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Ombres, couleurs et lumières dans les arts graphiques

Que la lumière soit, et la lumière  fut.

La Bible, Genèse 1

Ce n’est pas un hasard si l’auteur du premier chapitre de la Genèse a placé la création de la lumière en tête, car elle est la condition de toute vie mais aussi de toute perception, des formes comme des couleurs. Elle est à la source des ombres et son étude établit des ponts entre mathématiques et art.

Sous des lumières différentes, le même paysage donne des impressions différentes, comme le montrent ces deux photographies de la rade de Toulon sous les nuages. La différence essentielle est que, dans la seconde photographie, un rayon de lumière vient illuminer les bâtiments en premier plan et créer des ombres. Les couleurs en sont également modifiées. Certains bâtiments passent du rose au jaune ou même au noir !

Vue de la rade de Toulon sous les nuages, avec ou sans rayon de soleil. © Hervé Lehning

Sans lumière, pas de couleurs

La couleur n’existe pas en elle-même, elle correspond à notre perception des ondes lumineuses qui, mathématiquement parlant, sont analogues aux ondes acoustiques. L’ensemble des longueurs d’onde de la lumière visible constitue le spectre de la lumière. Il s’étend du violet, dont la longueur d’onde est de 400 nanomètres, au rouge, dont la longueur d’onde est de 700 nanomètres. Au-delà de ces longueurs d’onde, la lumière devient invisible et on entre dans le domaine de l’ultraviolet, dont les rayons sont responsables du bronzage de la peau et dans l’infrarouge ou rayonnement calorique. On retrouve ces diverses couleurs dans les arcs-en-ciel.

Les différentes couleurs du spectre chromatique, du violet au rouge et de bas en haut, se retrouvent dans cet arc-en-ciel apparaissant au-dessus des chutes du Zambèze © Hervé Lehning

La même théorie mathématique, inventée par Joseph Fourier (1768 – 1830), permet de décomposer les ondes sonores et les ondes lumineuses en sommes d’ondes élémentaires, dites harmoniques en acoustique et ondes monochromatiques en optique. Dans ce dernier cas, celles qui correspondent au spectre visible sont appelées couleurs pures.

Les couleurs telles que nous les voyons dépendent de trois types de récepteurs compris dans nos yeux. Dans chaque onde, chacun capte la part à laquelle il est sensible, notre cerveau réalise la synthèse. Le système RVB, utilisé en photographie, imite ce principe naturel : on ajoute du rouge, du vert et du bleu pour obtenir toutes les couleurs. On retrouve le principe de la décomposition précédente, en la limitant à trois couleurs pures. Le système CMJN, utilisé en imprimerie, est fondé sur un principe soustractif mais aboutit à un résultat identique.

Sans lumière, pas d’ombres

De même, la lumière crée l’ombre. Le photographe, le dessinateur comme le peintre jouent avec cette propriété. L’ombre accentue les formes des objets ou en crée d’étranges.

La lumière, venant de l’autre côté de l’opéra de Sydney, crée une ombre qui souligne les formes. © Hervé Lehning

Les dessins d’architecture comportent des ombres portées d’un objet sur un autre, ce qui peut donner des courbes étonnantes. On peut les photographier ou les prévoir d’avance ce qui autrefois prêtait à des constructions de géométrie descriptive intéressantes. Elles sont aujourd’hui réalisées automatiquement à travers des logiciels de géométrie.

Ombres portées sur les toits de la Charité à Marseille. © Hervé Lehning

Il arrive de plus que les ombres prennent des formes étranges ne semblant plus rien à voir avec l’original, comme sur la photographie suivante qui constitue une anamorphose d’un taureau chargeant un toréador.

Ombres portées sur le sol d’un taureau chargeant un toréador dans les arènes d’Arles. © Hervé Lehning

Le clair-obscur

La lumière permet enfin de mettre l’accent sur un personnage et de le modeler, comme sur la photographie suivante où il met en valeur le mouvement des bras du personnage. Certains studios sont réputés pour ce type de photographies qui sculptent les personnages.

Le mouvement des bras de la femme sur cette photographie est mis en valeur par le jeu de lumière et d’ombre. © Hervé Lehning

Avant que cette technique ne soit exploitée en photographie, elle a été particulièrement utilisée par des peintres comme Georges de la Tour (1593 – 1652)  à l’époque classique. Dans le nouveau-né, l’accent est mis sur celui-ci grâce au rayon de lumière envoyé par la bougie cachée par la main de la femme à gauche.

Le nouveau-né par Georges de la Tour

De même, la lumière est au centre de la révolution impressionniste. D’une manière presque mathématique quand on pense à l’analyse de Fourier, les impressionnistes n’utilisent que des couleurs primaires et c’est leur reconstitution dans l’œil, ou plutôt le cerveau, du spectateur qui crée l’impression générale. L’aboutissement de ce courant se trouve sans doute dans les œuvres de Vincent Van Gogh (1853 – 1890).

Terrasse de café le soir par Vincent Van Gogh.

La lumière et ses reflets

C’est de même la lumière qui crée les reflets sur l’eau comme dans cette photographie prise un jour d’orage où les jeux de lumière sont visibles. On y voit également son influence sur les couleurs. La scène originale pouvait ainsi être vue de plusieurs manières.

Le grand canal du parc de Sceaux avant l’orage. © Hervé Lehning

Nous retrouvons ces effets dans nombres d’œuvres figuratives mais aussi dans les fameux noir-lumière de Pierre Soulages (né en 1919).

Tableau de Pierre Soulages.

Conclusion

Comme nous l’avons vu, seule la lumière donne un sens aux œuvres plastiques, que ce soit en photographie, en dessin ou en peinture. Les mathématiques ne sont bien entendu pas nécessaires pour les concevoir mais elles les structurent que ce soit dans l’analyse spectrale de la lumière ou dans ses jeux. Les logiciels de dessin utilisent d’ailleurs un grand nombre de techniques mathématiques, même si elles restent invisibles à l’utilisateur.

Les colombes givrées

Ce glaçon étrange, que j’ai nommé les colombes givrées s’était détaché d’un glacier pour tomber dans un fjord et était venu s’échouer sur une plage où je venais de débarquer. Un rayon de soleil illuminait cette œuvre d’art éphémère que le hasard avait façonnée, l’art consistait à trouver le bon angle permettant de capturer la lumière malgré la légère pluie qui tombait.

Les colombes givrées © Hervé Lehning

Le glacier à l’origine du glaçon

Voici le front du glacier d’où s’échappent les glaçons plus ou moins gros :

Le front du glacier © Hervé Lehning

Comme on peut le voir sur cette photographie, la vie animale est riche à l’endroit où le glacier se jette dans la mer. Les oligo-éléments charriés par le glacier attirent le plancton, qui attire le poisson, qui attire des oiseaux pêcheurs et quelques phoques.

Rencontre en descendant du Pelvoux

Chamois surpris en descendant du Pelvoux © Hervé Lehning

 

Sur les sentiers de montagne, on rencontre souvent des promeneurs armés de jumelles essayant de distinguer quelques chamois au loin, sur les sommets. Nul ne semble espérer voir un chamois de très près.

L’art de surprendre un chamois

C’est cependant plutôt facile en tenant compte de plusieurs caractéristiques de cet animal. Premièrement, même si sa vue n’est pas si mauvaise quand il s’agit de repérer un animal en mouvement, il distincte mal un objet immobile. Par exemple, le jeune chamois sur la photo ci-dessus se doute visiblement de ma présence mais n’arrive pas à me distinguer car je me suis immobilisé, même si je me tiens debout à une dizaine de mètres de lui. J’ai pu m’approcher d’aussi près car je me suis déplacé contre le vent pour qu’il ne me sente pas, de plus le vacarme d’un torrent en contrebas ne lui a pas permis pas de m’entendre. Deux personnes bruyantes arrivant de l’autre côté l’ont fait s’enfuir quelques minutes plus tard. Elles ont été étonnées d’apprendre qu’un chamois broutait tranquillement quelques instants plus tôt au lieu même où elles se trouvaient.