2018 sera-t-elle une année des séismes ?

« 2018 sera-t-elle une année des séismes ? » tel est le titre du dossier scientifique coordonné par Dominique Delpiroux dans « La Dépêche du Midi » du Dimanche 4 février 2018, en pages 2 et 3.

Ce dossier est argumenté par une publication récente :

Bendick R. and Bilham R., Do weak global stresses synchronize earthquakes ? Geophysical Research Letters, 26 August 2017 http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/2017GL074934/abstract

L’idée directrice : un ralentissement infime de la vitesse de rotation du globe emmagasinerait de l’énergie cinétique à l’origine de séismes supplémentaires ?

Dominique me demande mon avis sur cette étude en général et sur les séismes dans la région des Pyrénées en particulier et me donne la parole.

Voici le contenu de mon interview :

« Pas de séisme majeur dans les Pyrénées » Jacques-Marie Bardintzeff, Volcanologue, Dernier ouvrage paru « Volcanologue » L’Harmattan

Que pensez-vous de cette étude américaine qui estime qu’il pourrait y avoir plus de séismes en 2018 ?

Cette étude est très originale, assez nouvelle, et en tant que scientifique, je pense qu’il faut la tester. Je suis curieux d’en savoir plus. Il est vrai que la Terre en tournant est soumise à des ralentissements comme un volant d’inertie : est-ce que ce ralentissement d’une milliseconde par jour peut suffire à se transformer en séisme ? J’observe que l’étude ne prend en compte que les séismes importants, d’une magnitude supérieure à 7, qui peuvent faire beaucoup de victimes. L’étude s’appuie sur des statistiques, qui mettent en évidence un pic tous les 32 ans. Elle présente aussi un côté ambitieux, « chevaleresque », d’annoncer que 2018 sera plus secoué que 2017. Il faut cependant préciser que cette approche est globale, et prend en compte les séismes sur toute la Terre, aussi bien en Alaska qu’en Indonésie. Donc, elle ne donne pas de lieu précis, elle ne prévoit pas un séisme en Chine, en Iran ou ailleurs. Mais en l’occurrence, on voit plutôt que ce sont les zones proches de l’équateur qui sont concernées puisque si la Terre ralentit, ce sera davantage au niveau de l’équateur qu’ailleurs. La moindre variation, comme il s’agit d’une masse énorme, va libérer beaucoup d’énergie.

Est-ce que cette étude peut nous concerner de près ou de loin ?

Disons-le tout de suite : cette étude ne concerne pas les Pyrénées, car elle ne prend en compte que les séismes au-dessus de la magnitude 7. En France, le plus gros séisme récent est celui de Lambesc en Provence en 1909, il était de magnitude 6,2. En métropole, on échappe à tout cela. Les gros séismes de niveau 7 se produisent à la limite des grandes plaques, qui se rapprochent et entrent en collision. Ce sont les grandes chaînes comme les Alpes, côté Italie puis Grèce, Roumanie, puis ça se prolonge jusqu’à la chaîne himalayenne, Afghanistan, Pakistan, Tibet, Népal, Chine… Et puis il y a les endroits où une plaque plonge sous une autre, on appelle cela une subduction : c’est la ceinture de feu du Pacifique, le Japon, l’Alaska, la côte américaine du Nord, le Chili… Là, il y a des séismes très importants. Il y a aussi quelques failles, qui coulissent, comme la faille de San Andreas en Californie (il y a eu un film catastrophe sur TF1 en décembre), la faille anatolienne en Turquie, la faille de la mer Morte et quand ça coulisse, la terre tremble. Nous en France, nous sommes sur une plaque en partie stable, avec des montagnes récentes que sont les Alpes et les Pyrénées, qui continuent à grandir un peu, à s’éroder. Ces grosses masses ne demandent qu’à bouger, donc on a régulièrement des séismes de magnitude 2 ou 3, et 4 plus rarement. Et tous les 20 ou 30 ans, on assiste à un séisme de 5,5, voire 5,6, comme Arette en 1967, qui constitue la référence régionale. Ces séismes peuvent faire quelques dégâts, voire des victimes. On ne peut pas exclure à l’échelle du siècle, un séisme un peu plus important, mais ces régions restent modérément sismiques. Voilà pourquoi cette étude ne nous concerne pas vraiment : entre un séisme de 5, comme en France métropolitaine et un séisme de 7 (comme celui du 12 novembre, qui a fait plus de 400 morts en Iran) il y a 1 000 fois plus d’énergie libérée. On n’entre pas dans la même catégorie.

Recueilli par Dominique Delpiroux

Accéder à l’ensemble de l’article :

https://www.ladepeche.fr/article/2018/02/04/2735467-2018-sera-t-elle-une-annee-des-seismes.html

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