On ne sait si le sage d’Ephèse, tête penchée et se frottant les mains, se réjouit d’avoir tourné en dérision l’un de ces beaux parleurs au discours superficiel qu’il abhorre tant, ou s’il est plongé dans un profond état d’affliction devant un univers – figuré ici par un globe terrestre – aveugle et absurde, où le désordre reste la loi.
Si c’est bien Héraclite qui est représenté par le peintre Johannes Moorelse (dont on sait si peu de choses que certains critiques d’art en doutent), la seconde hypothèse semble plus conforme à ce que l’on sait du personnage.
Cet exact contemporain du Bouddha et Lao-Tseu, considéré comme l’un des fondateurs de la philosophie et de la métaphysique occidentales, était en effet réputé pour être misanthrope et mélancolique. Renonçant à une fonction royale à laquelle ses origines familiales l’appelaient, n’était-il pas parti vivre en ermite dans les montagnes, se nourrissant de plantes jusqu’à la fin de ses jours ? On dit de lui qu’il pleurait de tout quand Démocrite en riait. De fait, de nombreuses œuvres picturales représentent les deux personnages côte à côte, l’un hilare, l’autre chagrin.
On sait que l’émergence de la science moderne a été marquée par la publication, à la fin du XVIIe siècle, des Principes mathématiques de la philosophie naturelle d’Isaac Newton (1642-1727). La mécanique classique et le calcul infinitésimal du savant anglais étaient révolutionnaires, mais ses découvertes n’auraient pas été possibles sans les travaux réalisés par les générations précédentes. Les trois lois de la dynamique de Newton sont fondées sur les travaux de Galilée (1564-1642) traitant de l’inertie, de la chute des corps et des relations entre l’espace et le temps dans le mouvement accéléré. Sa fameuse théorie de la gravitation universelle est, elle, en étroit rapport avec les lois de Kepler relatives au mouvement des corps célestes.
Conditions supplémentaires pour le développement de la science
Discuter les maîtres ne suffit pas pour asseoir la dynamique de la pensée scientifique : il y faut aussi un environnement social et politique favorables. Dans la Grèce antique, la base culturelle de la naissance de la science est aussi la base de la naissance de la démocratie. Concevoir une structure politique démocratique suppose en effet accepter que les meilleures discussions puissent émerger de la discussion entre tous plutôt que de l’autorité d’un seul. Anaximandre n’a fait que transporter sur le terrain du savoir une pratique déjà courante dans l’agora grecque : critiquer la position du magistrat, non pour lui manquer de respect, mais dans la conscience partagée qu’une meilleure proposition existe toujours.
Lors de mon trajet en avion Paris – Kourou le 18 décembre, peu avant l’atterrissage, j’ai photographié avec mon iphone, depuis le hublot de l’appareil, ces magnifiques formations nuageuses au-dessus de la forêt guyanaise.
L’ensemble de la science est lié à la culture humaine en général, et les découvertes scientifiques, même celles qui à un moment donné apparaissent les plus avancées, ésotériques et difficiles à comprendre, sont dénuées de signification en dehors de leur contexte culturel. Une science théorique qui ne serait pas conscience de ce que les concepts qu’elle tient pour pertinents et importants sont destinés à terme à être exprimés en concepts et en mots qui ont un sens pour la communauté instruite, et à s’inscrire dans une image générale du monde, une science théorique où cela serait oublié et où les initiés continueraient à marmonner en des termes compris au mieux par un petit groupe de partenaires, serait coupée du reste de l’humanité culturelle, vouée à l’atrophie et à l’ossification.
Qui a entrevu l’univers, qui a entrevu les ardents desseins de l’univers ne peut plus penser à un homme, à ses banales félicités ou à ses bonheurs médiocres, même si c’est lui, cet homme.
Tout l’univers visible n’est qu’un magasin d’images et de signes auxquels l’imagination donnera une place et une valeur relative ; c’est une espèce de pâture que l’imagination doit digérer et transformer.
Le prochain lancement de Soyuz au Centre spatial Guyanais de Kourou a lieu le jeudi 19 décembre 2013 afin de mettre on orbite le satellite scientifique Gaia de l’Agence Spatiale Européenne.
L’actualité scientifique est foisonnante. A l’occasion je commenterai mes sujets favoris, parlerai de mes enthousiasmes, mais aussi de mes agacements face au sensationnalisme factice de certains communiqués délivrés par les agences de presse.
Un jour on demandait à Anaxagore : “Pourquoi vis-tu ? – Pour regarder, dit-il, les astres. Supprime le ciel, je ne suis plus rien”
Chalcidius (IVe siècle)
J’eus le vertige et je pleurai car mes yeux avaient vu cet objet secret et conjectural dont les hommes usurpent le nom, mais qu’aucun homme n’a regardé : l’inconcevable univers. Jorge Luis Borges, L’Aleph (1949)