Langue royale, XII
Triomphal à chaque instant l’aigle doré passe sur tes cheveux
Autre prisme de la vision Bosch aveugle
Tu es une cohue à mon ivresse
Nuit des enfantements noirs qui s’attachent aux étoiles de sang
Urne du septénaire de la terre contrainte au silence
Le pardon ne lève pas les actes
Transfigurer ce pan de muraille avant que les éboulements
Y fassent obstacle
Que les glissements immémoriaux de terrains et la grande opacité
Ennemie absolue des hommes
Ne dissolvent la cohorte des piédestaux et des statues
La chair la chair sacrée s’épuise sous l’écorce des harfangs
Stupéfiante prérogative de dévoiler les griffes
De chemins entre tous arbitraires
Forcer la géométrie d’un temps révolu
A travers tous les orifices possibles
Les traînées serpentines de quartz se perdent dans
Ton sable qui brûle toujours
Oh pavois clair frangé d’or
Le temps de reconnaître
Ta torsade éblouissante les poissons de tes jambes
Duvet de ton nid plus frêle jonque chauffée à blanc
Hanches sans globe à l’œil long comme le ciseau d’un sculpteur
Aucun réverbère aucune sirène pour l’avenir
Dans une voiture file un paquet
Tassé dans un coin.
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Langue royale, VIII
Nuit allégorique mue par trois hélices de verre
Voici ce que disent les rivières rieuses :
Le monde n’est pas créé une fois pour toutes
La vie aveuglément recouvre l’intelligence
L’intolérable perte de contact
Et le jour se règle sur le prisme des larmes
Celles qui éclatent sont les plus irisées
Tes yeux de fin d’orage c’est ce croissant pâle
Qui se nacre et s’ardoise aux sept planètes
Comme la cristallisation du vent
Vertigineusement penché
Ton regard se veloute d’une incandescence propre
Ton aile triple est frottée du miel floral
Il y a les crochets des scorpions
Le fondeur des étangs aux dépouilles chéries
Les colonnes liquides porteuses de haches
Poisson lumineux
Une lune à la jonction de tes cuisses
Est le siège de la toute-beauté.
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Langue royale, II
Ces gouttes de lumière qui tremblent au bord de tes cils
Dans un bruit de baiser à caresser les ruines
Route ardente de poussière et d’insectes somnolents
Le ciel la mort sont comme des visages de rapaces
Il est un lieu où s’épuise l’esprit
Parmi l’herbe sèche la splendeur aride de mon sang et les coups sonores
Solitude d’une colonne sous le vol lourd des grands oiseaux
Je n’ai pas de ces illusions auxquelles un homme s’attache
Toute la peur est aux entrailles
Le silence les brefs ruissellements des visages morts
Un certain poids du soleil
Ton absence toute entière livrée aux yeux
Ces commencements et ces fins je te dis que ce sont des corbeaux
Des floraisons de cris et de chairs à la mesure de ma nuit
Le rideau creux des roseaux qu’on voit se durcir dans l’épaisseur du ciel
C’est la sueur qui mouille tes reins
Ma précipitation à vivre enfin
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Extraits de “Noir Soleil“, Le cherche midi éditeur, 1993
La brillance des mots sème des étoiles dans le pourpre de l’âme et de son enveloppe charnelle
Merci Jean pierre Luminet pour ce Noir Soleil
Annick Merlin