Une étoile devenue visible à l’œil nu le 21 mars dans la constellation du Sagittaire fait l’actualité astronomique du moment. Repérée pour la première fois le 15 mars par un astronome amateur australien, sa luminosité a augmenté pour atteindre la magnitude maximale de 4,3 (donc repérable à l’œil nu dans de bonnes conditions d’observation). Son éclat s’est mis alors à diminuer, mais elle reste bien visible avec une paire de jumelles.
Elle a été baptisée Nova Sagittarii 2015 No. 2. Il s’agit en effet de ce que les astrophysiciens appellent une nova, étoile dont l’éclat augmente brutalement durant quelques jours. Retour et explications sur ce remarquable phénomène astrophysique.
Des lendemains qui scintillent
Les astres célibataires, à l’instar du Soleil, ne sont pas forcément la règle. On estime que la moitié des étoiles de la Galaxie vivent en couple. Certaines entretiennent même des relations (gravitationnelles) très étroites avec deux, trois, voire quatre partenaires. La naine blanche Sirius B a pour compagnon l’éclatante étoile Sirius, mais leur liaison est trop distante pour influencer sa destinée ; comme une naine blanche isolée, elle est probablement vouée à un inexorable refroidissement. Toutefois, lorsque la vie de couple est plus serrée, le destin d’une naine blanche est transfiguré.
La cause essentielle de ce bouleversement est le transfert de matière entre les deux partenaires. Le compagnon d’une naine blanche, qu’il soit très proche ou qu’il se trouve dans une phase de grande extension spatiale (géante rouge), peut se faire progressivement soutirer son enveloppe par l’attraction gravitationnelle de la naine blanche. Généralement, le gaz arraché ne peut choir directement à la surface de la naine blanche du fait des forces centrifuges engendrées par le mouvement orbital. Il s’accumule plutôt dans une structure plus ou moins aplatie, en orbite autour de la naine blanche, que l’on appelle un « disque d’accrétion ». L’impact sur le disque du courant gazeux en provenance du compagnon produit un échauffement local très important, une tache chaude, qui peut à elle seule briller comme une étoile et révéler indirectement la présence de la naine blanche. Dans d’autres cas, notamment si la naine blanche est fortement magnétisée, le disque ne parvient pas à se former et le gaz est canalisé le long des lignes de champ magnétique en direction des calottes polaires de la naine blanche. Là, il vient s’écraser et produit un rayonnement optique, ultraviolet ou même X qui illumine erratiquement la naine blanche. Celle-ci devient visible sous forme de variable cataclysmique.
À cet état de stabilité toute relative se superposent souvent des épisodes de fièvre intense et subite, connus sous le nom de novæ, les « étoiles nouvelles ». À l’origine, l’expression désignait la classe des astres dont la luminosité se mettait à augmenter brusquement pour décroître ensuite lentement. En fait, les novæ regroupent des catégories de phénomènes assez divers, mais dont le point commun est de mettre en jeu une naine blanche dans un système binaire.
Le mécanisme de la nova est vraisemblablement une explosion thermonucléaire de surface. Du gaz se dépose continuellement sur la naine blanche, où il est comprimé et chauffé par le champ gravitationnel. À un certain stade critique, l’hydrogène – son principal constituant – fusionne de façon brutale et la couche superficielle de la naine blanche explose. Durant quelques semaines, l’astre se met à briller de tous ses feux, signalant sa présence jusqu’aux confins de la Galaxie. Ce fut notamment le cas avec la variable cataclysmique Nova Persei, à environ 1 500 années-lumière, qui, en 1901 calendrier terrestre, apparut fugitivement dans notre ciel comme une étoile de première grandeur. Cette nova classique résultait d’une naine blanche qui avait accumulé à sa surface suffisamment d’hydrogène, arraché à une étoile partenaire, pour déclencher une explosion thermonucléaire. Il reste aujourd’hui une couche de gaz ténu en expansion.
Certaines novæ sont récurrentes, c’est-à-dire que les explosions se produisent à répétition, avec des intervalles de quelques mois. D’autres au contraire n’explosent qu’une fois, mais dans ce cas l’énergie libérée est beaucoup plus grande. L’une des plus brillantes jamais observée, Nova Cygni 1975, a dispensé pendant trois jours l’éclat d’un million de soleils. Cette corrélation entre intensité de l’explosion et période de récurrence confirme le modèle de transfert de masse entre les partenaires, l’énergie libérée étant à la mesure de la quantité de gaz accumulée à la surface de la naine blanche.
Le transfert de masse entre une étoile normale et un compagnon compact joue un rôle crucial dans la plupart des phénomènes astronomiques très énergétiques. Il s’avère qu’une vie de couple très étroite peut aussi permettre à certains trous noirs de manifester avec éclat leur existence, alors qu’isolés ils resteraient parfaitement invisibles…
Un éventail de variables cataclysmiques
Il existe probablement plus d’un million de variables cataclysmiques dans la Galaxie, mais une centaine seulement – celles qui sont suffisamment proches de nous – ont été détectées par leur rayonnement X.
Les premières avaient été découvertes dès le milieu du XIXe siècle grâce à leurs éruptions dans le domaine optique. Depuis que les astrophysiciens ont mis au jour les différents mécanismes qui les alimentent en énergie, ils distinguent plusieurs classes de variables cataclysmiques.
Les plus énergétiques d’entre elles sont les novæ classiques, car elles sont alimentées par la fusion nucléaire. Quand la couche d’hydrogène gazeux qui s’accumule progressivement à la surface d’une naine blanche par accrétion atteint une épaisseur critique, une réaction de fusion se déclenche et produit un intense éclair qui augmente la luminosité entre dix mille et un million de fois. On suppute que le processus peut être récurrent, mais avec un temps de répétition de 10 000 ans, de sorte qu’aucune nova classique n’a été vue deux fois.
Pour les naines blanches massives, l’accrétion répétée de matière, suivie d’éjections seulement partielles du gaz, peut à la longue augmenter leur masse jusqu’à dépasser la fatidique limite de Chandrasekhar. Alors, elles s’effondrent brusquement en étoiles à neutrons tout en déclenchant une violente explosion des couches externes, en un phénomène appelé « supernova de type Ia ».
Les novæ naines sont, elles, alimentées par l’accrétion de gaz. Leur étoile compagnon est une naine rouge à l’atmosphère dilatée, de sorte qu’un courant de gaz tombe de la seconde vers la première, créant un point chaud au point d’impact. Des augmentations soudaines du flot d’accrétion créent des éruptions récurrentes, de beaucoup plus faible amplitude que celles des novæ classiques (d’où leur qualificatif de naines). L’étoile U Geminorum est le prototype de cette catégorie. Sa luminosité optique augmente d’un facteur 100 tous les 120 jours environ, puis retombe à sa valeur normale après une dizaine de jours. D’autres novæ naines entrent en éruption une fois par mois.
À partir de 1976, les astronomes ont découvert que, parmi les plus lumineuses des variables cataclysmiques, figuraient des couples contenant une naine blanche dont le champ magnétique atteint plusieurs centaines de millions de fois celui d’étoiles ordinaires comme le Soleil. Dans ce cas, la matière provenant du compagnon est contrainte de suivre les lignes de champ magnétique. En tombant, elle est ainsi canalisée dans une colonne qui aboutit sur une zone très réduite de la naine blanche, ses pôles magnétiques. Pour cette raison, les variables cataclysmiques magnétiques sont aussi appelées polaires. Le même mécanisme est à l’œuvre sur notre planète lorsque les particules solaires, canalisées par le champ magnétique terrestre, aboutissent sur les pôles Nord et Sud en créant les aurores polaires, spectaculaires et colorées.
Dans le cas des variables cataclysmiques magnétiques, l’énergie concentrée sur les pôles est si élevée que la température atteint plus de 10 millions de degrés et la lumière des aurores est émise non pas en lumière visible, mais sous forme de très puissants rayons X. L’étoile prototype se nomme AM Herculis.