La culture ce n’est pas avoir le cerveau farci de dates, de noms ou de chiffres, c’est la qualité du jugement, l’exigence logique, l’appétit de la preuve, la notion de la complexité des choses et de l’arduité des problèmes. C’est l’habitude du doute, le discernement dans la méfiance, la modestie d’opinion, la patience d’ignorer, la certitude qu’on n’a jamais tout le vrai en partage; c’est avoir l’esprit ferme sans l’avoir rigide, c’est être armé contre le flou et aussi contre la fausse précision, c’est refuser tous les fanatismes et jusqu’à ceux qui s’autorisent de la raison; c’est suspecter les dogmatismes officiels mais sans profit pour les charlatans, c’est révérer le génie mais sans en faire une idole, c’est toujours préférer ce qui est à ce qu’on préférerait qui fût.
Jean Rostand, Le droit d’être naturaliste (1963).
La culture permet cette liste de phrases qui correspondent à un catalogue de sentiments que tout un chacun a pu avoir, plus ou moins, l’occasion d’expérimenter. De plus, la compréhension d’ensemble nécessite sans cesse des adjonctions et des résumés extérieurs qui suppose l’activité compréhensive d’un tiers (ce texte, la citation ci-dessous d’Erwin Schrödinger, mais les exemples sont sans fin).
La définition que l’auteur donne de la culture pourrait être aussi bien celle de “l’honnête homme”, un honnête homme cultivé qui parle de la culture, celui qui a expérimenté les sentiments qu’il traduit en phrases. A notre niveau de conscience, les mots qui nous viennent à la bouche, choisir d’illustrer avec son vécu “culture”,” honnête homme”… ou que sais-je encore… sont des tentatives de descriptions d’un monde inexprimable par le langage verbal (il n’est qu’u,n moyen). Il y a sans doute un sens à la vie, au dessus ou au-dessous, qui est effectif malgré notre ignorance (je place les efforts intellectuels comme indissociables des efforts moraux de contrôle de soi), et il est probable que nous construisons ce sens avec la totalité de nos personnes dans l’expérience de la vie, pas seulement le langage affleurant. C’est aussi ce que dit M. Rostand. Il a en vue l’impérieuse nécessité d’être utile à lui même (il risque sa vie en n’agissant pas selon le niveau de conscience qu’il a atteint, il n’est pas possible d’aller en arrière). Et bien sûr il est utile au monde qui continue vers…………….