Les Chroniques de l’espace illustrées (14) : La navette spatiale

Ceci est la quatorzième de mes « Chroniques de l’espace illustrées ». Si vous souhaitez acquérir mon livre dans sa version papier non illustrée (édition d’origine 2019 ou en poche 2020), ne vous privez pas !

 

 

La navette spatiale

Début 1969, en pleine euphorie de la réussite des missions lunaires, la Nasa étudie la suite à donner au programme Apollo. Plusieurs propositions sont élaborées en interne : station spatiale, base lunaire, expédition vers Mars, navette spatiale. Mais la guerre du Vietnam pèse lourdement sur les budgets. La Nasa est consciente de la nécessité de baisser les coûts. Jusqu’à présent, les fusées, capsules et vaisseaux n’étaient prévus que pour une unique utilisation. L’agence américaine persuade le Congrès, dispensateur de crédits, qu’un véhicule spatial réutilisable va faire tomber le prix des lancements de fusées et stopper les ambitions des rivaux européens et soviétiques.

C’est ainsi que naît la navette spatiale, véritable chef-d’œuvre de technologie fondé sur un modèle d’avion classique avec ailes delta à profil évolutif.

Premières esquisses de la navette spatiale américaine (NASA, années 1960)

Le décollage de la première navette Columbia, le 12 avril 1981, est un grand moment télévisuel. La puissance des boosters à la mise à feu est impressionnante. Après quelques manœuvres en orbite, l’avion-fusée atterrit deux jours plus tard sur une base aérienne. Pour la première fois, un équipage revient de l’espace et se pose de la même manière qu’un avion sur une piste. C’est un succès, malgré le grand nombre de tuiles de la protection thermique endommagées.

Décollage historique de la navette Columbia le 12 avril 1981
A gauche, les astronautes John Young et Robert Crippen dans le poste de pilotage de Columbia lors de son premier vol. A droite, retour sur Terre après le vol inaugural. © Nasa

Cinq modèles de navettes seront fabriqués et voleront entre 1981 et 2011 : Columbia, Discovery, Challenger, Atlantis et Endeavour.

À leurs débuts, leur mission consiste essentiellement à lancer des satellites commerciaux civils et surtout militaires. Elles placent aussi en orbite haute d’importants télescopes spatiaux, comme le fameux Hubble Space Telescope et le satellite à rayons X Chandra.

La navette Discovery, décolle du Centre spatial Kennedy le 24 avril 1990, emportant dans sa soute le télescope spatial Hubble.

À la fin des années 1990, leur objectif principal devient la desserte de la station spatiale russe Mir, puis l’assemblage en orbite des composants de la Station spatiale internationale.

Mais au-delà de ses succès scientifiques, le programme va s’avérer être un échec retentissant, à la fois psychologique et commercial. Psychologique d’abord, à cause de deux drames. En 1986, la navette Challenger, emmenant sept astronautes, explose soixante-treize secondes après son décollage. Le choc est d’autant plus rude dans l’opinion publique que ce tir était plus médiatisé que les précédents en raison de la présence à bord de la jeune institutrice Christa McAuliffe. L’armée américaine se retire du programme et les navettes sont interdites de vol pendant deux ans et demi, le temps de les améliorer. Un second drame a lieu en 2003 : la navette Columbia se disloque lors de son retour au sol, tuant également les sept astronautes du bord.

Explosion de la navette Challenger peu après son décollage le 28 janvier 1986

Échec commercial ensuite. Les tirs de la navette se sont finalement révélés plus coûteux que ceux des fusées classiques. C’est que, non seulement elles ne sont pas remises en état aussi vite qu’espéré entre deux vols, mais le prix des réparations se révèle prohibitif, au point que l’Amérique finit par renoncer à lancer des satellites civils et militaires par ce moyen. La décision est prise de mettre à la retraite la flotte des navettes. Le dernier vol a lieu en juillet 2011.

La navette Atlantis a accompli le dernier vol de la flotte en juillet 2011 pour ravitailler la station spatiale internationale (mission STS-135).

Au total, les cinq navettes spatiales américaines auront effectué 135 vols sur une période de trente ans.

Les autres nations spatiales ont développé plusieurs projets de navettes, mais la plupart ont été abandonnés en raison de leur complexité et de leur coût prohibitif. Ce fut notamment le cas d’Hermès, projet de navette européenne qui devait être lancée par la fusée Ariane 5.

En 1988, les Soviétiques ont réussi à lancer une navette entièrement automatisée, sans équipage à bord. Mais à cause de l’effondrement de l’URSS, le programme n’a pu être continué. La navette Bourane est devenue propriété du Kazakhstan, incapable économiquement de l’utiliser. Signe de décrépitude, Bourane a été détruite en 2002 lorsque le hangar dans lequel elle était stockée s’est effondré…

La navette russe Bourane sur le dos de l’avion géant Antonov

Depuis, le seul avion spatial piloté et réutilisable à avoir réussi un vol suborbital a été réalisé en 2004 par une entreprise privée. Le vaisseau SpaceShipOne a atteint l’altitude de 111 kilomètres avant de se reposer sur sa base de lancement. Ce succès a initialement semé l’espoir d’un développement commercial du tourisme spatial, mais celui-ci se heurte depuis à une suite d’échecs et de déconvenues.

Le vaisseau SpaceShipTwo de Virgin Galactic, firme du milliardaire britannique Richard Branson, s’est écrasé le 1 novembre 2014 dans le désert de Mojave en Californie, faisant un mort et un blessé grave et infligeant un sérieux revers au rêve du tourisme dans l’espace.

Une réflexion sur “ Les Chroniques de l’espace illustrées (14) : La navette spatiale ”

  1. Bonjour!
    Le temps qui passe nous invite à prendre des notes et à lire les chroniques du cosmographe poète.

    On a tous quelque chose en nous d’un historien…

    Un spectateur qui regarde les misères du monde avec ses terribles souffrances…Et l’argent jeté par les hublots!

    Sans oublier ces aventuriers de l’espace, morts pour rien.

    Monsieur Luminet qui connaît la nuance entre le superbement poétique et le physiquement correct (Prélude à “L’écume de l’espace-temps”) et apprécie les anagrammes, sait avec E.Cioran que “La terre est une charogne cosmique”. Et dans ces lettres entre guillemets permutées, on trouve “cet os sacré que ronge l’être humain” (R. Enthoven, J.Perry-Salkow)

    Que peut la feuille de la sagittaire mentionnée par G. Bachelard dans “La terre et les rêveries de la volonté”, p.245, face à tous ces débris de métal?
    Pourquoi faire la navette entre terre et ciel si ça ne change rien à notre chienne de vie?
    Certes, on connaît la chanson et plus d’un “dans le coup” va hausser les épaules!
    A quand des hautes sphères, une balade des gens heureux?

    Kalmia

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