Ceci est la dixième de mes « Chroniques de l’espace illustrées ». Si vous souhaitez acquérir mon livre dans sa version papier non illustrée (édition d’origine 2019 ou en poche 2020), ne vous privez pas !
Piétons du cosmos
Nous sommes le 18 mars 1965. L’URSS lance le vaisseau spatial Voskhod 2 en orbite terrestre avec deux cosmonautes à bord, dont l’ingénieur Alexeï Leonov. Son nom va entrer dans la grande histoire de l’exploration spatiale. Par l’intermédiaire d’un sas ouvert sur le vide, Leonov, équipé d’un scaphandre, effectue la première sortie dans l’espace. Il y passe une vingtaine de minutes, accroché au vaisseau par un simple cordon.
La télévision soviétique retransmet des images en temps réel de l’exploit. On voit le cosmonaute flotter à côté du sas dans l’espace cosmique. La mission frôle cependant le drame. Une fois dans l’espace, la combinaison de Leonov, trop gonflée par la pression, devient rigide et l’empêche de rentrer par la trappe de sortie. Après dix minutes de lutte fébrile, il réussit à ouvrir une valve pour la dégonfler et peut retourner à bord, pris de vertiges dus à la baisse de pression, mais sain et sauf.
L’événement fait grand bruit. Trois mois plus tard, Edward White fait la première sortie américaine dans l’espace durant seize minutes, s’aidant d’un pistolet à air comprimé pour maîtriser ses mouvements.
Ces deux exploits marquent le début des sorties extravéhiculaires, c’est-à-dire les activités réalisées à l’extérieur d’un véhicule spatial par un astronaute revêtu d’une combinaison. Par la suite et pour des raisons de sécurité, les astronautes effectueront leurs sorties en binôme et resteront attachés au véhicule spatial par un câble, jusqu’à ce qu’en 1984 Bruce McCandless soit le premier à réaliser une sortie autour de la Terre sans être relié au vaisseau, se mouvant dans l’espace au moyen d’un fauteuil équipé de petits propulseurs – auxquels il fallait faire pleinement confiance !
L’Homme n’étant pas du tout fait pour vivre dans le vide hostile de l’espace sans équipements spéciaux, la combinaison est cruciale. L’équipement doit fournir à l’astronaute l’oxygène, évacuer le dioxyde de carbone et la vapeur d’eau expirés, et assurer une protection thermique tout en autorisant une mobilité maximale. S’ajoutent généralement à ces fonctions un système de communications, une protection partielle contre les rayons cosmiques et les micrométéorites, et la possibilité pour son occupant de boire. Le piéton de l’espace dispose alors d’une autonomie de huit heures au maximum pour mener à bien des tâches extravéhiculaires nécessitant un outillage adapté au port de la combinaison.
Les premières femmes à sortir dans l’espace ont été une Russe et une Américaine, et en 1988 ce fut le tour d’un Français, Jean-Loup Chrétien, sorti six heures lors d’une mission de la station spatiale russe Mir.
Les activités extravéhiculaires (en abrégé, EVA) les plus spectaculaires ont évidemment été celles réalisées à six reprises sur le sol lunaire et en duo par des astronautes du programme Apollo. Jusqu’alors, toutes les sorties extravéhiculaires avaient été expérimentales, avec les missions lunaires elles revêtent un caractère scientifique : collecte de roches, dépose d’appareils d’observation, prise de centaines de clichés photographiques. Au total, 14 marches lunaires sont effectuées entre 1969 et 1972. Lors des dernières, les randonneurs parcourent de plus grandes distances en voiture, s’éloignant jusqu’à 7 kilomètres du module d’exploration lunaire. Le dernier piéton lunaire a été un géologue.
Outre les sorties sur la Lune, une autre mission extravéhiculaire a présenté un intérêt scientifique majeur lorsqu’en 1993 il a fallu réparer le télescope spatial Hubble, mis en orbite autour de la Terre à 600 kilomètres d’altitude. Son miroir principal présentait un défaut qu’il fallait impérativement corriger. Durant cinq jours consécutifs, deux astronautes ont enchaîné des sorties d’une durée de six à huit heures, l’opération a été un éclatant succès. Il y a eu par la suite quatre missions de maintenance, la dernière de 2009 ayant permis de remettre quasiment à neuf le télescope.
À ce jour, environ 400 sorties extravéhiculaires ont été effectuées depuis le début de l’ère spatiale, dont un peu plus de la moitié consacrée à l’assemblage et à la maintenance de la Station spatiale internationale.
La sortie la plus récente s’est déroulée le 22 mars 2019. Anne McClain et Nick Hague se sont aventurés durant six heures trente dans le vide spatial pour installer des batteries au lithium destinées à remplacer les anciennes. Plusieurs sorties sont prévues pour remplacer à terme toutes les batteries de la station.
Les sorties extravéhiculaires constituant l’aspect le plus spectaculaire des vols spatiaux, on les retrouve dans un certain nombre de récits et films de science-fiction. Au cinéma, 2001 : l’odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick, tourné en 1968 en pleine période de conquête de la Lune, a marqué les esprits autant par les images que par le silence de la bande-son exprimant celui qui est ressenti dans l’espace. Plus récemment et tourné pour l’essentiel en images de synthèse, le film Gravity, d’Alfonso Cuarón, a accordé une grande place aux activités extravéhiculaires, qui, aux dires même de plusieurs astronautes, ont été reconstituées de façon très réaliste. Noter cependant que, contrairement au scénario du film et fort heureusement, aucun accident mortel ne s’est jamais produit lors d’une sortie dans l’espace.
Superbe chronique retraçant les moment importants !
Bonjour!
Et si le “piéton du ciel” justifiait par une belle anagramme une “pointe lucide”?
Faire une sortie au grand bal de “La nuit des étoiles filantes” pour danser, anagramme oblige, avec des “lointains satellites de feu”, Monsieur Luminet, pourquoi pas?
Seulement, il ne faudrait pas oublier tous les piétons d’ici-bas confinés, qui font tapisserie dans leur espace réduit.
Les gens d’en bas, ne sont pas à la noce tous les jours par les temps qui courent, et nos vulgarisateurs scientifiques, aussi brillants soient-ils, dans leur vérité univoque et définitive des faits, laissent filer la misère dans nos tristes vallées, sans pour autant se porter au secours de l’humanité souffrante.
Le petit peuple qui n’a pas d’argent pour faire le grand voyageur, regrette, peut-être, à sa façon, une étoile disparue. Autrement dit, il désire…
Engin interplanétaire ou bathyscaphe au fond des abysses…Qu’en ressort-il finalement? Des considérations pour faire des livres et des articles dans les journaux?
Stone, le monde est stone et les pythies de nos grands penseurs démasquant le réel, sont à des années-lumière de tous nos arias.
Autant terminer ce petit commentaire sur une espérance folle avec la conclusion de la thèse d’une bellétrienne bernoise :
“Tout reste donc à construire, et rien, sinon nous-mêmes, ne nous empêche d’améliorer notre condition . Tout nous pousse ainsi à envisager l’avenir avec confiance et optimisme. Chaque esprit est à même d’imaginer une étincelle qui, assemblée aux autres, finira par faire jaillir la lumière.”
Alors, qu’elle soit, palsambleu!
Gérard
De toute façon on va tous mourir, c’est pourquoi on ne peut pas éviter de se tourner vers l’inconnu.
Merci pour cet article de blog !