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Colère divine ou chute météoritique ?

Lucas van Leyden (école de), Loth et ses filles (vers 1520)
huile sur panneau de bois, 48 × 34 cm. Musée du Louvre, Paris

Lucas van Leyden, ou Lucas de Leyde (vers 1494–1533), est l’un des plus grands peintres et graveurs néerlandais de la Renaissance. Connu pour ses scènes religieuses, mythologiques et profanes, il se distingue par une grande finesse de dessin, une attention aux détails narratifs, un intérêt marqué pour les paysages et les arrière-plans. Il a été l’un des premiers artistes des Pays-Bas à intégrer des éléments humanistes et à montrer une influence italienne dans son travail.

Son tableau Loth et ses filles[1], daté de la période 1520-1525, traite de l’épisode biblique (Genèse 19) où lequel Dieu décide de détruire les villes corrompues de Sodome et Gomorrhe. Loth, neveu vertueux d’Abraham, est prévenu par des anges qui lui enjoignent de fuir la ville avec son épouse et ses deux filles, avec toutefois l’interdiction de se retourner. La femme, curieuse et désobéissant à l’interdiction, est changée en statue de sel. Loth se réfugie finalement dans une grotte avec ses deux filles. Pensant que l’humanité est anéantie, ces dernières enivrent leur père pour s’unir à lui et assurer une descendance.

Le thème a fasciné de nombreux peintres de la Renaissance, comme Peter Paul Rubens (1614), Guido Reni (1615), Orazio Gentileschi (vers 1620) et sa fille Artemisia (1638) ou encore Simon Vouet (1633). Dans leurs toiles, Loth et ses filles occupent toute la scène, représentés de façon intime et ambiguë pour souligner l’érotisme et la transgression incestueuse, tandis que des jarres de vin rappellent l’ivresse du vieillard. Ce n’est que dans les chefs-d’œuvre de Lucas van Leyden (vers 1520) et de Lucas Cranach l’Ancien (vers 1528) que l’on a en arrière-scène un aperçu spectaculaire de la destruction de Sodome : feu tombant du ciel, flammes et colonnes de fumée montrant la ville en train de brûler et les navires couler.

Lucas Cranach l’Ancien, Loth et ses filles, 1528
56 cm x 37 cm. Kunsthistorisches Museum, Vienne (Autriche)

 

Les personnages sont certes placés au premier plan, isolés, dans une intimité troublante, mais à l’arrière-plan, on distingue les flammes de Sodome, ainsi qu’un paysage vallonné, typique de l’art flamand et hollandais.

La peinture mêle un réalisme minutieux dans les visages, les vêtements, les éléments naturels. Les attitudes des personnages sont expressives mais mesurées, sans dramatisation excessive. Loth apparaît passif, presque inconscient, tandis que les filles affichent des gestes ambigus, entre tendresse et séduction.

La destruction de Sodome est représentée de manière spectaculaire à l’arrière-plan droit. Le ciel est zébré de flammes et de traînées lumineuses, symbolisant la colère divine. La ville est en proie aux flammes, avec des bâtiments en ruine et des navires engloutis dans le port, accentuant le chaos et la désolation. Cette scène apocalyptique contraste fortement avec le calme apparent du premier plan.

Un détail poignant, que l’on trouve également dans la toile de Cranach, est la représentation de la femme de Loth, transformée en statue de sel pour avoir désobéi à l’interdiction de se retourner. Elle est visible sur un pont en bois, figée, tandis que Loth et ses filles poursuivent leur fuite, accompagnés d’un âne.

En une saisissante mise en scène spatio-temporelle, les toiles de van Leyden et de Cranach l’Ancien montrent toutes deux le début de la fuite de Loth et de ses filles (l’une d’elles emportant un bagage sur sa tête), laissant à l’arrière leur épouse et mère, transformée en statue de sel pour avoir voulu regarder le désastre.

La composition est divisée verticalement par un arbre élancé, séparant le drame céleste de la scène terrestre. Au premier plan gauche, devant une tente rouge, Loth est assis, embrassant l’une de ses filles, tandis que l’autre verse du vin dans une coupe, préparant l’ivresse de leur père.

Cette peinture est un exemple remarquable du maniérisme hollandais, mêlant drame biblique, symbolisme moral et maîtrise technique. Elle offre une vision saisissante de la colère divine et des punitions humaines qui en découlent. Continuer la lecture de Colère divine ou chute météoritique ?

30 juin, Journée de l’astéroïde

Le 6 décembre 2016, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution déclarant le 30 juin Journée internationale des astéroïdes « afin de commémorer chaque année, au niveau international, l’anniversaire de l’explosion de Tunguska (Sibérie, Fédération de Russie) survenue le 30 juin 1908 et de sensibiliser la population aux risques d’impact d’astéroïdes. »

La Journée internationale de l’astéroïde (Asteroid Day) vise à sensibiliser le grand public aux menaces que représentent les astéroïdes, l’informer des mesures qui seraient prises pour assurer la communication de crise au niveau mondial en cas de risques liés aux géocroiseurs, mais aussi (et surtout) à mieux connaître ces fascinants résidus de la formation du système solaire.

Retour sur l’événement du 30 juin 1908, à partir d’extraits de mon livre paru en 2012, « Astéroïdes, la Terre en danger »

Le 30 juin 1908 à 7 h du matin, une effroyable explosion ravage la Tunguska, lointaine vallée pratiquement inhabitée qui étend ses forêts de conifères entre la ville d’Omsk et le lac Baïkal, en Sibérie occidentale. Accompagné d’une lueur aveuglante, le souffle couche au sol tous les arbres dans un cercle de cent kilomètres, décime des milliers de rennes, se propage, atteint les villages, brise des vitres, ébranle des immeubles. La déflagration est entendue à 1500 km à la ronde, jusqu’au cercle arctique.

Un habitant de Vanarava, à 60 km de l’endroit, aperçoit juste avant l’explosion un objet énorme et étincelant, gros comme la moitié du Soleil, fendre le ciel à la vitesse de l’éclair. Suivi par un sillage de poussière et de fumée, l’objet dégage une chaleur telle que la chemise de l’homme commence à prendre feu. Terrorisé, il a juste le temps de courir se réfugier dans sa maison afin d’éteindre les flammes.

D’autres témoins affirment avoir vu s’élever un énorme champignon de fumée noire coupant le ciel en deux. Vingt kilomètres au nord de Varanava, les nomades des tribus Tungouzes transhumant dans les forêts croient que la fin du monde est venue.Leurs huttes, arrachées du sol comme des fétus de paille, s’envolent aux quatre vents, et ils perdent des centaines de leurs rennes, gravement brûlés.

Région parmi les plus hostiles, la Tunguska compte alors très peu d’habitants. Si les dégâts matériels sont énormes, on ne déplore heureusement que quelques blessés et brûlés. Un vrai miracle. D’autant que d’incroyables phénomènes lumineux se produisent. Ce soir-là, la nuit ne se couche pas dans presque toute l’Europe. La Grande-Bretagne est éblouie par un coucher de Soleil étincelant ; la nuit, sillonnée de nuages de lumière rose, est si claire que les Londoniens peuvent lire leur journal dans la rue à minuit, sans avoir recours à l’éclairage de la ville. Des nuits d’une blancheur irréelle s’installent plusieurs semaines durant.

Enregistrée par les sismographes du monde entier, l’énergie libérée est estimée à 15 millions de tonnes de TNT. C’est mille fois la bombe atomique qui détruira 37 ans plus tard Hiroshima.

Du fait des événements qui secouent le début du siècle (purge politique en Russie, Première Guerre mondiale), les savants soviétiques ne commencent à explorer le site de la Tunguska qu’en 1927. Les arbres sont encore brûlés, couchés radialement autour du centre de l’explosion.

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