- Editeur : JC Lattès (15 avril 2015)
- Collection : Romans historiques
- 315 pages
- ISBN-13: 978-2709644839
- Egalement disponible en format Kindle
Il s’agit de mon septième roman d’histoire des sciences, contant cette fois un épisode peu connu mais fascinant de l’astronomie arabo-persane. Situé dans la première moitié du XVe siècle, il s’insère chronologiquement entre “Le bâton d’Euclide” et “Le secret de Copernic“.
Voici la présentation de l’éditeur :
En 1429, Samarcande, escale majeure de la route de la soie, connaît une animation encore plus vive qu’à l’ordinaire. Le plus grand observatoire jamais conçu vient d’être inauguré. Les ambassadeurs du monde entier vont contempler un immense sextant de 40 mètres de rayon plongeant dans une fosse vertigineuse, un gigantesque cadran solaire dont les parois externes sont couvertes d’une vaste fresque représentant le zodiaque, et une terrasse qui abrite les plus perfectionnés des instruments de mesure du temps et de l’espace : sphères armillaires, clepsydres, astrolabes…
Le promoteur de ce prodige architectural, mais aussi le directeur de l’observatoire n’est autre que le prince et gouverneur de Samarcande, Ulugh Beg, le petit-fils du conquérant redoutable qui mit tout l’Orient à feu, de l’Indus au Jourdain : Tamerlan.
Amoureux des sciences et du ciel, piètre politique et militaire – ce qui lui vaudra sa mort –, Ulugh Beg, entouré des meilleurs astronomes de son temps, va calculer la position de mille étoiles et rédiger un ouvrage majeur : les Tables Sultaniennes qui fascineront les savants, les lettrés et les voyageurs du monde entier.
C’est l’histoire totalement hors du commun de ce savant poétique et rigoureux que Jean-Pierre Luminet nous invite à découvrir dans une fresque romanesque épique, au cœur d’un monde de grandes étendues désertiques, de cités au raffinement incomparable et de guerres permanentes où, cependant, l’homme continue plus que jamais sa conquête de la science et des étoiles.
Extrait du chapitre 11
Ils commencèrent par étudier les plans de l’observatoire de Maragha, achetés par Al-Kashi au libraire de Chiraz. Il les avait déjà largement annotés et commentés.
— Voyez, dit le jardinier de Kashan en montrant du doigt un détail d’une feuille jaunie qui avait pris l’aspect d’un vieux parchemin chargé de gloses à l’encre fraîche. C’est dans le corps du bâtiment principal que Nasir al-Tusi avait choisi d’ériger le quadrant de quarante coudées de rayon qui fit sa gloire. Notez la disposition semi-enterrée de l’instrument. Elle favorise une taille maximale de l’arc de cercle, tout en évitant la construction d’un édifice trop élevé.
Ulugh Beg et Qadi-Zadeh, aussitôt imités par deux autres savants astronomes qui avaient été convoqués à la réunion, opinèrent du menton. Seul l’architecte de Delhi, qui avait travaillé sur le mausolée de Tamerlan et la rénovation du Reghistan, resta de marbre.
— Evidemment, intervint Qadi-Zadeh, la partie enterrée, bien que plongée dans l’ombre, sert aussi à la mesure des hauteurs astrales ; elle doit être accessible aux astronomes à l’aide d’une rampe.
— Evidemment, renchérit Ulugh Beg qui souhaitait montrer qu’il n’était pas en reste dans la compréhension du fonctionnement de l’instrument. La partie basse du quadrant permet de mesurer les hauteurs astrales élevées au-dessus de l’horizon, et la partie haute les hauteurs basses… si je puis dire.
— Comme vous ne l’ignorez pas, enchaîna Al-Kashi, plus l’arc de cercle est grand, plus fines sont ses graduations.
— Pouvez-vous nous donner des chiffres précis ? demanda l’un des astronomes.
— Bien entendu, répondit Al-Kashi en haussant les épaules, tout en brandissant péremptoirement un autre feuillet tout aussi jauni et gribouillé. J’ai ici le schéma de l’instrument dessiné par Al-Urdi. J’ai calculé qu’un degré d’arc correspondait à sept paumes et demi ; il avait donc été possible de le graduer en trois-cent soixante parties, chacune représentant dix secondes d’arc.
— Pour notre Observatoire il faudra faire mieux, dit Ulugh Beg. Que diriez-vous d’un quadrant de quatre-vingts coudées de rayon ?
Al-Kashi émit un sifflement appréciatif.
— Fichtre, nous aurions en effet une graduation deux fois plus fine… Pas encore l’épaisseur d’un crin de cheval, mais presque !
— J’imagine qu’en dehors du quadrant, poursuivit Ulugh Beg en souriant des façons peu protocolaires du Jardinier, les astronomes de Maragha utilisaient d’autres instruments. Je pense à des sphères armillaires équipées de viseurs, à des astrolabes, à un gnomon. Sans oublier le quadrant azimuthal et la machine parallactique, ces deux instruments que le génie d’Al-Tusi avait conçus, et qui nous seront indispensables pour mesurer simultanément l’altitude et l’azimuth.
— Je suis heureux de constater que mon prince, en plus d’être un souverain généreux, est aussi un astronome accompli, approuva Al-Kashi. Sur cette partie du plan, vous pouvez en effet constater que le toit plat qui recouvrait le quadrant de l’observatoire à Maragha formait une terrasse partagée en sections, chaque emplacement correspondant à un instrument dédié à un type particulier de mesures. J’ai donc rajouté sur le plan mes propres croquis, afin de…
Il fut sèchement interrompu par l’architecte indien. Resté jusque là silencieux, ce dernier commençait à sérieusement se vexer de la façon dont ce rustre venu du désert prétendait décider de tout :
— Ces gribouillis de Monsieur Ghiyath masquent par trop le document original. Vous autres astronomes, vous avez le nez dans le ciel et ne tenez aucun compte des réalités matérielles. Moi, j’affirme qu’un quadrant de pierre de quatre-vingts coudées de rayon est impossible à construire. Il s’effondrerait sous son propre poids.
Voyant qu’Al-Kashi s’apprêtait à exploser de colère, Qadi-Zadeh tenta diplomatiquement de ménager les susceptibilités de chacun :
— Il suffirait de transformer le quadrant en sextant pour alléger l’instrument d’un tiers, ce qui apaiserait les craintes de l’architecte. Quant à nous, astronomes, nous admettons qu’un arc de soixante degrés suffirait largement pour viser le Soleil au méridien à n’importe quelle époque de l’année…
— Voilà une idée fort sage, acquiesça Ulugh Beg. C’est décidé, ce sera un sextant, et pour le reste de l’installation, nous suivrons les conseils avisés de Ghiyath.
Ce dernier dut réfréner momentanément sa fureur. Après tout, Qadi-Zadeh avait raison. Un sextant suffirait. Mais avec son caractère bien trempé, il ne put se contenir bien longtemps, et après quelques minutes de discussion il commença à accabler l’architecte de ses sarcasmes, l’accusant d’ignorance et lui recommandant de lire son ouvrage Les clés de l’arithmétique, si toutefois il savait lire.
Sarcasmes qu’il répéta à chacune des nombreuses réunions qui s’ensuivirent, tant et si bien qu’un jour le malheureux Indien se jeta en larmes aux pieds d’Ulugh Beg, le suppliant de le renvoyer sur le chantier de la mosquée de Boukhara, faute de quoi il se planterait, sous ses yeux, un poignard dans le cœur. Comme il s’apprêtait à joindre le geste à la parole, le prince consentit à cette supplique. Mais il n’osa blâmer Al-Kashi pour sa conduite. Malgré son caractère épouvantable, l’homme de l’oasis était indispensable. L’étendue de ses connaissances ne portait pas seulement sur les mathématiques et l’astronomie, mais également sur la mécanique, l’alchimie des métaux… De plus, sans ses talents d’architecte, l’observatoire ne pourrait jamais être construit. Al-Kashi avait donné un aperçu de son savoir dans un de ses ouvrages, de l’équilibre des masses à l’estimation du coût des travaux et du salaire des ouvriers, en passant par la fabrication des céramiques. Il avait même inventé un procédé complexe pour masquer les bords et les joints d’un édifice. Le jardinier de Kashan devint ainsi le maître d’œuvre du futur observatoire de Samarcande.
Bravo encore pour ce bel effort d’avoir écrit… non, ce ne sont pas des efforts mais des beaux gestes n’est-ce pas ? et de mon côté je viens de précommander votre livre sur amazon.
Merci Guillaume! Prenez soin aussi de vos propres écritures.
Excellent comme à votre habitude !
Encore merci pour ce blog.
Bonjour,
étant toujours attentif à votre actualité et à vos
écritures, je prends cette fois le temps de vous adressez
mon admiration envers votre travail depuis, maintenant,
36 ans.
J’aimerais simplement vous poser une question sur
les trous noirs :
-A cette adresse : ” http://cdn.slashgear.com/wp-content/uploads/2015/02/lovelytries.jpg “, on peut voir 4 disques d’accrétions de
différentes tailles, inclinaison,etc… Laquelle serait la plus juste et la plus cohérente selon vous ? (d’un point de vue graphique)
En vous remerciant,
Thomas
Toujours dans l’excellence cher monsieur !
Bonne continuation, Bise.
Après avoir lu toutes les histoires fascinantes des livres précédents, je suis impatient de lire la traduction italienne.
Merci!
Moi aussi cher Gianpietro… Mais cela dépend de mon éditeur, pas de moi!
Superbe roman.
Pouvez-vous développer S.V.P le passage p193.
… Le prince avait réaménagé sa cité pour qu’elle devienne en quelque sorte le miroir, au sol, du zodiaque dans les cieux…le désormais recteur de l’université de Samarcande l’avait découvert en regardant du haut de la madrasa la composition des dallages de la place centrale, puis en examinant les céramiques aux motifs d’étoiles d’or sur fond bleu couvrant le fronton des porches d’entrée, enfin sur les plans de la cité qu’Ulugh beg avait reconstruite et recomposée.
Si j’ai vu des photographies des étoiles à 5,6,8 et 16 branches de la madrasa d’Ulugh Beg, je suis incapable de voir un lien quelconque avec le zodiaque surtout de l’époque à partir du plan de la Samarcande timouride trouvé sur :
http://www.akdn.org/publications/hcp_samarkand.pdf
Par contre, l’astrophysicien que vous êtes, peut m’éclairer!
Un autre lien intéressant trouvé sur internet:
http://jalle-astro.fr/wp/demonstration-de-la-maquette-observatoire-de-samarcande/
Cordialement,
Merci beaucoup pour votre appréciation positive. J’espère ne pas trop vous décevoir à propos du lien présumé entre le zodiaque et le plan de la ville : cela fait partie des quelques inventions romanesques que je me suis permises…
Vos références web sont très intéressantes, merci.
Je rentre d’Ouzbékistan, ou j’étais partie chercher d’éventuels rubans de soie, mais sur de somptueuses robes de soie, les rubans sont en cotons ! (http://www.rubans-creations-lorella.com). Pas déçue pour un sou, je suis revenue aussi avec une immense curiosité pour Ulugh-Beg …. mon guide, très instruit, m’en parlait beaucoup et j’ai vu l’observatoire (ce qui reste) de ce savant. Depuis hier je cherche de la littérature sur ce sujet, et je vous trouve ! (et ce n’est pas grâce à Dieu ! ….).Vous allez combler, avec votre roman, le vide immense de ma culture, je le sens.
Ravi de vous compter comme lectrice! De quoi prolonger la magie de votre séjour, peut-être.