– Qu’est-ce « Dieu » pour vous ?
Je considère que Dieu est une très puissante invention de l’espèce humaine conçue pour briser son angoisse devant la mort et espérer une vie moins difficile dans un hypothétique au-delà. Par la suite, des hommes avides de pouvoir ont instauré les religions et leurs dogmes qui, sous prétexte de définir une morale, n’ont pour véritable but que de contrôler la liberté de pensée des individus.
– Pourquoi « Dieu » (ou pourquoi pas) dans votre vie ?
Après avoir subi dans mon enfance une éducation religieuse, puis être passé par une phase d’agnosticisme, je suis devenu résolument athée. Donc, aucun Dieu, ni dans ma vie de scientifique, ni dans celle d’être sensible. Dieu et la science ne jouent pas sur le même terrain. Il n’y a donc pas à les opposer, ni à les unir. On ne peut pas faire de raisonnement scientifique sur Dieu, encore moins d’expériences ou de recherches de détection. Seules nos convictions nous guident dans notre pensée, nos choix, nos actes.
– Peut-on vivre sans « Dieu » ?
Apprendre à vivre sans Dieu (tout au moins sans un Dieu « personnel » qui s’intéresserait aux individus, entendrait leurs prières et jugerait leurs péchés) me semble être une étape essentielle dans l’évolution de l’être humain. En effet, la philosophie matérialiste – qui n’exclut nullement une forme de spiritualité, laquelle passe plutôt par la pulsion créatrice – conduit à vivre pleinement la seule existence qui nous est donnée. La nature ne se propose aucune fin, et toutes les causes finales ne sont que des fictions humaines.
Cela dit, croit qui veut croire. Pour ma part, si je me passe de l’« hypothèse » Dieu, je suis tolérant envers toute autre façon de pensée, à condition qu’elle ne dévie pas vers un dogmatisme fanatique, lequel ne peut engendrer que terreur et souffrances.
“Dieu et la science ne jouent pas sur le même terrain”. Ça me paraît juste, mais pour beaucoup, le pont qui les sépare est ridicule.
Je pense notamment à ceux qui tentent de démontrer que le Coran avait prédit les modèles cosmologiques actuels, depuis bien longtemps.
Ou d’autres, qui s’emparent des dernières théories physiques, afin de les reformuler à leur sauce. 1+1=Dieu, par exemple.
Toutefois, la religion peut permettre de se forger un caractère éthique. Même si je n’arrive pas à déceler quelle morale peut apporter Moïse en ordonnant le massacre de 3000 innocents (Ex 32, 25-29). Et ce, après voir rédigé les tables de la Loi, alors que le décalogue précisent bien : “Tu ne tueras point”. 🙂
Comme l’avait si bien dit A. Einstein : “Le mot Dieu n’est pour moi rien de plus que l’expression et le produit des faiblesses humaines, la Bible un recueil de légendes, certes honorables mais primitives qui sont néanmoins assez puériles.”
Faudrait-il donc privilégier sa religiosité cosmique ?
En tout cas, merci pour vos billets, qui sont un réel plaisir à lire !
Merci. La lettre complète d’Einstein au philosophe Erik Gutkind se trouve sur http://www.deslettres.fr/lettre-dalbert-einstein-a-erik-gutkind-le-mot-dieu-nest-pour-moi-rien-dautre-que-lexpression-et-le-produit-de-la-faiblesse-humaine/
Par ailleurs, on peut être athée et agir moralement. C’est même plus authentique, car en ce cas on agit de façon désintéressée plutôt que pour gagner des points pour le Paradis.
C’est vrai que c’est toujours mieux de se présenter avec un beau CV devant St-Pierre ! 🙂
Merci pour le lien. (Cette lettre apparaît aussi dans son autobiographie : “Comment je vois le monde”. Me semble t-il).
Et merci également d’avoir pris le temps de répondre.
«Définissez-moi d’abord ce que vous entendez par Dieu et je vous dirai si j’y crois» a dit Einstein. Dans le prologue de l’évangile selon Saint Jean, il est écrit : «Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu… Et le Verbe s’est fait chair». Pour le psychanalyste, Guy Massat, l’anagramme de «Dieu», c’est «vide», le vide qui précède toute création. A la lumière de cette intemporelle acception, diriez-vous, vous, l’éminent spécialiste des trous noirs, j’y crois ?
Il est certain que le scénario de cosmogénèse quantique (naissance de l’univers par fluctuation spontanée de l’énergie du vide quantique) est plus convaincant que celui de la théogénèse classique (un Dieu barbu crée le monde en six jours et se repose le septième).
Et pour paraphraser Maeterlinck : “Le mot vide est comme le mot Dieu; il masque et déguise somptueusement ce que nous ignorons”.
Ça me fait penser à ce poème de Robert Frost, «The secret sits»:
« We dance round in a ring and suppose,
But the secret sits in the middle and knows”.
J’aperçois l’anneau d’Einstein, pas vous?
Merci M. Luminet.
On aimerait entendre ce “parler” plus souvent.
Bonjour ,
Me concernant je n’est pas de problème avec Dieu , car je le regarde tout les jours ( c’est la nature le regard sur l’univers ) je suis donc comme Jean Pierre Luminet en accord et les histoires de religion , comme le père Noël
Toutes ces citations sont-elles de vous M. Luminet ?
La première a un fort impact et est assez directe, c’est tout ce que je voulais entendre
Oui bien sûr. Il s’agissait de réponses à une interview pour un célèbre hebdomadaire … qui ne les a jamais publiées…
Cher Monsieur,
Je suis assez étonné par la certitude sur ce sujet de beaucoup concernant l’existence ou la non existence d’un Dieu. L’immensité de l’Univers visible, la petitesse de ce que même la Voie Lactée représente dans ce vaste ensemble devrait logiquement nous indiquer que, si un Dieu existait, il n’aurait que faire des formes de vie sur cette petite Planète bleue. Ce qui est certain c’est que beaucoup de désastres furent et continuent encore d’être causés par le fanatisme religieux et donc par les religions.
Il existe des techniques de méditation, qui sont des expériences sensorielles qui nous rendent plus respectif et nous révèlent concrètement l’existence de “quelque chose” en nous et autour de nous. Je ne parle pas d’un Dieu barbu, ni de textes religieux, mais d’expérience sensorielle. Croyez-vous en notre capacité sensorielle de découvrir certains mystères, de la même manière que nos capacités intellectuelles permettent à l’homme de découvrir des choses sur la nature de la matière et les origines de l’univers? Nous sommes des êtres intectuels mais aussi sensoriels, alors n’est-il pas logique de penser que nos sens ont également beaucoup de choses à nous révéler?
Je crois bien entendu aux capacités sensorielles. L’approche purement intellectuelle et rationnelle ne suffit pas pour saisir le monde dans toutes ses dimensions, mais nous restons quand même bien loin des concepts théistes ou d’une fantasmatique “vie après la mort”.
Merci pour votre réponse Monsieur Luminet.
A mon humble avis, tout le monde croit plus ou moins en “Dieu” en tant qu’entité originelle, supérieure et inexplicable. Il a bien fallu un souffle divin pour qu’il y ait quelque chose plutôt que rien.
Là où la faiblesse des hommes transparaît, cependant, c’est en effet dans “l’humanisation” de Dieu, pour reprendre Feuerbach. C’est-à-dire croire que les hommes ont crée Dieu à leur image ; c’est-à-dire, comme vous le dites, croire qu’il y a quelqu’un pour veiller sur eux / ou croire qu’ils ont été oubliés par lui, par exemple, alors que “Dieu” est au-delà de notre niveau de conscience. A moindre échelle, c’est un peu comme la tendance à croire que les extraterrestres, s’ils existent, adopteraient les mêmes logiques humaines ; ou, pour rester dans un registre astronomique, la difficulté de nos contemporains à admettre la physique quantique ou à appréhender la notion d’espace-temps (dont j’ai eu moi-même énormément de mal à concevoir).
Enfin, sur la question morale, le point que vous soulevez dans les commentaires est intéressant : en effet, il peut être plus noble d’agir pour le bien sans croire en Dieu, mais deux interrogations surgissent dès lors :
– Qu’est-ce que le Bien ? Il a bien fallu que les hommes le déterminent par référence à une autorité supérieure, sauf à penser, dans une logique nihiliste (ce qui peut se défendre), que le Bien est ce que chacun veut faire (on tomberait cependant sur la question : qu’est-ce que vouloir…)
– Par ailleurs, tous les Hommes seront-ils suffisamment désintéressés pour agir moralement en l’absence de référentiel supérieur ? Cela repose la question de l’intérêt et de ce qu’est, in fine, le Bien…
Bref, vaste sujet, propice à des discussions interminables… mais au fond, ce qui est beau, c’est de pouvoir regarder les étoiles et penser à l’insignifiance des choses, comme dirait le Général de Gaulle ; c’est savoir que nous sommes tous, des “poussières d’étoiles” (des poussières de Dieu, si l’on veut) ; c’est de savoir cette insignifiance, mais vivre quand même, et vivre heureux.
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Je suis un contre exemple. Je ne pense pas qu’il y ait eu une entité originelle.
Si c’était le cas, comment expliquer que cette entité originelle existe plutôt que rien ?
Comment refuser que l’univers n’ait pas de créateur, mais en même temps accepter que le créateur lui-même n’ai pas de créateur.
Si la réponse est “inexplicable”, pourquoi cette réponse ne convient-elle pas tout autant pour l’univers ?
… et on en revient au problème de départ.
Je n’ai jamais pu me résoudre à dire : je suis agnostique. De fait je me sens athée.
Mais nous sommes bien obligés de constater que dieu, et même plusieurs dieux, existent bel et bien. Oui parce que dieu produit des effets sur le monde, bien plus que les neutrinos, l’amour ou Kant.
Je pense comme vous que : “Apprendre à vivre sans Dieu (…) me semble être une étape essentielle dans l’évolution de l’être humain.” Mais nous en sommes tellement loin! Dieu existe donc, à tous les coins de rue, et nous devons encore le … tuer.
Bonjour, je donnerais mon empire (en l’occurrence un double octocore, un piano et un prêt immobilier) pour réussir à transmettre ces interrogations et l’envie d’y répondre à mon fiston.
Merci en tout cas de nourrir les miennes pour l’instant !)
Bien relativement cordialement.
Re bonjour M. Luminet
pour information, wordpress refuse les url en comment, nous ne pouvons donc pas vous donner l’url de notre éventuel site, comme vous le proposez.
Ce qui ne m’empêchera pas de vous répéter mes remerciements pour les heures à vous lire ou à vous écouter.