’une peau d’aurochs. Son faciès simiesque reflétait une expression hagarde et vorace. Il cherchait de la nourriture dans cette étendue désolée. Un bouc des montagnes lui aurait suffi, ou même un gros lièvre sauvage. Il devait à tout prix rapporter de la viande à ses parents, en rapporter plus que l’Autre.

L’Autre, c’était son frère. Et ils vivaient tous les quatre ensemble : les deux vieillards blanchis par le temps, et les deux mâles chasseurs. Tandis que les Anciens restaient dans la grotte, les Fils, bouillant d’un sang jeune, partaient pour de longues journées de chasse.

Il s’était établi une sorte de rivalité entre eux. Leur esprit était encore confus, mais ils savaient pourtant discerner entre les degrés d’une affection, d’un amour.

L’Homme, tout en ayant repris sa marche, pensait à tout cela, et des larmes de rage lui vinrent au bord des yeux. Car il savait que l’Autre était le Préféré. Pourtant, il ne rapportait pas plus de gibier que lui. Bien au contraire. C’est pour cela que l’Homme ne comprenait pas la raison de cette préférence. Mais il pensait qu’en faisant une chasse miraculeuse – quelque bouquetin, c’est tout ce que l’on pouvait espérer tuer sur ce territoire –, il deviendrait bientôt l’égal de son frère dans le cœur des Anciens.

Il poursuivait donc son exploration, malgré une journée vaine d’attentes et de marches interminables.

**

L’Autre chassait à quelque distance de là.

Il n’avait rien trouvé non plus, durant cette journée si dure et accablante. Soudain, sur un escarpement rocheux, il aperçut un superbe animal. C’était un bouc des montagnes d’une taille peu ordinaire.

L’Autre s’accroupit dans les rochers et rampa, tel un félin, vers sa proie. Alors son cri de guerre perça le silence des pierres, en même temps que le sifflement de sa sagaie déchirait l’espace. L’animal s’abattit, frappé à la tête. L’Autre leva les bras au ciel en signe de triomphe. Un sourire illumina ses lèvres dures et crevassées, et il bondit sur le cadavre de sa victime. Une joie confuse envahit son esprit. Son frère ne pourrait jamais faire mieux, et la vie continuerait comme avant : il serait toujours le Préféré, celui sur qui se poseraient le plus souvent les regards attendris des Anciens.

Il chargea la bête sur ses rudes épaules. Il s’apprêtait à descendre des rochers lorsqu’un bruit étrange lui fit lever la tête. Il aperçut la Chose dans le ciel, qui lui sembla être un Oiseau Géant.

Il se cacha vite derrière une saillie du rocher et examina l’Oiseau. Il était immense et brillait au Soleil. On distinguait à peine ses ailes, et   semblait avoir des yeux énormes, globuleux et transparents.

L’Oiseau, ayant hésité au-dessus de la vallée, se stabilisa dans les airs.

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Un conte de Noël martien

Lu récemment cet extraordinaire mais peu connu conte de Guy de Maupassant, paru en 1887.
Maupassant s’est sans doute inspiré d’un passage de “Terres du ciel” de Flammarion, dont on retrouve toutes les données scientifiques précises, à peine reformulées. L’astronome y disait, entre autres : “II est bien probable qu’en raison de la disposition toute particulière des choses, la série zoologique martiale s’est développée de préférence par la succession des espèces ailées. La conclusion naturelle est que les espèces animales supérieures y sont munies d’ailes.”

Une gravure du livre "Les Terres du Ciel" de Camille Flammarion, paru en 1884, qui illustre "le lever du soleil sur les canaux de Mars". À l’époque, les astronomes n’étaient pas opposés au fait que pratiquement chaque planète du système solaire puisse abriter la vie.
Une gravure du livre “Les Terres du Ciel” de Camille Flammarion, paru en 1884, qui illustre “le lever du soleil sur les canaux de Mars”. À l’époque, les astronomes n’étaient pas opposés au fait que pratiquement chaque planète du système solaire puisse abriter la vie.

Peut-être Maupassant avait-il eu aussi connaissance d’un texte étrange, paru en 1865, signé François-Henri Peudefer de Parville et intitulé “Un habitant de la planète Mars “: on y découvrait le cadavre calcifié d’un extra-terrestre dont le tombeau, arraché au sol de notre voisine par le choc d’un astéroïde, était tombé sur Terre à l’époque paléolithique.

La momie martienne décrite dans le récit de De Parville et reproduite dans "Les Terres du Ciel" de Flammarion
La momie martienne décrite dans le récit de De Parville et reproduite dans “Les Terres du Ciel” de Flammarion

C’est le seul conte d’inspiration purement scientifique de l’auteur du “Horla”. [1]
Je le reproduis entièrement ci-dessous, mais je me suis permis d’y intercaler des illustrations reliées au contenu. Continuer la lecture