Les Chroniques de l’espace illustrées (6) : Animaux dans l’espace

Ceci est la sixième de mes « Chroniques de l’espace illustrées ». Si vous souhaitez acquérir mon livre dans sa version papier non illustrée (édition d’origine 2019 ou en poche 2020), ne vous privez pas !

Animaux dans l’espace

Avant que des êtres humains soient embarqués dans l’espace, ce sont nos amis les animaux qui ont servi de cobayes. Le 19 septembre 1783 déjà, un coq, un mouton et un canard font l’expérience du premier vol habité en montgolfière. Cela se passe devant le château de Versailles, en présence du roi Louis XVI. Leur nacelle s’élève jusqu’à 480 mètres de hauteur avant de redescendre, ils sont recueillis bien vivants.

Deux gravures d’époque illustrant le vol en montgolfière du 19 septembre 1783 avec des animaux. Contrairement à ce suggère l’illustration de droite, l’expérience s’est effectuée en grande pompe au Château de Versailles, devant le Roi. Un mouton, un coq et un canard (enfermés dans un panier d’osier et non pas à l’air libre!) furent ainsi les premières créatures vivantes à voler dans une machine fabriquée de main d’homme.
On alluma d’abord un feu, alimenté par de vieilles chaussures, de la viande en décomposition et de la paille humide afin de faire beaucoup de fumée – on croyait alors que c’était la fumée qui ferait élever l’engin, et non pas l’air chaud. Quand tout le monde lâcha en même temps les cordes qui retenaient le ballon au sol, ce dernier s’éleva majestueusement mais une rafale la renversa sur le côté. Heureusement l’aérostat se redressa, s’éleva à près de 500 mètres et atterrit trois kilomètres plus loin. À part une dispute entre le coq et le chien, tout s’était bien déroulé….

L’aventure spatiale du XXsiècle offre un scénario identique, à ceci près qu’un vol à bord d’une fusée ou d’un satellite artificiel est autrement périlleux qu’une simple ascension en ballon dans la basse atmosphère. Au départ, les scientifiques ne savent pas si l’être humain peut survivre aux fortes accélérations de départ et aux longs séjours en apesanteur. Dès 1948, Américains et Soviétiques commencent donc à expérimenter avec des animaux. Les Russes utilisent d’abord des lapins, des rats et des souris pour des vols sans retour, puis des chiennes, qu’ils tentent de ramener vivantes sur Terre. Les Américains préfèrent les singes, dont la physiologie est plus proche de celle de l’Homme. Nombre d’entre eux sont sacrifiés au nom de la science, lors des phases de décollage, de retour au sol des fusées, ou dans les vols orbitaux.

Les premières créatures vivantes envoyées dans l’espace ont été des mouches à fruits, à bord d’une fusée V2. Lors du vol du 20 février 1947 elles ont atteint une altitude de 108 km, puis ont été récupérées vivantes dans une petite capsule parachutée. Trois quarts de siècle plus tard on continue à étudier leur comportement dans l’espace à bord de la Station Spatiale Internationale. En 1953 l’US Air Force a fait un film sur le comportement de souris dans l’espace. A droite, le premier singe dans l’espace, Albert II, a atteint le 4 juin 1949 une altitude de 134 km mais a péri à la descente à cause d’un problème de parachute. Ses congénères Albert I, II et IV ont également péri dans l’explosion de leurs fusées.

C’est ainsi que le 3 novembre 1957, une chienne noir et blanc nommée Laïka embarque à bord de Spoutnik 2. Le lancement est effectué sans tests préliminaires et dans la précipitation, s’agissant de damer le pion aux Américains. Le satellite atteint effectivement son orbite, Laïka est le premier être vivant à voyager dans l’espace interplanétaire. Las, il n’a jamais été prévu que Spoutnik 2 revienne. Équipée d’une combinaison de cosmonaute et enfermée dans un petit habitacle, Laïka s’affole au décollage, son cœur bat la chamade. Après la mise sur orbite, la température de la capsule monte à 41 degrés. Laïka met cinq heures à mourir de déshydratation, de chaleur et de convulsions. Spoutnik 2 se consumera dans l’atmosphère quelques mois plus tard. Quarante ans après, une statue a été érigée à Moscou en l’honneur de Laïka. On lui devait bien cela.

Commémoration du vol de Laïka à bord de Spoutnik 2 le 3 novembre 1957

Heureusement, beaucoup d’animaux ont survécu. C’est notamment le cas avec la mission Spoutnik 5, en 1960, qui embarque 2 chiennes nommées Belka et Strelka, 40 souris, 2 rats, des centaines d’insectes, des végétaux tels que maïs, blé, oignons et champignons, des bactéries et des préparations de peau humaine. Tous sont récupérés sur Terre en parfait état. Strelka a plus tard donné naissance à 6 chiots, dont l’un a été offert à John Kennedy pour son fils !

Premières créatures vivantes à voyager dans l’espace et à revenir sur Terre lors du vol de Spoutnik 5 du 19 août 1960, Belka et Strelka sont devenues héros nationaux de l’URSS.
Malgré la guerre froide, Pouchinka, un des chiots de Strelka, a été offert à Jacqueline Kennedy comme présent de l’Union soviétique. En juin 1961, John Kennedy a remercié le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev : « Madame Kennedy et moi-même avons été particulièrement heureux de recevoir Pouchinka. Son vol de l’Union soviétique aux États-Unis n’était pas aussi dramatique que celui de sa mère, néanmoins, ce fut un long voyage et elle l’a bien supporté ».

C’est aussi le cas de nombreux singes des missions américaines, à l’instar de Ham, un chimpanzé bonobo qui s’envole en 1961 de Cap Canaveral pour un vol de seize minutes et devient le premier être vivant à contempler la Terre de l’espace. Ou encore du chimpanzé Enos à bord d’une capsule Mercury qui le met en orbite autour de la Terre. L’engin est récupéré en mer et le singe est sauf. Grâce à lui, plusieurs centaines d’améliorations vont être apportées à la fusée et à la capsule, permettant la réussite du vol d’Alan Shepard, qui, la même année 1961, sera le premier humain américain envoyé dans l’espace.

A gauche : Ham, premier chimpanzé à être allé dans l’espace, à son retour réussi sur Terre en 1961. A droite : Enos, premier primate non humain à avoir réalisé un vol orbital complet autour de la Terre lors de la mission Mercury-Atlas 5 du 29 novembre 1961 .

Toujours en 1961, la France utilise pour sa part sa petite fusée Véronique pour lancer une capsule balistique habitée par le rat Hector, et en 1963 c’est au tour de la chatte Félicette, rebaptisée Félix par les médias. Les deux ont été récupérés vivants.

Le rat Hector a été le premier être vivant envoyé dans l’espace par la France.
Les clichés le montrent avec un des chats qui s’entraînaient pour les missions suivantes, puis suspendu dans sa capsule par des ressorts, enfin placé dans la fusée Véronique («VERnon électrONIQUE ») qui, le 22 février 1962, s’envola à 110km d’altitude depuis la base d’Hammaguir, en Algérie. Hector fut récupéré quelques heures après, bien vivant. Malheureusement on l’a autopsié 6 mois plus tard pour en apprendre plus sur les électrodes qui lui avaient étés implantées… Quant à Félicette, première chatte à atteindre l’espace le 18 octobre 1963 dans un vol suborbital de 13 mn, elle a été euthanasiée deux mois après son retour pour examiner son cerveau…

Le clou de la ménagerie spatiale se passe en 1968 lorsque les Soviétiques envoient en direction de la Lune la sonde Zond 6. Elle transporte des insectes et des tortues, contourne la Lune et retourne sur Terre. Grâce à un choix subtil d’orbite, la sonde revient avec une décélération acceptable pour un humain, mais elle s’écrase à l’arrivée sur le territoire de l’URSS. Tous les animaux périssent. Alexeï Leonov, qui trois ans auparavant avait été le premier piéton de l’espace, avait fait des pieds et des mains pour participer au vol. Heureusement pour lui, le chef de mission Vassili Michine avait refusé, conscient que le vaisseau n’était pas prêt !

Gauche : La fusée Proton et le vaisseau Zond sur le pas de tir du cosmodrome de Baikonour. Droite : Premier cliché du système Terre-Lune par la sonde Zond 6.

De nombreux autres vols habités par des animaux se sont déroulés jusqu’en 1996 avec de moins en moins d’accidents. Sans ces héros bien involontaires de l’espace, la conquête spatiale n’aurait pas été aussi rapide et aurait provoqué de nombreuses pertes humaines. Les noms de Iouri Gagarine et Neil Armstrong restent dans toutes les mémoires. Mais qui se souvient des singes Albert, Gordo, Sam, Yorick, Mike, des chiennes Dezik, Lisa, Pchelka, et de centaines d’autres qui ne portaient même pas de nom ?

4 réflexions sur “ Les Chroniques de l’espace illustrées (6) : Animaux dans l’espace ”

  1. Bonjour!

    Pauvre minou!

    Nous sommes bien loin de l’idée du calme que nous suggère le chat assis du peintre Georges d’Espagnat…

    Ombre au tableau, dites-vous? Laissons notre Nobel couronné, plein d’esprit, apporter sa lumière, puisque dans son nom, réponse il y a…

    Et là, cette joyeuse anagramme, palsambleu!

    Ce billet avec nos frères animaux me fait penser à une fable : “Un animal dans la lune” de Monsieur Jean de La Fontaine.

    Rendu depuis longtemps tout entier aux beaux-arts, notre nautonier des espaces stellaires appréciera.

    Pour l’heure, si Ariane est d’accord, peut-être pourrait-on envoyer là-haut “Monsieur Tout-le-Monde”…

    Une bien belle anagramme d’un professeur et d’un artiste lui dit depuis longtemps déjà : “Tu es le mouton endormi.”

    Eh bien mes aïeux, si tel est le cas, il n’a pas fini de roupiller sur son orbite, le pauvre!

    De grâce, Monsieur Luminet, dessinez-nous une étoile capable de nous réveiller!

    Bien à vous

    M

  2. “Un animal dans la lune”
    http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/animlune.htm#:~:text=Le%20point%20de%20départ%20de,fondée%20en%201660)%20était%20ridiculisée.

    ” (..) Mon âme en toute occasion
    Développe le vrai caché sous l’apparence.

    (..)Quand l’eau courbe un bâton, ma raison le redresse,
    La raison décide en maîtresse.
    Mes yeux, moyennant ce secours,
    Ne me trompent jamais, en me mentant toujours”

    Je me disais aussi hier que si je malaxe mes idées à loisir et qu’il n’en sort jamais aucun éclaircissement, c’est peut être un bon critère pour distinguer mon erreur dans le faux problème, et sa persistance comme mal en général.

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