L’ensemble de la science est lié à la culture humaine en général, et les découvertes scientifiques, même celles qui à un moment donné apparaissent les plus avancées, ésotériques et difficiles à comprendre, sont dénuées de signification en dehors de leur contexte culturel. Une science théorique qui ne serait pas conscience de ce que les concepts qu’elle tient pour pertinents et importants sont destinés à terme à être exprimés en concepts et en mots qui ont un sens pour la communauté instruite, et à s’inscrire dans une image générale du monde, une science théorique où cela serait oublié et où les initiés continueraient à marmonner en des termes compris au mieux par un petit groupe de partenaires, serait coupée du reste de l’humanité culturelle, vouée à l’atrophie et à l’ossification.
Erwin Schrödinger, 1952
Ce qui veut dire, à mon sens, qu’il y a d’abord un “vécu sensible expérimenté”, en réalité intraduisible, et ensuite seulement des représentations langagières associées. Si la chose de départ est perdue de vue, alors sa conséquence est dans l’impasse.
Pour Heisenberg, autre théoricien de la physique quantique, la vision d’une nature probabiliste s’accorderait ainsi à sa sensibilité particulière existante avant tout. Je m’excuse pour Schrödinger, mais je continue à parler de Heisenberg… Il dit lui-même que l’écoute d’un morceau de musique dans un camps de jeunesse , dans un temps de fortes tensions sociales divergentes de l’immédiate après (première) guerre mondiale, alors qu’il était tout jeune, (son livre “le manuscrit de 1942”, je crois…) lui avait paru être un “phare”, un “pôle”, autour duquel les opposants pouvaient se réunir, ou à défaut regarder dans une même direction l’espace d’un instant.
C’est ce dont nous avons besoin actuellement. Le phénomène “raconté” dans la citation de Schrôdinger est tout entier là, présent bien vivant et compréhensible, si vous m’avez compris!