Tous les articles par Jean-Pierre LUMINET

La galaxie éventrée

La galaxie spiral ESO 137-001 "éventrée" lors de son passage à travers le cœur de l'amas Abell 3627.
La galaxie spirale ESO 137-001 “éventrée” lors de son passage à travers le cœur de l’amas Abell 3627. © ESA/NASA

Sur cet extraordinaire cliché publié le 14 mars 2014 par l’Institut du Télescope Spatial Hubble (cliquez dessus pour l’agrandir), la galaxie spirale ESO 137-001 se répand en lumineuses traînées bleues, qu’elle laisse derrière elle en traversant les régions centrales de l’amas de galaxies Abell 3627. L’Agence américaine, toujours friande de formules spectaculaires, a titré : “Une galaxie spirale perd son sang et ses tripes”.  Qu’arrive-t-il donc réellement à cette malheureuse ?

Les traînées contiennent une multitude de jeunes étoiles (d’où la couleur bleue), nées dans la galaxie et confinées dans un flux de gaz, mais arrachées à leur environnement, tandis que l’ensemble se déplace dans le gaz surchauffé présent au  centre des amas riches de galaxies. La région centrale d’ESO 137-001, colorée en brun, est repoussée de la même manière, mais là ce sont de fines particules de poussière obscure qui sont arrachées, résultat des forces de pression exercées par le gaz de l’amas sur l’ensemble. Après son passage, ESO 137-001 sera appauvrie en gaz froid nécessaire à la formation de nouvelles étoiles. Continuer la lecture

Du piano aux étoiles (3/3)

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Si je devais avoir un seul regret dans ma vie de mélomane par ailleurs bien remplie, c’est d’être toujours resté à des années-lumière du niveau pianistique qui m’aurait permis de jouer les grandes pièces du répertoire, comme la Sonate en si mineur de Liszt (ici par l’immense Nelson Freire), les Etudes de Chopin (Alfred Cortot, bien sûr) ou les Préludes de Rachmaninov (Sviatoslav Richter s’impose). Mais il m’arrive parfois de faire d’extraordinaires rêves musicaux, dans lesquels toutes les irritantes contraintes du réel sont bannies…

En récital à la Halle Saint-Pierre le 15 mai 2011, croqué sur le vif par mon ami Jean Letourneur
En récital à la Halle Saint-Pierre le 15 mai 2011, croqué sur le vif par mon ami Jean Letourneur

 Quitte à passer pour une vieille barbe rétrograde, j’avoue rester totalement hermétique à ce que depuis quatre décennies les peuples de notre planète toute entière, les marchands, les médias, les clients et les soi-disant élites intellectuelles et politiques entendent par musique : à savoir une forme de divertissement chanté, dansé ou les deux, sur une base rythmique binaire à peu près fixe et trois accords élémentaires. Pour moi la musique, qu’il s’agisse de classique, de jazz ou de la plupart des musiques traditionnelles, c’est l’exact opposé : du noble, du complexe, du transcendant.  Je considère en fait que la complexité structurelle a une véritable valeur esthétique. Un de mes collègues mathématicien et musicien de l’Université Libre de Bruxelles, J.-P. Boon, a récemment publié une étude  montrant que l’on peut mesurer la complexité d’une pièce musicale en termes d’entropie. L’entropie dite de Shannon est une fonction mathématique qui correspond à la quantité d’information contenue ou délivrée par une source quelconque d’information. Quand l’entropie d’un système est basse, le système contient beaucoup d’informations, quand l’entropie augmente, l’information se dégrade. L’entropie de Shannon est calculable pour toute collection d’octets, qu’il s’agisse d’un fichier informatique, d’un texte littéraire, d’une œuvre picturale ou d’une pièce musicale. En effet, la seconde loi de la thermodynamique est universelle, elle s’applique aussi bien aux systèmes physiques qu’au comportement humain et à ses représentations artistiques.

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Où s’arrête le système solaire ?

Pour en finir (momentanément) avec ma petite saga sur le Système solaire, auquel j’ai consacré récemment les billets Le Soleil dans tous ses états et Le royaume magnétique du Soleil, ce petit billet d’humeur concerne les récentes déclarations selon lesquelles la sonde américaine Voyager 1, lancée en 1977, aurait “passé la frontière du système solaire, devenant le premier objet envoyé par l’homme à atteindre l’espace intersidéral”. C’est ainsi que le 12 septembre 2013, la Nasa a une nouvelle fois annoncé que sa sonde Voyager 1 était sortie de la sphère d’influence du Soleil. Je dis bien “une nouvelle fois”, car ne manquant jamais une occasion de faire mousser ses exploits technologiques, l’agence spatiale américaine n’en était pas à son coup d’essai. La sonde Pioneer 10 était déjà censée être sortie du Système solaire en… 1983, alors qu’elle avait à peine dépassé l’orbite de Neptune (autant dire la porte à côté). Même antienne en 2010 et en 2012 avec Voyager 1 & 2.  Alors cette fois, est-ce la bonne ? Nullement, comme je le démontre plus loin.

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Le royaume magnétique du Soleil

Le 25 février dernier, une énorme tache solaire de 200 000 km de diamètre, présente depuis janvier sur l’hémisphère sud de notre étoile, a relâché une puissante éruption dite de classe  X5. La puissance d’une éruption en rayons X est classée selon une échelle linéaire : une éruption solaire de classe X2 est deux fois plus puissante qu’une éruption de classe X1, etc. La plus puissante éruption jamais enregistrée, datée du 4 novembre 2003, a été estimée à X28.

L’éruption du 25 février 2014 s’est toutefois  produite lors d’un cycle solaire particulièrement peu actif. Comme rappelé dans un billet précédent, un cycle solaire dure en moyenne  11,2 ans et atteint un pic d’activité magnétique durant ce qu’on appelle un maximum solaire. Le degré d’activité se mesure par le nombre de taches qui sont observées sur le disque solaire. Les taches elles-mêmes sont causées par les lignes de champ magnétique émergeant dans la photosphère – la “surface” du Soleil.  Plus l’activité magnétique est grande, plus le nombre de taches solaires est élevé. Continuer la lecture

Tintin au pays des astéroïdes

Depuis quelque temps je suis constamment sollicité par les médias – presse, radio, télévision – pour donner mon avis sur le degré de dangerosité des astéroïdes dits “géocroiseurs”. En témoignent notamment l’émission de Michel Alberganti intitulée “Astéroïdes : comment éviter la fin du monde?”,  diffusée le 28 février dernier à l’antenne de France Culture (podcast ici), celle de Stéphane Paoli sur France Inter que j’ai enregistrée ce matin et qui sera diffusée dimanche 16 mars, ou ma petite interview de deux pages qui vient de paraître dans le numéro de mars du magazine Sciences & Avenir.

couv-asteroidesIl est vrai que j’ai imprudemment commis en 2012 un  ouvrage au titre provocateur, Astéroïdes : la Terre en danger.  Assertion que j’aurais d’ailleurs voulu transformer en question interrogative à laquelle répondre  dès la quatrième de couverture  par un rassurant “non, pas vraiment” , mais – impératifs commerciaux obligent -, c’est l’affirmation  exagérément alarmiste qui avait été retenue par l’éditeur.

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Hommage à Georg Joachim Rheticus, né le 16 février 1514

Il y a exactement 500 ans, le 16 février 1514, naissait Georg Joachim von Lauchen, dit Rheticus. Qui le connaît aujourd’hui, à part quelques historiens des sciences ? Sans lui, pourtant, Nicolas Copernic n’aurait jamais publié son traité De revolutionibus orbium coelestium (« De la révolution des orbes célestes »), l’avènement de la théorie héliocentrique et la révolution scientifique qui a suivi auraient été retardées de plusieurs décennies….

Portrait de Rheticus équipé d'un compas astronomique
Portrait de Rheticus équipé d’un compas astronomique

Pour les lecteurs qui ne sont pas familiers avec l’histoire de l’astronomie, je rappelle que depuis le début des temps et jusqu’à Copernic, en passant par Ptolémée au IIe siècle de notre ère, la Terre était considérée comme immobile au centre de l’univers. A la naissance de Rheticus, Copernic a déjà 40 ans. Il vient de distribuer confidentiellement à quelques savants et lettrés soigneusement sélectionnés des manuscrits de son Commentariolus, dans lequel il pose l’hypothèse que le Soleil est au centre du monde et non pas la Terre ; cette théorie dit « héliocentrique », implique donc que la Terre possède un double mouvement, l’un de rotation sur elle-même en 24 heures, l’autre de révolution autour du Soleil en une année. Deux mille ans auparavant, à Alexandrie, le génial Aristarque de Samos avait déjà émis la même hypothèse. Son ouvrage avait disparu dans l’incendie de la Grande Bibliothèque, mais Cicéron, Plutarque et Archimède l’avaient mentionné. Copernic en avait donc pris connaissance, il cita Aristarque dans son manuscrit initial, mais biffa par la suite toute mention des théories de l’astronome antique. Continuer la lecture

Du piano aux étoiles (2/3)

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Affiche-concertCavaillonJe ne suis pas peu fier du concert donné à la fin des années 1970 en ma ville natale de  Cavaillon par mon maître Arthur Petronio (au violon), et son épouse Jacqueline (au piano), dans lequel ils avaient eu la générosité d’insérer deux brèves pièces pour violon et piano que je venais de composer. J’étais descendu spécialement de Paris pour ce micro événement qui représentait beaucoup pour moi. Je garde encore précieusement l’affiche du concert, où mon nom voisine avec ceux de Stravinsky, Mozart ou Debussy, sans aucunement le mériter bien entendu : j’ai toujours eu conscience de mes limites en composition musicale.

A la même époque j’ai commencé à m’intéresser au jazz, que j’ai d’abord appris “par les doigts”, en pianotant des ragtimes et des blues. J’ai acheté mes premiers disques, et ce fut le début d’une nouvelle et  longue passion. La suite a été la découverte de ce que l’on appelle les “standards”. Continuer la lecture

Le Soleil dans tous ses états

L’observatoire solaire SDO (Solar Dynamics Observatory), mis en orbite par la NASA il y a quatre ans, observe et photographie le Soleil en continu au rythme de 4800 images par heure.  L’extraordinaire vidéo qui suit montre en accéléré l’activité fébrile de notre étoile – taches solaires, éruptions, protubérances – au cours des douze derniers mois – 2013 fut en effet l’année du maximum d’activité solaire dans son présent cycle d’activité de 11 ans.

Il a fallu les observations combinées des trois instruments du télescope SDO et l’addition de vingt-cinq images individuelles pour mettre en évidence les régions les plus turbulentes de notre étoile.
© NASA/GSFC/SDO/S. Wiessinger
Pour mieux comprendre cette vidéo, voici quelques rappels simples.

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Des étoiles aux quasars : le programme de Gaïa

Cet article reprend une interview que j’ai donnée pour la revue “Une saison en Guyane”, agrémentée de quelques images…

On parle d’un milliard d’étoiles cartographié par Gaïa, cela ne représente que 1% du nombre d’étoiles de la Voie lactée ? Ça paraît peu…

C’est la question qui vient lorsqu’on pense qu’il y a au moins 100 milliards d’étoiles dans la Voie lactée ! Mais 1 milliard c’est énorme pour nous. On a un échantillon extrêmement significatif tout simplement parce qu’on a une assez bonne idée de la structure de notre galaxie, donc l’échantillon est homogène. J’aime bien comparer la Voie lactée à une forêt pour décrire le travail de Gaïa, au lieu d’avoir des arbres vous avez des étoiles. Un botaniste qui rentre dans une forêt qu’il ne connaît pas trop  va observer les arbres à différents stades de leur évolution, des jeunes pousses, des arbres en pleine maturité, des arbres qui commencent à vieillir et des arbres morts. A partir de là il va reconstituer l’histoire individuelle des arbres, puis l’histoire de l’ensemble de la forêt grâce à cet échantillon significatif des arbres à tous les degrés de leurs existences.  Hé bien c’est un peu ça que va faire Gaïa avec ce milliard d’étoiles, en étudiant le spectre et les couleurs, les luminosités de ces étoiles, en déterminant quelles sont les étoiles adultes, quelles sont les vieilles étoiles, où et quand elles se sont formées. On va reconstituer  l’histoire entière de la Voie lactée.

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Mon rêve de scientifique : la découverte de la vie extraterrestre

Cela fait 25 siècles, depuis Epicure, que l’homme s’interroge sur la pluralité des mondes habités. La question, jugée hérétique par l’Eglise, a fini par atterrir dans l’escarcelle des scientifiques, après avoir fait un détour par la Science-Fiction. Anticipant la possible découverte d’une vie extraterrestre, qui contredirait par exemple le concept de dieu rédempteur ayant créé l’homme à son image et envoyé son fils unique sur la Terre pour le sauver, le père jésuite José Funes, directeur de l’Observatoire du Vatican, a expliqué qu’il existait  sans doute d’autres humanités, mais que seule l’espèce humaine avait commis le péché originel, les extraterrestres n’ayant eux pas besoin de rédemption !

La recherche d’une vie extraterrestre a cessé d’être une utopie il y a une quinzaine d’années avec l’exobiologie, qui est désormais l’une des grandes branches de l’astrophysique. Encore faut-il d’abord comprendre comment la vie a pu apparaître sur notre planète Terre. En 1996 je résumais les différentes hypothèses dans le petit documentaire qui suit:

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Eurêka d’Edgar Poe : le Beau défend le Vrai

Un poète face à l’énigme de l’univers

Daguerréotype d’Edgar Poe pris en 1848, un an avant sa mort.

Edgar Allan Poe (1809-1849) est l’une des principales figures du romantisme américain. Connu surtout pour ses Contes fantastiques et autres Histoires extraordinaires, mais controversé dans son pays en raison d’une vie agitée, il a d’abord été défendu par des auteurs français prestigieux comme Baudelaire, Mallarmé (qui ont traduit la majorité de ses nouvelles et poèmes) et Valéry. La critique contemporaine le situe parmi les plus importants écrivains du XIXe siècle et comme l’inventeur du roman policier. Si Eurêka (1848), dernier texte d’importance publié du vivant de l’auteur[1] et sous-titré Essai sur l’univers matériel et spirituel, Poème en prose, prend la forme d’un essai, il n’en tente pas moins de résoudre une énigme au travers d’une enquête, non plus conduite par le perspicace chevalier Dupin mais par l’auteur lui-même, qui se pose en visionnaire extralucide. Enquête suprême, puisqu’il s’agit d’élucider le mystère de « l’Univers Physique, Métaphysique et Mathématique, — Matériel et Spirituel — de son Essence, de son Origine, de sa Création, de sa Condition présente et de sa Destinée », comme annoncé dès le premier chapitre ! Voulant embrasser d’un coup d’œil l’immensité de tout ce qui est connu en son temps, là où un esprit ordinaire ne percevrait que complexité et chaos, Edgar Poe (à l’intellect quelque peu surchauffé par plusieurs mois de maladie) y voit une unité, un ordre, un plan. Une Consistance. Tel est le mot-clé de sa cosmologie personnelle.

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Du piano aux étoiles (1/3)

 

Pochette d'un disque du célèbre groupe de rock britannique comprenant "Apache", leur plus grand succès.
Pochette d’un disque du célèbre groupe de rock britannique comprenant “Apache”, leur plus grand succès.

J’éprouve une passion pour la musique classique depuis le premier instant où j’en ai écouté un morceau : j’avais 12 ans, un tourne-disques tout nouveau et une ignorance totale de la musique.  J’ai commencé par écouter les variétés de l’époque : Sheila, Richard Anthony, The Shadows. En fait je ne faisais que suivre les goûts de mon frère et de ma sœur aînée, qui ramenaient quelques disques à la maison avec leur argent de poche.

Un événement imprévu a bouleversé mon rapport à la musique, et pour tout dire a changé ma vie. J’avais 11 ans, mon maître d’école, qui avait dû percevoir en moi une certaine sensibilité artistique, m’a tendu à la fin d’un cours quelques 33 tours de musique classique en me disant « Tiens, je te les prête, je pense que ça pourrait te plaire ».  Oh, ce n’était rien que du très classique : La Petite Musique de Nuit de Mozart, la 5e Symphonie de Beethoven, la 2e Rapsodie Hongroise de Liszt. Mais pour moi ce fut une révélation absolue (je me souviens encore aujourd’hui des titres et des pochettes).

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Expansion perpétuelle

Et, d’heure en heure aussi, vous vous engloutirez / Ô tourbillonnements d’étoiles éperdues / Dans l’incommensurable effroi des étendues, / Dans les gouffres muets et noirs des cieux sacrés !

Et ce sera la Nuit aveugle, la grande Ombre / Informe, dans son vide et sa stérilité, / L’abîme pacifique où gît la vanité / De ce qui fut le temps et l’espace et le nombre.

Leconte de Lisle, Dernière vision (1862)

Qu’est-ce que la culture ?

La culture ce n’est pas avoir le cerveau farci de dates, de noms ou de chiffres, c’est la qualité du jugement, l’exigence logique, l’appétit de la preuve, la notion de la complexité des choses et de l’arduité des problèmes. C’est l’habitude du doute, le discernement dans la méfiance, la modestie d’opinion, la patience d’ignorer, la certitude qu’on n’a jamais tout le vrai en partage; c’est avoir l’esprit ferme sans l’avoir rigide, c’est être armé contre le flou et aussi contre la fausse précision, c’est refuser tous les fanatismes et jusqu’à ceux qui s’autorisent de la raison; c’est suspecter les dogmatismes officiels mais sans profit pour les charlatans, c’est révérer le génie mais sans en faire une idole, c’est toujours préférer ce qui est à ce qu’on préférerait qui fût.

Jean Rostand, Le droit d’être naturaliste (1963).

La naissance de la science (1/3) : Anaximandre de Milet

Anaximandre de Milet

Pourquoi la science moderne est-elle née en Occident, plus précisément dans le bassin méditerranéen, et non pas en Chine, alors que dans l’Antiquité, l’Empire du Milieu et l’Occident avaient des niveaux scientifiques comparables ? Selon Joseph Needham, la science de l’ancienne Chine se développait de façon continue et stable, tandis qu’en Occident, son développement s’effectuait selon un processus discontinu, n’avançant que par bonds au gré des turbulences politiques et religieuses. C’est seulement à partir de la Renaissance que l’Occident aurait pris son essor, la Chine ne faisant que stagner en raison de sa propension à privilégier l’étude de l’esprit ou du cœur humain (Xin) et de la nature innée (Xing). Depuis lors, l’écart n’a cessé de se creuser, les derniers siècles constituant une période de phase ascendante qui a permis à l’Occident de dépasser l’Empire du Milieu.

Cette hypothèse reflète la conception selon laquelle la suprématie scientifique de l’Occident ne résulterait pas de sa spécificité sociale et culturelle, mais serait un phénomène accidentel ou transitoire. Une telle analyse est certes séduisante, mais elle ne correspond qu’à un aspect très partiel de la réalité.

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Télescope Gaia J+3 : impressions personnelles

Le lancement du télescope Gaia, qui s’est déroulé le 19 décembre depuis le Centre Spatial Guyanais de Kourou, a été une totale réussite. Je ne reviendrai pas dessus, l’événement ayant été amplement décrit et commenté dans la presse, voir par exemple les billets de Futura-Sciences ici et ici. Je me contenterai de livrer quelques impressions personnelles. Voir aussi mon post précédent sur le sujet.

Bien que n’étant aucunement impliqué dans le programme scientifique de Gaia, j’ai eu la chance d’être l’invité « VIP » de la direction d’Arianespace, et j’ai donc assisté pour la première fois à un lancement  de fusée (une Soyuz en l’occurrence ;  le télescope Gaia pesant à peine plus de 2 tonnes ne nécessitait pas une mise en orbite par une puissante Ariane 5).

Une centaine de passagers  dans l'avion spécialement affrété par Arianespace : personnel des agences spatiales, ingénieurs,  scientifiques, politiques, journalistes.
Une centaine de passagers dans l’avion spécialement affrété par Arianespace : personnel des agences spatiales, ingénieurs, scientifiques, politiques, journalistes.

Le programme n’était cependant pas de tout repos. Départ le 18 décembre matin de l’aéroport Charles de Gaulle à bord d’un Boeing spécialement affrété par Arianespace, en compagnie  d’une cinquantaine d’invités.

Après 10 heures de vol, nous arrivons au-dessus de la Guyane. Depuis le hublot, au lueurs du soleil couchant, les plus beaux paysages nuageux que j’aie jamais vu, voir ma galerie d’images formations nuageuses.

Arrivée à l’aéroport de Cayenne à 18 h heure locale (22h à Paris).

maquette grandeur nature au Centre Spatial de Kourou
Maquette grandeur nature d’Ariane5 à l’entrée du Centre Spatial Guyanais

Température agréable, autour de 28°C. Le Centre Spatial Guyanais (CSG) se trouve à Kourou, à une soixantaine de km de l’aéroport. Une petite heure de bus nous y amène.

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Héraclite, ou la lumière de l’obscur

On ne sait si le sage d’Ephèse, tête penchée et se frottant les mains, se réjouit d’avoir tourné en dérision l’un de ces beaux parleurs au discours superficiel qu’il abhorre tant, ou s’il est plongé dans un profond état d’affliction devant un univers  – figuré ici par un globe terrestre – aveugle et absurde, où le désordre reste la loi.

Héraclite, par Johannes Moreelse (vers 1630)
Héraclite, par Johannes Moreelse (vers 1630)

Si c’est bien Héraclite qui est représenté par le peintre Johannes Moorelse (dont on sait si peu de choses que certains critiques d’art en doutent), la seconde hypothèse semble plus conforme  à ce que l’on sait du personnage.

Cet exact contemporain du Bouddha et Lao-Tseu, considéré comme l’un des fondateurs de la philosophie et de la métaphysique occidentales, était en effet réputé pour être misanthrope et mélancolique. Renonçant à une fonction royale à laquelle ses origines familiales l’appelaient, n’était-il pas parti vivre en ermite dans les montagnes, se nourrissant de plantes jusqu’à la fin de ses jours ?  On dit de lui qu’il pleurait de tout quand Démocrite en riait. De fait, de nombreuses œuvres picturales représentent les deux personnages côte à côte, l’un hilare, l’autre chagrin.

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