Voûtes et dômes

La voûte semble être née plate. Pour permettre une ouverture dans un mur, traditionnellement, on posait au-dessus une pierre assez longue en guise de linteau, comme dans le cas de cette porte dans les ruines de Délos en Grèce.

Une porte à Délos.

S’ils ne disposaient pas de pierres assez longues, dès l’Antiquité, les architectes ont trouvé un moyen d’y pallier en utilisant plusieurs pierres plus petites disposées de façon à ce que le poids de l’ensemble bloque le linteau. La pierre centrale, en coin dans le dispositif, est appelée la clef de voute. Il est probable que cette méthode ait été trouvée par essais et erreurs même si elle s’explique très bien par la pesanteur, en calculant le bilan des forces exercées, ce que les ingénieurs savaient faire à l’époque d’Archimède (IIIe siècle avant notre ère). Il est important que les appuis sur les côtés soient suffisamment lourds pour ne pas être déplacés par la poussée latérale exercée par le linteau.

Linteau de porte avec clef de voûte (au centre).

Pour des ouvertures plus importantes, les architectes ajoutaient simplement des colonnes ou des caryatides, qui sont des colonnes sculptées en forme de femmes (la variante masculine se nommant Atlante), ce qui donne des édifices comme l’Érechthéion sur l’Acropole d’Athènes. Ces colonnes étaient alors surmontées de linteaux comme une porte.

Colonnes et caryatides de l’Érechthéion sur l’Acropole d’Athènes.

La même idée fonctionne avec des voûtes en arc de cercle comme en construisaient les Romains, mais qu’on trouve déjà chez les Égyptiens et les Grecs, même si c’est dans des constructions utilitaires comme des entrepôts ou des canalisations. Ici encore, le poids de la voûte s’exerce sur les piliers latéraux dont la masse assure la stabilité de l’ensemble.

Voûte avec clef maintenant l’ensemble.

Ces voûtes peuvent être prolongées pour former le plafond d’une salle, elles servent aussi à construire des ponts comme les deux ponts d’Albi, le vieux datant de 1040 et le neuf de 1867.

Le pont vieux d’Albi (en premier plan) a des arches ogivales, le pont neuf (en second plan) a des arches en plein cintre.

Les dômes

Mis à part les toits plats ou en pentes et les voûtes, les Grecs eurent l’idée de toits hémisphériques, autrement dit de dômes. Le principe de la stabilité de ces structures repose sur des murs solides, calculés pour soutenir le dôme, comme pour les voûtes. Les dômes de l’Antiquité comme celui de Sainte Sophie à Constantinople (aujourd’hui Istanbul) ont des assises massives, qui permettent la stabilité du tout même si le dôme de Sainte Sophie s’écroula en 1346, suite à un séisme survenu deux ans plus tôt.

Dôme posé sur un tambour octogonal, de la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence, vu de son campanile.

La cathédrale Santa Maria del Fiore de Florence posa un problème plus épineux. En 1418, la cathédrale était achevée mis à part un trou béant de 45 mètres de diamètre au-dessus d’un tambour octogonal de 53 mètres de haut. D’après les plans de l’architecte initial, décédé depuis longtemps, un dôme devait reposer sur ce tambour. L’ennui est que personne ne savait ni comment le faire tenir sur une structure aussi légère, ni comment le construire sans échafaudage en bois, comme on le faisait à l’époque mais impossible ici du fait de la trop grande portée. La question fut mise au concours et Filippo Brunelleschi (1377 – 1446) le remporta avec une double structure légère, une à l’extérieur, l’autre à l’intérieur. Finalement, le tout fut monté progressivement par anneaux horizontaux et sans échafaudage, un peu comme on le fait dans certains pays d’Afrique pour des cases en forme d’ogive. Ce type de construction semble venir de l’antique Nubie, car on en trouve en haute Égypte.

Construction d’une case obus sans échafaudage (architecture Mousgoum).

Le cercle de Conway

John Horton Conway, né le 26 décembre 1937 et mort lors de la pandémie de Coronavirus le 11  avril 2020, est l’un des mathématiciens les plus originaux du XX° siècle. Il est particulièrement connu pour sa création du jeu de la vie, qui est déjà l’objet d’un article de ce blog.

Un cercle dans un triangle

En pleine époque des maths modernes, le malicieux Conway a découvert une propriété du triangle qui aurait pu l’être par Euclide, trois siècles avant notre ère.

Soit ABC un triangle, ab et c les longueurs des côtés BC, CA et AB. On prolonge les côtés comme indiqué sur la figure, on obtient ainsi six points notés de petits ronds sur la figure. Conway a découvert que ces six points appartenaient à un même cercle, appelé depuis cercle de Conway du triangle ABC en son honneur.

Analyse : centre du cercle de Conway

En supposant que ce cercle existe, on démontre en considérant les couples de points venant du même sommet que son centre appartient à chacune des bissectrices du triangle ABC. Il s’agit donc du centre du cercle inscrit I.

Synthèse : cercle de Conway

On considère les bissectrices PP’, QQ’ et RR’ du triangle ABC et le cercle de centre I passant par l’un des points verts. On démontre de proche en proche qu’il passe par tous les points verts puisque les droites PP’, QQ’ et RR’ sont les médiatrices des couples de points verts contigus.

La chiralité des cochons et des escargots

Les coquilles des escargots sont des spirales qui peuvent croître de manière dextre ou senestre. En fait, ils sont presque tous dextres. Seuls un sur dix mille est senestre dans l’espèce des petits gris mais il existe des espèces où c’est le contraire.

Un petit gris. Si on place sa tête à gauche, sa coquille s’enroule dans le sens trigonométrique.

Les tire-bouchons usuels, c’est-à-dire pour droitiers, sont dextres, les tire-bouchons pour gauchers sont senestres.

Un tire-bouchon dextre.

Les queues de cochons

De même la queue en tire-bouchon des cochons peut être dextre ou senestre. Dans ce cas, il se trouve qu’il y a autant de cochons dextres que de cochons senestres. Le sexe des cochons mâles a la même propriété. Ces différences entre dextre et senestre se retrouvent au niveau des molécules, ce qui a parfois des conséquences sur leurs propriétés.

Le pangolin en boule

Pour échapper à ses prédateurs, le pangolin (oui, le mammifère impliqué dans l’origine du Covid-19) se roule en boule, ce qui le rend vulnérable aux braconniers.

Pangolin en boule

D’où la question : existe-t-il deux sortes de pangolins selon l’orientation de la boule ?

L’inversion et la chasse au lion

Hector Pétard, gendre du divin Bourbaki, mathématicien de génie, sut appliquer les transformations géométriques les plus abstraites à des domaines aussi concrets que la cynégétique.

La chasse au lion

Le lion est un animal constamment sur ses gardes. Comment l’attraper vivant sans éveiller ses soupçons ? Hector Pétard, illustre mathématicien du XXe siècle, apporta des réponses magistrales à ce problème. La principale concerne la géométrie.

L’idée géniale d’Hector Pétard pour chasser le lion sans danger est de disposer d’une cage dans laquelle il s’enferme seul. A l’instant initial, le lion est donc à l’extérieur. Il opère alors une transformation échangeant intérieur et extérieur de la cage. De ce fait, le lion se trouve dans la cage et lui à l’extérieur. L’idée générale étant trouvée, quelle cage et quelle transformation utiliser ?

L’étude des transformations géométriques donne la solution : la cage doit être sphérique et la transformation, une inversion, dont on comprend à ce propos le nom. Il s’agit d’inverser cage et monde extérieur !

La transformation qui à M associe M’ vérifiant : OM.OM’=R² échange extérieur (en vert) et intérieur (en orange) de la sphère de centre O et de rayon R.

Capture du lion

Prenez une inversion à effet limité afin d’éviter la surpopulation dans votre cage. Placez-la à proximité du lion, avec vous à l’intérieur. Opérez l’inversion. Vous vous trouvez à l’extérieur, et le lion à l’intérieur. Malgré la simplicité de la méthode, nous vous conseillons toutefois de l’essayer d’abord sur un chat domestique avant de vous lancer dans la chasse au lion. Je décline toute responsabilité en cas d’accident de chasse.

Cette méthode fait honneur à l’esprit mathématique le plus abstrait. Mais le génie d’Hector Pétard ne s’arrêtait pas là. Il sut imaginer des méthodes purement physiques, par exemple celle-ci que nous vous conseillons : un lion est de masse non nulle si bien qu’il a des moments d’inertie. Attendez l’un d’eux. Quand il se produira, vous n’aurez aucun mal à l’attraper !

L’humour mathématique

 

Ralph P. Boas (1912-1992), chasseur de lions

Cet article sur la chasse au lion est un exemple caractéristique d’humour mathématique. Celui-ci frise souvent l’absurde. Hector Pétard est le pseudonyme de Ralph P. Boas. Ses articles les plus cocasses ont été rassemblés par la Mathematical Association of America dans Lion hunting & other mathematical pursuits. Contemporain de la grande époque Bourbachique (1930-1960), il s’est imaginé converger en justes noces avec la fille du maître polycéphale. Son faire-part de mariage évoque ce temps béni des structures abstraites. Ma vocation de vulgarisateur des mathématiques est née de leurs dégâts collatéraux, quand leurs prosélytes ont créé un enseignement « moderne » des mathématiques, oubliant leurs applications. Nous dédions cette sonnerie aux morts à notre magistral chasseur de lions.

Faire-part de mariage de Betti Bourbaki

Monsieur NICOLAS BOURBAKI, Membre Canonique de l’Académie Royale de Poldévie, Grand Maître de l’Ordre des Compacts, Conservateur des Uniformes, Lord Protecteur des Filtres, et Madame, née BIUNIVOQUE, ont l’honneur de vous faire part du mariage de leur fille BETTI avec Monsieur HECTOR PETARD, Administrateur Délégué de la Société des Structures Induites, Membre Diplômé de l’Institute of Class Field Archeologist, secrétaire de l’Œuvre du Sou du Lion.

Monsieur ERSATZ STANISLAS PONDICZERY, Complexe de Recouvrement de Première Classe en retraite, Président du Home de Rééducation des Faiblement Convergents, Chevalier des Quatre U, Grand Opérateur du Groupe Hyperbolique, Knight of the Total Order of the Golden Mean, L.U.B., C.C., H.L.C., et Madame, née COMPACTENSOI, ont l’honneur de vous faire part du mariage de leur pupille HECTOR PETARD avec Mademoiselle BETTI BOURBAKI, ancienne élève des Bien Ordonnées de Besse.

L’isomorphisme trivial leur sera donné par le P. Adique, de l’Ordre des Diophantiens, en la Cohomologie principale de la variété universelle le 3 Cartembre, an VI, à l’heure habituelle.

L’orgue sera tenu par Monsieur Modulo, Assistant Simplexe de la Grassmannienne (lemme chanté par la Schola Cartanorum). Le produit de la quête sera versé intégralement à la maison de retraite des Pauvres Abstraits. La convergence sera assurée. Après la congruence, Monsieur et Madame BOURBAKI recevront dans leurs domaines fondamentaux. Sauterie avec le concours de la fanfare du 7e Corps Quotient. Tenue canonique (idéaux à gauche à la boutonnière)

C.Q.F.D.