Ne manquez surtout pas l’éclipse totale de Lune durant la nuit du 27 au 28 septembre (entre 2 et 6h du matin), dussiez-vous passer une nuit quasi-blanche. Les augures météorologiques sont en effet favorables sur toute la France, et l’éclipse devrait être particulièrement spectaculaire dans la mesure où elle occultera une “super-Lune” (on parle de super-Lune car la taille de notre satellite, en raison de sa distance minimale à la Terre, paraîtra près de 14 % plus grande que d’ordinaire à l’œil nu). Et une belle teinte rouge sang est à prévoir. Teinte, justement, qui a alimenté de nombreuses superstitions et frappé les imaginations…
Pour vous faire patienter, dans ce billet je recense par ordre chronologique quelques grandes éclipses de Lune du passé, qualifiées de “mémorables” parce qu’elles ont été associées à des événements ou à des périodes historiques importants. Certaines d’entre elles ont même pu influencer le cours de l’histoire humaine… Leurs dates sont données dans le calendrier julien jusqu’en 1582, dans le calendrier grégorien après. Le recensement s’arrête au milieu du XIXe siècle, non pas que depuis lors la planète n’ait point connu de grandes éclipses, mais parce qu’à partir de cette époque, la majorité des peuples ont abandonné leurs mythes et leurs superstitions vis-à-vis de ces phénomènes célestes. Ce sont alors les savants qui ont pris le relais de l’histoire, pour fonder, grâce en partie aux éclipses, une nouvelle légende : celle de l’astrophysique moderne, qui a conduit à la connaissance scientifique profonde de notre système solaire.
Canon des éclipses lunaires historiques
27 août 413 av. J.-C., Sicile. Éclipse de Nikias
“Toutes les dispositions avaient été prises et les navires étaient sur le point de prendre la mer, lorsque la Lune, qui se trouvait alors en son plein, s’éclipsa. La plupart des Athéniens, impressionnés par ce phénomène, demandèrent alors aux stratèges de surseoir au départ et Nikias, qui s’adonnait de façon un peu excessive à la divination et aux autres pratiques de ce genre, déclara qu’il se refusait même à ouvrir une discussion à ce sujet, avant qu’on n’eût laissé passer, conformément à l’interprétation des devins, trois fois neuf jours et qu’il n’était pas question qu’on s’en allât avant.”
Thucydide, Histoire de la Guerre du Péloponnèse
On considère Thucydide (vers 460-402 av. J.-C.) comme le plus grand historien de l’Antiquité, pour avoir inventé la critique historique et avoir découvert, vingt siècles avant Machiavel, que le véritable ressort de l’histoire n’était pas la morale, mais la volonté de puissance des individus et des États. Dans son récit de la Guerre du Péloponnèse, Thucydide rapporte deux éclipses qui se déroulèrent durant la lutte qui opposa Athènes et Sparte entre 431 et 404. Athènes, démocratique, inventive et maritime, était tout le contraire de Sparte, belliqueuse, rigide et continentale. La première éclipse, annulaire solaire, eut lieu au cours de l’été 431. L’autre éclipse, lunaire, se produisit exactement le 27 août 413 pendant le siège de Syracuse.
Cette année-là, au cours de la seconde expédition athénienne contre la Sicile, la flotte commandée par Nikias se trouve enfermée plusieurs jours dans la vaste rade de Syracuse, dont la sortie était contrôlée par les Syracusains. Les généraux décident de forcer le passage par surprise. Mais durant la nuit choisie, celle du 27 août 413, se produit une éclipse de Lune. Aussitôt, Nikias, voyant en cette éclipse un avertissement des dieux, suspend les opérations, à la grande satisfaction de ses soldats apeurés. Nikias décide d’attendre la pleine Lune suivante. Ce délai laisse aux Syracusains le temps de comprendre la manœuvre et de renforcer leur barrage. Lorsque la flotte athénienne entreprend enfin de sortir un mois plus tard, elle est refoulée dans la baie et ses troupes sont massacrées. 29 000 soldats périssent et 200 navires sont détruits. Cette défaite a décidé de la chute du berceau de la civilisation occidentale, Athènes, dont l’effondrement final aura lieu en 406.
L’éclipse de Lune de Nikias a eu ainsi une influence historique décisive.
24 novembre 29, Palestine. Éclipse de la Crucifixion ?
“Je placerai des prodiges dans le ciel et sur la terre, du sang, du feu, des colonnes de fumée. Le Soleil se changera en ténèbres et la Lune en sang à l’avènement du Jour du Seigneur, grandiose et redoutable.”
Ancien Testament.
Pierre, dans les Actes des Apôtres, fait également référence à une Lune de couleur rouge sang et à un ciel obscurci. D’après les Évangiles, Jésus fut mis en croix un vendredi après-midi du mois de Nisan, sous le règne de Ponce Pilate. Pour les spécialistes de l’histoire romaine, Pilate a régné entre 26 et 36 (selon notre calendrier actuel). Si l’on interprète les citations des Évangiles par l’apparition d’une éclipse le jour de la crucifixion de Jésus, pour dater précisément l’événement il faut rechercher les éclipses qui furent visibles à Jérusalem durant cette période. La question porte à controverse. Selon certains il s’agirait d’une éclipse de Lune, soit celle du vendredi 7 avril de l’an 30, soit celle du vendredi 3 Avril de l’an 33. Toutes deux correspondent en effet au treizième jour du mois de Nisan. Pour d’autres il s’est agi d’une éclipse de Soleil. Une date proposée fut le 19 mars 33 – toujours pendant le fameux mois de Nisan. Le problème est que cette éclipse fut totalement invisible à Jérusalem, comme le prouvent les reconstitutions astronomiques ! La meilleure concordance est celle d’une éclipse de Soleil visible à Jérusalem le 24 Novembre 29, entre 9h35 et 12h27 heure locale. L’historien grec Phlégon fait d’ailleurs référence à cette éclipse solaire dans son histoire des Olympiades, accompagnée d’un tremblement de terre.
VIe – XIIe siècles. Angleterre. Éclipses du Haut Moyen Âge
Les Chroniques Anglo-saxonnes comprennent de nombreuses références à des éclipses visibles en Angleterre tout au long du Haut Moyen Âge : des éclipses solaires partielles en 538 et en 540, une totale le 1er mai 664, une annulaire visible dans le nord de l’Angleterre le 14 août 733, une autre le 16 juillet 809. Les éclipses de Lune sont également mentionnées, souvent accompagnées de la description caractéristique de sa teinte sanguine : celle de l’an 734, où la Lune parut comme “ trempée dans le sang ”, celle du 23 novembre 755, où, comme le consigne Simon de Durham, “la Lune éclipsée occulta Jupiter”. D’autres éclipses lunaires sont rapportées aux années 800, 806, 829 (“La Lune s’obscurcit la veille de Noël”), 1078, 1110, 1117, 1121, et ainsi de suite.
22 mai 1453, Éclipse de Lune. Prise de Constantinople
La cité de Constantinople, anciennement Byzance, demeura la capitale de la Méditerranée orientale pendant un millénaire. A partir du XVe siècle, l’empire ottoman en pleine expansion décida de la conquérir. Ils en firent le siège en 1402 et 1422, mais en vain, la ville étant ceinte de remparts imprenables. En 1453, les troupes du sultan Mohammed II revinrent au pied des murailles. En plus de leurs 250 000 hommes, les turcs disposaient d’un argument de poids : un nouveau canon de huit mètres, capable de tirer des boulets de 600 kilos. Malgré tout, les défenseurs de la ville, 7000 à peine, repoussèrent trois assauts et purent réparer chaque nuit les murs endommagés. Ils faisaient pleinement confiance en une ancienne prophétie, selon laquelle Constantinople ne pourrait jamais tomber tant que la Lune serait en phase croissante. Or, le 22 mai, la pleine Lune s’engloutit dans les ténèbres d’une éclipse. D’après les reconstitutions astronomiques modernes, la Lune entra dans la pénombre à 16h36 (heure locale), plongea dans l’ombre à 17h45, et ne redevint claire qu’à 21h50. Le moral des assiégés tomba au plus bas. Six jours plus tard, Mohammed tenta un nouvel assaut et réussit, semant la déroute parmi les défenseurs. Le sac de Constantinople qui s’ensuivit fut un grand choc pour la civilisation occidentale.
29 février 1504, Antilles. Éclipse de Lune de Christophe Colomb
Lors de son cinquième voyage aux Amériques, en 1503, Christophe Colomb échoua sur l’île de la Jamaïque. Sa flottille endommagée fut mise en réparation dans la petite baie de Santa Maria, et les vivres commencèrent à manquer. Au début, Colomb et son équipage purent obtenir de la nourriture de la part des indigènes, en échange de colifichets et autres pacotille. A mesure que les mois passaient, les marins se firent plus agressifs. Une partie d’entre eux se mutina et alla tuer des indigènes pour s’emparer de leurs vivres. Les Indiens cessèrent dès lors d’approvisionner les occidentaux. La famine menaçant, l’amiral espagnol conçut un plan ingénieux. Il avait emporté à son bord le Calendarium de l’astronome Regiomontanus, publié à Nuremberg en 1474. Cet ouvrage contenait les prédictions des éclipses de Lune sur plusieurs années. Il annonçait en particulier une éclipse totale de Lune pour le 29 février 1504. Pour les Grandes Antilles, la Lune devait entrer dans la pénombre à 16h53 (heure locale), l’éclipse devait être totale entre 19h18 et 20h06, et sortir définitivement de la pénombre à 22h29 mn. En tout, près de 6 heures de trouble dans l’ordre céleste laissaient le temps à Colomb de monter une véritable mise en scène.
Ce soir-là il demanda à rencontrer le Cacique, à l’heure coïncidant avec le début de l’éclipse. Il annonça que le Dieu des Chrétiens n’aimait pas la façon dont les indigènes les traitaient, et qu’Il avait décidé de supprimer la Lune en signe de désapprobation. A peine avait-il proclamé la disparition de la Lune que l’ombre de la Terre commença à voiler sa face pleine. Terrifiés, les indigènes supplièrent Colomb de restaurer la lumière. L’amiral leur répondit qu’il devait se retirer pour conférer avec son Dieu. Il s’enferma dans sa cabine durant une heure cinquante minutes; son Dieu était en l’occurrence un sablier permettant de chronométrer l’éclipse. Juste avant la fin de la totalité, il réapparut et annonça que Dieu accorderait son pardon et permettrait à la Lune de reprendre sa place dans le ciel à condition que les Chrétiens fussent fournis en vivres. La Lune reparut aussitôt. Subjugués, les indigènes subvinrent alors aux besoins de Colomb et de son équipage, jusqu’à ce qu’ils puissent réparer et retourner en Europe.
1500 – 1530, Allemagne. Éclipses de l’Astronomie des Césars
Après avoir enseigné l’astronomie à l’empereur Charles Quint, Petrus Apianus lui dédicaça en 1540, ainsi qu’à son frère Ferdinand, son œuvre majeure, nommée pour la circonstance L’Astronomie des Césars (Astronomicum Caesareum). L’empereur finança l’impression, offrit à Apianus une grosse somme d’argent et le nomma mathématicien de la cour.
L’Astronomie des Césars se distingue comme un chef-d’œuvre de l’astronomie et de l’art de l’impression. Colorié à la main, l’ouvrage utilise très ingénieusement des disques mobiles appelés “ volvelles ”, permettant de calculer avec une précision remarquable la position et le mouvement des corps célestes. Il comporte notamment 5 planches à volvelles consacrées à diverses prédictions remarquables sur les éclipses. Charles naquit le 24 février 1500 et fut élu empereur en 1519. Ferdinand, né le 10 mars 1503, devint roi de Bohème en 1526, roi de Rome en 1531, et après l’abdication de son frère Charles, empereur en 1556. Ces dates jouent une part importante dans les développements astrologiques du livre, car les existences des deux monarques sont sans cesse utilisées comme exemples d’utilisation des cartes mobiles.
1863, Chine, et 1885, Soudan. Les éclipses fatales du général Gordon
Au milieu du XIXe siècle, le général anglais Charles Gordon fut chargé par les puissances occidentales d’aider l’empereur de Chine et sa dynastie Ch’in à lutter contre la Révolte Taiping. Gordon dirigeait une armée de mercenaires chinois et remportait victoire sur victoire, jusqu’à ce que le 25 novembre 1863, une éclipse partielle de Lune effrayât ses troupes devant le siège de Soochow, en Mandchourie. Les Chinois, superstitieux, prirent l’événement pour un présage défavorable envers l’Empereur, censé être le représentant terrestre de l’Ordre Céleste. Soochow ne fut pas conquise et la Révolte Taiping obtint une paix à l’amiable. Ce fut la première défaite du général Gordon, due à une éclipse.
Une autre, solaire cette fois, causa carrément sa perte. En 1885, il dirigeait la défense de Khartoum, la capitale du Soudan, attaquée par un chef religieux charismatique, le Mahdi. Une éclipse de Soleil survint et démoralisa les troupes indigènes de Gordon. La cité fut prise d’assaut avant que les troupes britanniques n’arrivassent en renfort. Le général anglais n’échappa pas au massacre.
4 juillet 1917, Égypte. Éclipse lunaire de Lawrence d’Arabie
Durant la Première Guerre mondiale, Thomas Edward Lawrence – plus connu sous le nom de Laurence d’Arabie – conseilla les Arabes dans leur révolte contre l’empire Ottoman – allié de l’Allemagne. L’un de ses plus grands exploits guerriers fut la prise d’Aqaba, un port fortifié de la Péninsule du Sinaï, avec une petite troupe de 50 Bédouins. Dans Les Sept Piliers de la Sagesse, Lawrence rapporte comment une éclipse de Lune l’aida à conquérir le premier poste de défense, Kethira :
“ D’après mon agenda il y aurait une éclipse. Elle vint à l’heure, et les Arabes forcèrent la position sans aucune perte, tandis que les soldats superstitieux tiraient des coups de feu en l’air et frappaient des pots de cuivre pour secourir le satellite menacé”.
Aqaba fut pris quelques jours après. Grâce à ce port stratégique tombé aux mains des Britanniques, Jérusalem et Damas furent bientôt récupérées pas les Alliés. Les soldats turcs avaient eu une raison supplémentaire pour s’effrayer de l’éclipse : selon une tradition islamique, le Jour du Jugement Dernier serait associé à une éclipse en plein mois de Ramadan. Cela avait précisément été le cas.
Merci pour cet article sublime.
On patiente de bon cœur en votre compagnie !
nuit – 1 …
Avez vous vu l’éclipse de lune de septembre 2015 ?
En RD Congo Province de Bandundu territoire d’Idiofa, la terre a absorbé une grande partie de la Lune 02heure, avant 30minute avant la lune était déjà Prèsque à la porte d’être disous dans la terre.