Féminisme devenu de nos jours quasiment obligatoire et dans tous les milieux, dont celui de la musique classique qui m’est si chère, on met désormais très en avant des musiciennes et compositrices, pour la plupart oubliées ou négligées. Heureusement, c’est parfois salutaire et bien mérité (d’autres fois moins).
Connaissez-vous par exemple Hélène de Montgeroult (1764-1836) ? Compositrice sous l’Empire, elle fut l’élève des très respectables compositeurs Jan Dussek et Muzio Clementi. Mais, tout comme un peu plus tard Clara Schumann, elle se fit davantage connaître comme pianiste. Elle fut la première femme nommée professeur de piano au conservatoire de Paris, joua avec de nombreux virtuoses de son époque et devint une familière de Madame de Staël.
Dans ses Souvenirs, Madame Vigée-Lebrun écrivit à son propos (en la nommant incorrectement « Montgeron ») : « Pour la musique instrumentale, […] madame de Montgeron vint aussi une fois, peu de temps après son mariage. Quoiqu’elle fût très jeune alors, elle n’en étonna pas moins toute ma société, qui vraiment était fort difficile, par son admirable exécution et surtout par son expression; elle faisait parler les touches. Depuis, et déjà placée au premier rang comme pianiste, vous savez combien madame de Montgeron s’est distinguée comme compositeur. »
La preuve de son excellence pianistique nous est donnée par cette étonnante anecdote, racontée dans la deuxième moitié du XIXe siècle par le compositeur Eugène Gautier : en 1793, sous le régime de la Terreur, Hélène de Montgeroult fut accusée de trahison et condamnée à la guillotine. Son ami et fondateur du conservatoire de Paris, Bernard Sarrette, expliqua alors au tribunal révolutionnaire que la mort de Madame de Montgeroult priverait la France d’une des plus grandes pianistes du moment. Pour preuve, on fit venir un piano et elle improvisa sur la Marseillaise d’une manière si convaincante qu’on la relâcha sur le champ !