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Du piano aux étoiles (3/3)

Ceci est la suite du billet précédent

Si je devais avoir un seul regret dans ma vie de mélomane par ailleurs bien remplie, c’est d’être toujours resté à des années-lumière du niveau pianistique qui m’aurait permis de jouer les grandes pièces du répertoire, comme la Sonate en si mineur de Liszt (ici par l’immense Nelson Freire), les Etudes de Chopin (Alfred Cortot, bien sûr) ou les Préludes de Rachmaninov (Sviatoslav Richter s’impose). Mais il m’arrive parfois de faire d’extraordinaires rêves musicaux, dans lesquels toutes les irritantes contraintes du réel sont bannies…

En récital à la Halle Saint-Pierre le 15 mai 2011, croqué sur le vif par mon ami Jean Letourneur
En récital à la Halle Saint-Pierre le 15 mai 2011, croqué sur le vif par mon ami Jean Letourneur

 Quitte à passer pour une vieille barbe rétrograde, j’avoue rester totalement hermétique à ce que depuis quatre décennies les peuples de notre planète toute entière, les marchands, les médias, les clients et les soi-disant élites intellectuelles et politiques entendent par musique : à savoir une forme de divertissement chanté, dansé ou les deux, sur une base rythmique binaire à peu près fixe et trois accords élémentaires. Pour moi la musique, qu’il s’agisse de classique, de jazz ou de la plupart des musiques traditionnelles, c’est l’exact opposé : du noble, du complexe, du transcendant.  Je considère en fait que la complexité structurelle a une véritable valeur esthétique. Un de mes collègues mathématicien et musicien de l’Université Libre de Bruxelles, J.-P. Boon, a récemment publié une étude  montrant que l’on peut mesurer la complexité d’une pièce musicale en termes d’entropie. L’entropie dite de Shannon est une fonction mathématique qui correspond à la quantité d’information contenue ou délivrée par une source quelconque d’information. Quand l’entropie d’un système est basse, le système contient beaucoup d’informations, quand l’entropie augmente, l’information se dégrade. L’entropie de Shannon est calculable pour toute collection d’octets, qu’il s’agisse d’un fichier informatique, d’un texte littéraire, d’une œuvre picturale ou d’une pièce musicale. En effet, la seconde loi de la thermodynamique est universelle, elle s’applique aussi bien aux systèmes physiques qu’au comportement humain et à ses représentations artistiques.

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