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L’univers holographique (4) : La conjecture de Maldacena

Suite du billet précédent : L’univers holographique (3) : De l’entropie à l’hypothèse holographique

Juan Maldacena en 2013
Juan Maldacena en 2013

Confrontés à la difficulté d’appliquer le principe holographique à un modèle d’univers réaliste, les physiciens se sont tournés vers des modèles d’univers simplifiés, dans lesquels le principe pourrait s’appliquer. La première réalisation concrète a été l’œuvre du jeune chercheur argentin Juan Maldacena qui, en novembre 1997, publia un résultat étonnant, assorti d’une audacieuse conjecture mathématique[1].

Considérant un trou noir dans un modèle d’espace-temps à cinq dimensions macroscopiques caractérisé par une géométrie dite anti-de Sitter, il montra que les détails des phénomènes se déroulant dans cet univers, décrits par la théorie des cordes et incluant donc la gravitation, étaient entièrement codés dans le comportement de certains champs quantiques (non gravitationnels) se déroulant sur la frontière quadridimensionnelle de cet univers.

Vue d'artiste de l'équivalence
Vue d’artiste de l’hypothèse de Maldacena

L’espace-temps de de Sitter est une solution exacte des équations de la relativité générale ordinaire découverte dès 1917, vide de matière mais qui comprend une force répulsive appelée constante cosmologique, de valeur positive ; si maintenant on change le signe de la constante cosmologique, la force de répulsion devient attractive et le modèle se transforme en un espace-temps anti-de Sitter[2] . Ce dernier acquiert une géométrie spatiale hyperbolique (c’est-à-dire de courbure négative) et, bien qu’il soit infini, possède un « bord » bien défini. Pour représenter ce bord, on utilise la représentation de Poincaré du disque hyperbolique qui, à l’aide d’une transformation conforme conservant les angles mais pas les distances, ramène l’infini à distance finie. L’artiste néerlandais Mauritz Cornelius Escher a créé une célèbre série d’estampes intitulées Circle Limits dans lesquelles il utilise la représentation de Poincaré, voir par exemple [3].

Poincaré representation of the hyperbolic disc.
Représentation de Poincaré du disque  hyperbolique.

Circular Limit III, zn engraving by M.C.E. Escher, using the Poincaré representation of hyperbolic space.
Circle Limit III, une gravure de M.C.E. Escher utilisant la représentation de Poincaré de l’espace hyperbolique.
L'esapce anti-de Sitter en dimension 3 se présente comme un empilement de disques hyperboliques, chacun représentant l'état d'un univers 2D à un instant donné. L'espace-temps 3D qui en résulte resemble à un cylindre solide.
L’esapce anti-de Sitter en dimension 3 se présente comme un empilement de disques hyperboliques, chacun représentant l’état d’un univers 2D à un instant donné. L’espace-temps 3D qui en résulte resemble à un cylindre solide.

Pour l’espace-temps anti-de Sitter en dimension 5, noté AdS5, le bord est de dimension 4 et, localement autour de chaque point, ressemble à l’espace de Poincaré-Minkowski, qui est précisément le modèle d’espace-temps plat utilisé en physique non-gravitationnelle. Cela signifie qu’un trou noir dans l’espace-temps anti-de Sitter 5D est strictement équivalent à un champ de particules et de rayonnement existant dans l’espace-temps plat 4D de la frontière. Or, cette dernière description fait appel à des théories de champs quantiques bien connues et maîtrisées, analogues aux champs de Yang-Mills utilisés par exemple en chromodynamique quantique (qui est la théorie de l’interaction forte). Notons cependant qu’aux cinq dimensions spatiales de l’espace-temps anti-de Sitter il faut rajouter cinq dimensions spatiales compactifiées en forme de sphère S5, afin de traiter le problème dans le cadre de la théorie des cordes standard à dix dimensions.

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