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Les suites qui se racontent et le jeu de Robinson

Les suites qui se racontent sont entrées un jour dans ma vie pour ne plus en sortir à travers une énigme mathématique que me posa un ami :

Si une suite commence par 0, 10, 1110, 3110, 132110, 13123110, quel est le nombre suivant ?

Ma réponse fût 23124110 (dans 0, je compte un 0 ce que j’écris 10 ; dans 10, je compte un 1, un 0 ce que j’écris 1110 ; dans 1110, je compte trois 1, un 0 ce qui donne 3110, etc.). En quelque sorte, chaque terme “raconte” le précédent.

L’énigme se transforme en suite … et en conjecture

J’aurais pu m’arrêter là mais, allez savoir pourquoi, je continuais : 1413223110, 1423224110, 2413323110, 1433223110, 1433223110. La suite est donc constante à partir de ce terme. Le résultat me sembla surprenant, c’est pourquoi j’essayais d’autres valeurs initiales. J’avais beau examiner un grand nombre de valeurs, je trouvais toujours une suite périodique, la période étant 1, 2 ou 3. Très vite convaincu de ce résultat, je tentais de prouver ce qui était devenu une conjecture. Après plusieurs mois de recherche, je trouvais 109 points fixes, 31 cycles de période deux et 10 cycles de période trois (voir plus loin leur liste exhaustive). 

Puis la conjecture en théorème

Pour trouver tous les cycles des suites qui se racontent, on peut utiliser un ordinateur à condition de réduire d’abord le nombre de cas à essayer. Il est également possible de faire un raisonnement analytique classique. Pour ceux que le sujet intéresse, j’ai raconté cette quête de la preuve dans :

Hervé Lehning, « Computer-aided or analytic proof? », College Mathematics Journal, vol. 21, no 3,‎ 1990, p. 228-239

Hervé Lehning, « Quelle est la meilleure preuve ? », Quadrature, n° 11, 1992 (Ce dernier article est illustré Par Charb.)

Page de l’article avec l’illustration de Charb

Le jeu de Robinson

Quand j’ai proposé mon article, on me fit remarquer que je résolvais sans le savoir une conjecture de Douglas Hofstadter (parue dans Ma Thémagie) liée à un jeu inventé dans les années soixante-dix par Raphaël Robinson (1911 – 1995), un mathématicien américain. Le but est de remplir les blancs de la phrase suivante afin qu’elle devienne vraie :

Dans cette phrase, il y a __ 0, __ 1, __ 2, __ 3, __ 4, __ 5, __ 6, __ 7, __ 8, et __ 9

On remarque immédiatement que tout point fixe utilisant les dix chiffres d’une suite qui se raconte est solution, et réciproquement. En utilisant la liste des 109 points fixes, on trouve deux solutions :

Dans cette phrase, il y a 1 0, 11 1, 2 2, 1 3, 1 4, 1 5, 1 6, 1 7, 1 8, et 1 9.

Dans cette phrase, il y a 1 0, 7 1, 3 2, 2 3, 1 4, 1 5, 1 6, 2 7, 1 8, et 1 9.

Les autres points fixes fournissent des solutions à un jeu de Robinson légèrement modifié où certains chiffres peuvent être supprimés. Par exemple :

Dans cette phrase, il y a 3 1, 2 2, 3 3, 1 4 et 1 5.

Suppléments : cycles des suites qui se racontent

Pour en simplifier la lecture, je noterai <n> le fait que n chiffres, choisis arbitrairement parmi les chiffres possibles, soient précédés d’un 1.

Liste des points fixes

1 9 / 1 8 / 1 7 / 1 6 / 1 5 / 1 4 / 1 3 / 2 2 / 11 1 / 1 0 et

1 9 / 1 8 / 2 7 / 1 6 / 1 5 / 2 3 / 3 2 / 7 1 / 1 0 ce qui fait 2 points fixes,

11 1 / <8> ce qui fait 9 points fixes, 2 6 / 2 3 / 3 2 / 6 1 / <5> ce qui fait 6 points fixes, 2 5 / 2 3 / 3 2 / 5 1 / <4> ce qui fait 15 points fixes, 2 4 / 2 3 / 3 2 / 4 1 / <3> ce qui fait 20 points fixes, 3 3 / 2 2 / 3 1 / <2> ce qui fait 21 points fixes, 2 3 / 3 2 / 2 1 / <1> ce qui fait 7 points fixes, 3 3 / 3 1 / <2> ce qui fait 28 points fixes, 2 2 ce qui fait 1 point fixe, d’où un total de 109 points fixes.

Liste des cycles de période deux

2 8 / 1 7 /  1 4 / 4 2 / 7 1 / <5>       1 8 / 2 7 / 2 4 / 2 2 / 8 1 / <5> ce qui fait 1 cycle, 

2 7 / 1 6 / 1 4 / 4 2 / 6 1 / <4>                   1 7 / 2 6 / 2 4 / 2 2 / 7 1 / <4> ce qui fait 5 cycles,

2 6 / 1 5 / 1 4 / 4 2 / 5 1 / <3>                   1 6 / 2 5 / 2 4 / 2 2 / 6 1 / <3> ce qui fait 10 cycles,

2 4 / 1 3 / 4 2 / 3 1 / <2>                 2 4 / 2 3 / 2 2 / 4 1 / <2> ce qui fait 15 cycles,

d’où un total de 31 cycles de période 2.

Liste des cycles de période trois

2 5 / 1 4 / 1 3 / 4 2 / 4 1 / <2>     1 5 / 3 4 / 1 3 / 2 2 / 5 1 / <2>      2 5 / 1 4 / 2 3 / 2 2 / 5 1/ <2>

ce qui fait 10 cycles de période 3.

 

 

De Tannenberg au “miracle” de la Vistule

Quel rapport entre la bataille de Tannenberg (26-29 août 1914) et la bataille de Varsovie (13-25 août 1920) ? Dans les deux cas, les armées russes furent défaites par des armées très inférieures en nombre du fait de l’interception de leurs communications radios.

La bataille de Tannenberg

En août 1914, l’entrée en guerre de la Russie se fit dans une telle précipitation qu’aucun matériel cryptographique n’avait été livré si bien que les communications russes se faisaient en clair par radio. Autrement dit, les Allemands étaient invités aux réunions d’état-major des Russes. Le général en chef allemand sut utiliser cet avantage pour diviser les armées russes et anéantir l’une d’entre elles.

Le “miracle” de la Vistule

Si le renseignement allemand avait été particulièrement aidé par l’absence de chiffrement des messages russes en 1914, c’est par le décryptement que, en 1920, les Polonais s’invitèrent aux réunions d’état-major russe avec un résultat identique. La victoire qui s’ensuivit fut attribué par le clergé polonais à une intervention divine d’où le nom qui lui fut attribué de miracle de la Vistule.

L’excellence polonaise en matière de cryptologie

Le miracle de la Vistule est donc avant tout un miracle du décryptement.

L’excellence du bureau du chiffre polonais se poursuivit jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale puisque le premier décryptement d’Enigma fut un succès conjoint de l’espionnage français et du génie de trois mathématiciens polonais : Marian Rejewski (1905 – 1980), Jerzy Rozycki (1909 – 1942) et Henryck Zygalski (1908 – 1978). L’espionnage a fourni les tables de chiffrement de l’armée allemande de 1931 à 1938. Les mathématiques ont permis, grâce à ce renseignement, de reconstituer les câblages de la version militaire de l’Enigma et de fabriquer des répliques d’Enigma dès 1933. Les messages furent alors déchiffrés régulièrement. Les mathématiciens polonais cherchèrent à pouvoir se passer des tables de chiffrement, ce qu’ils réussirent à faire, en particulier en créant une machine, la bomba. Elle permettait de trouver la clef du jour en quelques minutes. Après la défaite de la Pologne puis celle de la France, les résultats polonais furent livrés aux Britanniques. Le mathématicien Alan Turing (1912 – 1954) et son équipe de Bletchley Park reprirent avec succès le décryptement en l’améliorant et en l’adaptant aux complexifications successives d’Enigma. La guerre fut probablement écourtée de deux ans grâce au décryptement.

 

 

L’application surprenante d’un vieux problème d’Apollonius

L’Antiquité grecque s’est passionnée du problème d’Apollonius (trois siècles avant notre ère) sans doute sans y voir la moindre application. Songez ! Étant donné trois cercles du plan, il s’agit de trouver les cercles qui leur sont tangents. Il fallut attendre François Viète (1540 – 1603) pour qu’il trouve une solution complète. Au maximum, huit cercles sont solutions.

Le cercle rouge est tangent aux trois cercles bleus

Repérage acoustique de l’artillerie

Une idée pour repérer les pièces d’artillerie est d’utiliser le son produit lors de la mise à feu. Les instruments essentiels pour ces repérages sont des microphones, dispositifs inventés à la fin du XIXe siècle. S’ils sont adaptés aux basses fréquences et ignorent les autres, les sons de l’artillerie lourde sont distingués des autres bruits du champ de bataille. Il faut en utiliser au moins trois, reliés à un appareil d’enregistrement effectuant un tracé sur un même rouleau enregistreur afin de comparer les instants de réception du son.

Le son de la même mise à feu est enregistré à des instants différents selon la position des micros.

Dans le cas de l’enregistrement ci-dessus, l’onde sonore venant du canon ennemi (en T) se déplace selon un cercle de centre T. Elle atteint d’abord le point A où est placé le premier microphone puis le point B où est placé le second après un temps t mesurable sur l’enregistrement et enfin le point C après un temps t’ (toujours après le point A). En tenant compte de la vitesse du son, la distance de T à A est égale à un nombre R, qu’il s’agit de déterminer, celle de T à B à R + rr correspond à la distance parcourue par le son pendant le temps t et enfin la distance de T à C égale à R + r’ où r’ correspond à la distance parcourue par le son pendant le temps t’.

Si T est connu, le cercle de centre T et de rayon R passe par A et est tangent au cercle de centre B et de rayon r ainsi qu’au cercle de centre de centre C et de rayon r’, ce qui se résume en une figure bien connue des mathématiciens de l’époque, au problème d’Apollonius, l’un des cercles étant de rayon nul :

Le cercle de centre T passe par A et est tangent aux cercles de centres B et C.

Résolution du problème

De nos jours, ce problème est résolu par la géométrie analytique et un logiciel détermine directement les coordonnées de la position de la batterie ennemie (système de localisation de l’artillerie par acoustique, SL2A). Ce système peut être couplé de nos jour avec un radar de contrebatterie (RCB), qui a cependant le défaut d’être lui-même repérable puisqu’un radar émet des ondes, contrairement au système acoustique.

En février 1915, Ferdinand Daussy, ingénieur des mines, soldat à Verdun, réalise, à partir d’un moteur de phonographe et d’un diapason entretenu électriquement, un appareil de repérage au son inscrivant sur un papier d’enregistrement le cent millième de seconde. À partir de trois postes d’observation, il parvint à situer les pièces allemandes pourtant invisibles. Les artilleurs français déclenchèrent un tir sur cet emplacement, arrêtant ainsi le feu ennemi. À cette époque, les microphones étaient reliés au système de contrôle par des fils, ce qui le rendait vulnérable. À Verdun, une attaque allemande mit fin au système de Ferdinand Daussy.

On peut également réduire ce problème à une question d’intersection de deux hyperboles mais, au temps de la Grande Guerre, le calcul se faisait graphiquement sur une carte avec un jeu de disques de divers rayons par tâtonnement sachant que la portée maximale des canons était connue.

La méthode a amélioré le repérage des batteries ennemies mais elle n’est pas toujours précise car la vitesse du son dépend de facteurs météorologiques comme la température et la vitesse du vent. De plus, l’artillerie était souvent utilisée en grand nombre simultanément ce qui rendait délicat le repérage individuel de chaque batterie.

Laissons la conclusion sur l’importance de ces recherches à Paul Painlevé, mathématicien et ministre de la guerre en 1917, dans une allocution après la victoire : les mathématiques les plus abstraites ou les plus subtiles ont participé à la solution des problèmes de repérage et au calcul des tables de tir toutes nouvelles qui ont accru de 25 pour 100 l’efficacité de l’artillerie.

La géométrie du ballon de football, source d’effets surprenants

Un ballon de football n’est pas une sphère parfaite, mais un assemblage de pièces de cuir de formes polygonales. Le gonflage le fait alors ressembler à une sphère. Pour être une bonne approximation de la sphère, a priori l’idéal aurait été d’utiliser un polyèdre régulier au plus grand nombre de faces possible, c’est-à-dire l’icosaèdre qui a vingt faces.

L’icosaèdre régulier ne peut servir de modèle pour un ballon de football en raison de ses nombreuses pointes. © Hervé Lehning

Couper les pointes de l’icosaèdre

Le plus proche d’une sphère est l’icosaèdre. Malheureusement, même gonflé, ses pointes rendraient ses rebonds aléatoires. L’idée est de couper les pointes gênantes. On obtient l’icosaèdre tronqué. Il est formé de 12 pentagones et 20 hexagones.

En route vers l’icosaèdre tronqué. On voit sur cette figure que chaque pointe engendre un pentagone et chaque triangle, un hexagone. © Hervé Lehning

Géométrie du ballon de football

Nous obtenons ainsi le ballon de football. C’est ce profil anguleux qui lui permet d’accrocher l’air, quel que soit son degré d’usure et quelles que soient les conditions climatiques.

Un ballon de football n’est pas une sphère parfaite, ce qui accentue les effets. © Hervé Lehning

Lors d’un coup franc, un tir brossé peut contourner le mur des défenseurs adverses pour revenir vers le but ! Cependant, l’effet dépend de la résistance de l’atmosphère. Lors du Mondial 1986, au Mexique, à 2600 mètres d’altitude, Michel Platini a raté un coup franc décisif, sans doute parce qu’il n’avait pas tenu compte de cette différence.

Principe pour réaliser un tir brossé. La rotation du ballon se fait dans un axe vertical … et dépend de la pression atmosphérique ! © Hervé Lehning

Une victoire remportée par la seule arme du chiffre

Le décryptement d’un seul message peut décider du sort d’une bataille ou d’une négociation. Ce fut le cas en 1626 quand les troupes du prince de Condé assiégeant Réalmont interceptèrent un messager sortant de la ville, porteur d’un message incompréhensible. Condé fit venir un jeune professeur de mathématiques de la région, Antoine Rossignol des Roches, qui en trouva le sens. Le message annonçait que la ville était à cours de munition. Condé fit porter le message décrypté à la ville, qui se rendit. La bataille fut gagnée grâce à la seule arme du Chiffre !

Chiffrement par alphabet chiffré

Ce message avait vraisemblablement été chiffré au moyen d’un alphabet chiffré, où chaque lettre est remplacée par un symbole, très en vogue à l’époque.

Un alphabet chiffré de 1626 (Archives de Strasbourg). Chaque lettre doit être remplacée par le symbole inscrit au dessus.

Le décryptement repose à la fois sur les mathématiques et sur la linguistique. Les mathématiques par la méthode des fréquences qui permet au moins de trouver le symbole représentant la lettre “e”. La linguistique par la méthode du mot probable qui permet de deviner des lots du message selon le contexte. Par exemple, dans un message sortant d’une ville assiégée, on peut s’attendre à des mots comme “vivres” ou “munitions”.

Chiffrement par dictionnaire chiffré

La faiblesse des alphabets chiffrés, même améliorés en chiffrant de plusieurs façons différentes les lettres fréquentes et en ajoutant des nulles, c’est-à-dire des symboles ne signifiant rien, amena Rossignol à créer des dictionnaires chiffrés c’est-à-dire des dictionnaires bilingues dont l’une des langues est le français et la seconde, des nombres. Ainsi, on chiffre non seulement des lettres (et ce de plusieurs manières), comme auparavant, mais aussi des syllabes et des mots. La méthode des fréquences n’a alors plus aucun sens et celle du mot probable devient difficile à utiliser. Leur inconvénient principal est leur sensibilité à l’espionnage ou aux hasards de la guerre.

Un dictionnaire chiffré où les lettres, mots, syllabes sont chiffrés par des nombres. Archives de Srasbourg

 

Une sangaku célèbre, de Hidetoshi Fukagawa

Les sangakus japonaises sont de petits chefs d’œuvres aussi bien au niveau du raisonnement mathématique que de l’esthétique. Jean Constant, par exemple, s’en est fait une spécialité (voir l’image mise en avant). La sangaku suivante a été découverte par Hidetoshi Fukagawa.

Les deux triangles (rouge et vert) inscrits dans le carré jaune sont équilatéraux, quel est le rapport entre les rayons des cercles bleus ?

Rayon d’un cercle inscrit

Les deux cercles sont inscrits dans deux triangles. Un théorème permet d’en calculer les rayons en fonction de leurs aires et de leurs périmètres. Plus précisément, le rayon du cercle inscrit dans un triangle est égal à deux fois la surface du triangle divisé par son périmètre, ce résultat est mis en évidence par un dessin : l’aire du triangle se décompose en  trois triangles de même hauteur, le rayon du cercle inscrit. L’aire de chacun de ces triangles est donc égale au rayon du cercle inscrit multiplié par la longueur du côté opposé divisée par deux. En faisant la somme, le périmètre du triangle s’introduit naturellement .

Plan d’attaque du problème

Pour calculer les rayons des deux cercles, il s’agit donc de calculer un certain nombre de longueurs de segments de la figure. L’idée pour les calculer vient si nous en oublions une partie. En utilisant les angles de 60° et de 45° en évidence, nous trouvons que les triangles rouges ont les mêmes angles et sont donc semblables.

Grâce aux rapports de similitude et au théorème de Pythagore, les mesures de longueurs apparaissent progressivement, une d’entre elles (AC) ayant été choisie comme unité. Le dessin est utile pour suivre le raisonnement. Nous en déduisons progressivement les diverses longueurs importantes. Elles sont notées sur le dessin ci-dessous.

On en déduit les valeurs des deux rayons :

Un calcul algébrique

Un calcul algébrique permet de montrer que R = 2 r. Pour cette dernière étape, aucune visualisation n’est nécessaire et nous pouvons l’exécuter avec un logiciel de calcul formel. Ce dernier calcul nous entraîne vers les extensions algébriques, nous nous arrêterons à leur porte.

L’éventail de la geisha

Dans certaines sangakus, les auteurs ont clairement privilégié l’esthétique.

Par exemple, dans celui en forme d’éventail ouvert aux deux tiers ci-dessus, il s’agit de trouver le rapport entre les rayons des cercles verts et rouges. Ici encore, l’essentiel est d’introduire les bons points, qui ne sont pas directement visibles. On trouve :

 

Le chiliogone de Descartes

Dans ses Méditations métaphysiques, René Descartes utilise l’exemple des chiliogones, c’est-à-dire des polygones à 1000 côtés, pour montrer qu’il existe des choses faciles à concevoir sans pour autant qu’il soit possible de les représenter. Essayons de le faire dans le cas du chiliogone régulier convexe !

Les polygones réguliers convexes

Si nous nous limitons aux polygones réguliers convexes, les premiers sont le triangle équilatéral, le carré, le pentagone régulier convexe et l’hexagone régulier convexe.

Les polygones convexes réguliers de 3, 4, 5 et 6 côtés.

Le chiliogone régulier convexe

À partir de là, il est facile d’imaginer le chiliogone régulier convexe : en pratique, il est indiscernable du cercle.

Le chiliogone régulier convexe est indiscernable du cercle

Si on supprime la condition de régularité et si les longueurs des côtés restent de même ordre de grandeur, on obtient une courbe fermée convexe. Si la condition de convexité est supprimée et les longueurs des côtés restent de même ordre de grandeur, on obtient une courbe fermée … qui peut ressembler à un infâme gribouillis.

Un polygone à 20 côtés peut déjà être très embrouillé, à 1000 côtés il peut devenir un infâme gribouillis

 

 

Quels poids portent-ils ?

Sur les chemins de l’Himalaya, jusqu’à 5000 mètres d’altitude, on rencontre sans cesse des porteurs et porteuses, parfois des enfants, surmontés de charges impressionnantes. Comment évaluer leurs poids ?

Compter les canettes

L’évaluation est relativement simple pour les porteurs de caisses de bière : on compte le nombre de canettes. le poids de chacune est facile à évaluer, un peu plus d’un tiers de kilo. Vingt paquets de dix donnent un fardeau de 70 kilogrammes … à porter sur des milliers de mètres de dénivelée !

Hotte d’un colporteur de l’Himalaya. Elle pèse environ 70 kg.                             © Hervé Lehning

Evaluer des volumes et des densités

Quel poids porte cette petite fille de 13 ans rencontrée sur le chemin de son village ?

Fillette de 13 ans, surmontée d’un imposant chargement, en route pour Phortse (400 mètres plus haut).             © Hervé Lehning

Elle y transporte des feuilles, que l’on utilise pour transformer le produit des toilettes en compost. La charge correspond malgré tout aux bottes de foin ordinaires qui, pressées, pèsent environ 20 kilogrammes. Malgré le côté impressionnant de sa charge, il est peu probable que cette jeune fille transporte plus de 10 à 15 kilogrammes sur son dos. Cela reste important pour une enfant dont la croissance n’est manifestement terminée, mais reste comparable aux poids des cartables de certains de nos collégiens.

Une buse de fonte

Buse en fonte sur le chemin de Namché Bazar. © Hervé Lehning

Autrement plus impressionnante est la buse en fonte que transporte cet homme en route vers Namché Bazar. Elle est destinée à créer une conduite forcée, pour servir à une micro usine hydro électrique. Le progrès vient ici à dos d’homme. Quel est le poids de cette buse ? Il est relativement facile d’évaluer le volume de fonte. La longueur est de 2,5 mètre environ, le diamètre 30 centimètres et l’épaisseur 1 centimètre. En mètres cubes, le volume est donc égal à :

2,5 x (0,152 – 0,142) x 3,14

soit 0,018 m3. La fonte ayant une densité de 7,4 tonnes au m3, nous en déduisons un poids de 130 kilogrammes environ. Même si nous admettons une erreur de 20 % dans notre évaluation, nous aboutissons à un poids supérieur à 100 kilogrammes, ce qui est impressionnant.

Les paraboles de l’Himalaya

Les paraboles sont utilisées dans l’Himalaya pour faire bouillir de l’eau. Pour cela, il suffit de diriger son axe vers le soleil. Ses rayons sont alors réfléchis vers le foyer où on a placé une casserole.

La parabole et son foyer

Si le soleil est dans l’axe de la parabole, ses rayons réfléchis passent tous par le foyer.

Selon la légende, Archimède aurait utilisé ce procédé pour incendier les voiles des navires romains lors du siège de Syracuse en 212 avant Jésus-Christ. Nous pouvons douter de la réalité de cette anecdote, car le moindre mouvement des bateaux suffit pour placer leurs voiles loin du foyer. Les servants du miroir parabolique auraient bien du mal à les suivre. Il est plus facile de chauffer une bouilloire immobile que la voile d’un navire en mouvement !