La Vallée des 10 00 Fumées, Alaska (1/9)

Carnet de voyage d’une expédition effectuée du 17 août au 7 septembre 1992 en Alaska

La vallée des Dix Mille Fumées (Valley of Ten Thousand Smokes) est située en Alaska, au  Sud du parc national de Katmai.  Elle tire son nom des nombreux panaches de vapeur d’eau qui s’échappaient du sol formé par l’éruption du volcan Novrupta en 1912. Accessible seulement après deux jours de marche à partir de Brooks Lodge – un camp tenu par des rangers-, elle offre des paysages extraordinaires. Avec un groupe de amis nous avons décidé de l’explorer sac à dos et en autonomie complète durant l’été 1992.

Participants:

Philippe A., médecin psychiatre
Arturo F., ingénieur
Marc L., astrophysicien
Jean-Pierre Luminet, astrophysicien
Didier P., astronome.

  EPISODE 1 : Du 17 au 20 août (préparatifs)

Lundi 17 août

Départ de Paris pour Anchorage à l’aéroport d’Orly, avec correspondances à Houston et à Seattle. En raison d’une surréservation (« overbooking »), lorsque nous arrivons au comptoir d’enregistrement on nous informe qu’il n’y a plus de places. Nous mettons en avant notre expédition exceptionnelle, l’équipage prend alors la décision de nous donner les places de 4 voyageurs qu’ils font sortir, en les indemnisant (200 $ d’indemnisation, hôtel et vol le lendemain en classe affaires, cela vaut la peine d’accepter si l’on n’est pas pressé !).

Le vol part avec du retard, et en raison de vents contraires l’avion arrive à Houston avec deux heures de retard. Nous disposons d’à peine une demi-heure pour passer la douane, récupérer nos sacs et attraper le vol pour Anchorage avec escale à Seattle. On y arrive de justesse, en courant tout du long. En tout, le voyage durera 23h.

Arrivée à Anchorage à minuit heure locale (dix heures du matin pour nous). La nuit blanche dans l’avion va nous permettre de rattraper rapidement les dix heures de décalage horaire.

Arturo nous attend à l’arrivée. Nous allons dormir dans un Bed & Breakfast qu’il a réservé. Nuit de rêves peuplée d’ours, mais confort délicieux après l’avion, bien qu’il s’agisse d’un dortoir.

L’équipe fin prête devant le B&B au matin du 18 août. de gauche à droite : Marc, Jean-Pierre, Arturo, Didier (Philippe prend la photo).

Mardi 18 août

Courses à Anchorage. Dix kilomètres à pied.  Au magasin de sport REI nous achetons une tente VE25 de North Face pour Didier, Marc et Arturo (Philippe et moi disposons déjà de ma tente Honeck Helium verte du Vieux Campeur), un spray anti-ours, de la viande séchée, etc. Ensuite, plantureux repas avec saumon et flétan grillé. L’après-midi nous préparons nos sacs, pour partir tôt le lendemain matin vers notre destination finale. Le gardien de l’hôtel nous apprend qu’il y a des problèmes avec les ours ; cette année ils deviennent agressifs, on n’avait jamais vu ça avant, deux personnes se sont faits récemment dévorer.

Soudain, à 17h, l’obscurité s’abat sur Anchorage. Le Mont Spurr, volcan situé à 80 km de là, est entré en éruption et le vent rabat le nuage de cendres sur la ville. Une fine poussière grise s’abat partout ; nous sortons, ça sent le soufre, la poussière pénètre dans les yeux et les narines. Cela n’était plus arrivé depuis trente ans. L’aéroport doit fermer, pourra-t-on partir le lendemain ?

Pluie de cendres sur Anchorage provoquée par l’éruption du Mont Spurr, à 80 km à l’Est d’Anchorage. Il fait partie des volcans actifs de la région au même titre que le Redoubt et l’Augustine.
A Brooks Lodge, « il y a des petites constructions en bois pour mettre la nourriture en hauteur à l’abri des ours. »

Mercredi 19 août

Réveil à 5h45. Tout est prêt, bagages, etc., mais nous apprenons par téléphone que notre vol pour King Salmon est suspendu, et personne ne peut dire jusqu’à quand. La ville est recouverte d’une épaisse couche de poussière très fine. Nous prenons un long petit déjeuner, et on téléphone régulièrement à l’aéroport, pour apprendre finalement que notre vol est repoussé au lendemain. On décide alors de louer une voiture pour la journée : ça ne coûte pas cher, 50 $. Nous partons vers Eagle River Park, au nord d’Anchorage. Mais la poussière y atteint son maximum, c’est irrespirable. On marche un peu, je suis de mauvaise humeur. En nous promenant le long de la rivière nous observons un élan (ou orignal) qui se prélasse au milieu du cours. Il ne faut pas s’en approcher de trop près car l’animal est réputé avoir mauvais caractère. On se rend finalement sur le terrain de camping de Eagle River, nous y trouvons un bon emplacement, puis on va s’empiffrer dans un restaurant BBQ. Couchés à 20h30. Première nuit sous la tente, excellente.

Notre vol pour King Salmon est reporté. Que faire ? Nous promener le long de l’Eagle River, où un élan nous observe.
Planter ensuite les tentes à Eagle Park et s’empiffrer le lendemain matin dans un restaurant BBQ.

Jeudi 20 août

Réveil à 6 heures, sans interruption nocturne. On se paie à nouveau un super breakfast à Eagle River, puis nous arrivons à l’aéroport bondé de monde, vu tous les retards. Notre vol est programmé pour 14h30. Partirons-nous enfin ?

Petite psychologie des participants au départ :

  • Didier : très méticuleux, un peu anxieux à cause de la bombe anti-ours dans les bagages, un récipient sous pression strictement interdit par les compagnies aériennes. En outre il souffre de l’épaule,
  • Philippe : mon ami d’enfance avec qui j’ai fait une précédente expédition en Islande 1989, mais en ce moment un peu agacé envers moi. Heureusement il a tout un répertoire de blagues cochonnes qui nous font marrer.
  • Arturo : Chilien très sympathique, mais de loin le plus âgé d’entre nous, il n’a pas du tout envie de se faire mal. C’est lui qui aura donc le sac le moins lourd, et il est très lent pour préparer ses affaires.
  • Marc : ravi, mais vaguement inquiet de ce qui l’attend (c’est sa première expédition) : la faim, la fatigue…
  • Moi : Hâte de partir dans la « wilderness » et d’en baver.
Vols Anchorage- King Salmon par Alaska Air 4203, puis King Salmon- Brooks Lodge par Pen. 833 (en hydravion).

Nous embarquons dans l’avion à 15h, mais il reste cloué au sol pendant deux heures. Les hôtesses sont charmantes, je joue aux échecs et je lis Moravagine de Cendrars.

Enfin le départ. Vu d’en haut le paysage de toundra est superbe, sillonné de rivières lentes et sinueuses, des arbres clairsemés, des étendues d’eau.

Arrivée à King Salmon vers 19h. Le pilote de l’hydravion nous attend pour Brooks Lodge. Vol d’une heure assez folklorique, comme d’habitude j’ai le mal des transports mais la vue aérienne vaut le coup d’œil.

Embarquement, non pas pour Cythère, mais Brooks Lodge.

Arrivée à Brooks Lodge à la tombée de la nuit. L’hydravion nous dépose directement sur la plage du camp. Celui-ci est très bien organisé, il y a des petites constructions en bois pour mettre la nourriture en hauteur à l’abri des ours.

A Brooks Lodge, « il y a des petites constructions en bois pour mettre la nourriture en hauteur à l’abri des ours. »

Nous allons nous promener du côté du petit pont suspendu. Au loin on aperçoit un gros ours à quelques mètres d’un groupe de visiteurs dont certains décampent à toute vitesse (chose justement à ne pas faire), et d’autres qui s’approchent pour prendre des photos sans respecter les consignes de distance : 50 mètres. Non pas tellement pour le danger, mais pour ne pas empiéter sur l’espace vital de l’ours, ne pas perturber ses habitudes et par conséquent ne pas modifier son comportement face aux humains.

Les ours se promènent librement dans le camp.

Comme nous avons mangé dans l’avion, nous sautons le repas du soir et nous nous endormons vite. C’est infesté de moustiques, il n’y a pas de vent, la température oscille entre 12 et 18°C.

Carte de la région. A partir de Brooks Camp, il faut atteindre Three Forks par le sentier forestier afin de pénétrer dans la Vallée des 10 000 Fumées.

La suite est ici

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