Ma vocation première fut le rêve. Non pas la rêverie stérile, mais l’interrogation sans cesse renouvelée devant le mystère de la nature. Je suis né à la campagne, près de Cavaillon, dans un endroit assez isolé, et je passais le plus clair de mon temps, seul, à jouer dans mon jardin. J’ai toujours beaucoup aimé cette solitude qui a développé ma curiosité pour les phénomènes inexpliqués qui m’environnaient. Plutôt théoricien qu’expérimentateur, je n’ai jamais eu l’envie de démonter un poste de radio ; en revanche, la beauté du ciel provençal me portait à la méditation sur de grandes questions : qu’est-ce que le noir ? Qu’est-ce que l’espace ou l’invisible ? Bien des années plus tard, j’ai découvert une magnifique citation d’Héraclite qui est devenue presque une devise chez moi : la nature aime se cacher et l’harmonie de l’invisible est plus belle que l’harmonie du visible. Je m’aperçois a posteriori, quand je réfléchis à tout ce que j’ai pu faire, en sciences et ailleurs, que j’ai toujours travaillé sur cet invisible : par exemple, comment faire jaillir la lumière du noir ? C’est une question de poète autant que d’astrophysicien. D’ailleurs, c’est plutôt la poésie qui fut dans l’enfance mon moyen privilégié d’expression. Toute discipline qui permettait d’exercer une certaine créativité m’intéressait : outre mes carnets de poésie, je faisais du dessin, et plus tard je me pris d’une passion violente pour la musique. Tant et si bien qu’à l’adolescence, de nombreuses possibilités s’offraient à moi. Je n’avais pas de vocation au sens d’un désir enraciné de me diriger vers un métier bien défini. Mais, si je n’avais pas commencé si tard, j’aurais volontiers rêvé de devenir chef d’orchestre ou compositeur. Continuer la lecture