Iles de Sein, d’El Hierro et Monde : “Thalassa” et actualités des 100% EnR

Des actualités de rentrée avec la bonne nouvelle de la prochaine émission vedette autour de la mer « Thalassa » de France 3 qui sera largement consacrée à la saga des EnR (énergies renouvelables) citoyennes sur l’île bretonne de Sein. Pour la première émission de la saison 2017-18, lundi 2 octobre à 20h55 sur France 3, « Thalassa  » mettra le cap à l’Ouest à la rencontre de celles et ceux qui vivent à Sein, Ouessant, Groix et Quéménès au large de la Bretagne. Ce rendez-vous TV, plébiscité par l’audience depuis 1975, sera présenté à partir de lundi 2 octobre par Fanny Agostini, après les décennies à l’antenne du célèbre Georges Pernoud.

“Sein, les nouveaux résistants” : dernier pêcheur en activité, François Spinec est un peu « l’éminence verte » de l’île de Sein. Verbe haut et sensibilité à fleur de peau, il dénonce toutes les aberrations qui font le quotidien de sa terre natale. A commencer par l’approvisionnement en énergie : à Sein, comme dans la plupart des îles françaises, l’électricité provient d’une centrale à fioul, procédé extrêmement coûteux et très préjudiciable à l’environnement. Avec d’autres Sénans il a créé IDSE (Ile de Sein Energies) afin de lancer la transition énergétique déjà réalisée dans d’autres îles européennes (Samsø ou Samsoe au Danemark, El Hierro aux Canaries, Eigg en Ecosse). L’idée fait son chemin et, en attendant d’aboutir, François peut rêver d’hydroliennes, d’éoliennes et de toits solaires qui rendront Sein totalement verte et propre…

François Spinec, patron-pêcheur de Sein à bord de “Patience”, son 10 m de 1982 pour la pêche à la traîne de surface. © Association des ligneurs de la Pointe de Bretagne.

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El Hierro et Monde : le débat autour des aires protégées. Parcs ou réserves ?

L’île d’El Hierro aux Canaries n’est qu’un confetti de moins de 300 km2 perdu dans l’Atlantique, la dernière île des Canaries avant les Amériques, mais le débat qui l’agite – depuis au moins de deux ans de façon évidente mais depuis bien longtemps en fait – est significatif de la problématique mondiale des aires protégées (en espagnol).  Quels statuts faut-il donner à ces dernières : réserves, parcs ou autres ?
Sans remonter trop les âges (les aires protégées étaient les réserves royales de chasse en Europe, les bois sacrés en Afrique de l’Ouest, etc.), le débat actuel est posé dès la seconde moitié du XIXe siècles aux Etats-Unis. S’y affrontèrent les conceptions de John Muir (1838-1914) et de Gifford Pinchot (1865-1946). John Muir est le chantre de la préservation de la nature et il est l’héritier assumé des idées, aussi au sujet du respect envers les Indiens, d’Henry D. Thoreau (1817-1862) et de son mentor Raph W. Emerson (1803-1882).

Pour les plus jeunes, Thoreau est aussi la forte personnalité qui, pour défendre ses idées, allait, dans un souci de cohérence, jusqu’à la prison. Il mit en pratique la désobéissance civile inspirant le professeur charismatique du film « Le cercle des poètes disparus  »).

La cérémonie du premier jour de l’émission du timbre nord-américain de 2017 dédié Henry D. Thoreau et à son oeuvre naturaliste a eu lieu à Walden Pound  (Concord, Massachusetts). Thoreau, né en 1817 en Nouvelle-Angleterre, vécut au bord de l’étang de Walden en 1845-1847 dans une simple cabane. Il tira de cette expérience l’inspiration de son essai « Walden ou la vie dans les bois », devenu mythique surtout dans le monde anglo-saxon.

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El Hierro et France : la roue tournera en voiture électrique

Dans un cadre climatique marqué chez nous en Europe par la seconde vague de canicules mortifères de début août, après celle de juin, il ne faudrait pas oublier l’importance du fait suivant : à l’échelle de la planète, les étés sont de plus en plus chauds de façon indubitable en l’état des connaissances actuelles (en anglais). Le contexte peut se compléter par une analyse récente et assez désespérante des scientifiques qui devrait enterrer l’idée de contenir à +2°C en moyenne l’augmentation des températures terrestres enregistrées.  Un objectif qui subsiste encore dans toute COP (Conference of the Parties ou, en français, Conférence des Etats). Il n’y aurait plus seulement 5% de chances de respecter ce seuil de +2°C sur la Terre au-dessus de la température moyenne de la planète au début de la révolution industrielle. Cette dernière a été fixée à 1880 par commodité car elle est aussi l’année correspondant au début des observations météorologiques fiables à l’échelle du globe.
Agir afin d’abaisser l’émission des gaz à effets de serre devient crucial dans beaucoup de directions. Alain Grandjean, président du groupe de réflexion de la FNH (Fondation pour la Nature et l’Homme, l’ancienne Fondation Nicolas Hulot), écrit ces jours-ci au sujet de la mobilité en France :

« Notons tout d’abord que la question de la voiture individuelle est bien l’un des sujets clefs en matière climatique. Le transport en 2015 c’est 29 % des émissions de gaz à effet de serre de la France… ».

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El Hierro : le boom des EnR, la tradition et la grande fête votive

Tradition est un mot que l’on oppose souvent à modernité. Souvent sans trop réfléchir à mon sens. Ces mots ne sont pas toujours antinomiques loin de là surtout sur les îles.

Attention, il n’y a rien d’original de ma part car je ne reprends que l’esprit des paroles d’une conversation de l’écrivain et universitaire Louis Brigand avec le journaliste Nicolas Bérard de L’âge de faire, un mensuel de la mouvance écologique et le fruit d’une société coopérative et participative.

Le livre qui synthétise, de façon impressionniste, l’expérience d’un connaisseur de l’insularité : ” Besoin d’îles”, Louis Brigand, éd. Stock, 2009.

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El Hierro : 8 jours consécutifs 100% EnR pour 10 000 habitants et leurs activités

Début juin sur l’île d’El Hierro aux Canaries (Espagne) est marqué par le succès de l’alimentation électrique par les EnR à 100%, pendant plusieurs jours consécutifs et sans interruption, de l’ensemble de sa population (10 000 habitants y compris les touristes), de ses activités et infrastructures. Ce résultat tombe à point nommé quelque 3 années après l’inauguration de l’originale centrale électrique le 27 juin 2014 qui fait l’impasse sur le thermique.

Il colle aussi bien avec l’actualité générale : une semaine extrêmement chaude sur l’Europe continentale (en italien) qui pose la question à ses habitants du réchauffement climatique. Pourquoi ? Parce qu’elle se place, au niveau planétaire, après un début de 2017 déjà très chaud (janvier-mars), seulement dépassé depuis 1880 par l’an 2016 mais qui lui-même avait été caractérisé par un El Niño exceptionnel.

Ce fut, dès le 1er juin 2017 à 13h41 (heure locale), que les énergies locales alimentèrent l’ensemble de El Hierro. L’après-midi du 8 juin, les techniciens de Gorona del Viento franchirent le seuil d’une semaine complète d’autonomie énergétique grâce uniquement à des ressources renouvelables, locales et citoyennes. Par exemple, le 5 juin, les 100% EnR furent atteints.
Dans le détail, les 100% EnR furent enregistrés du 1er juin (13h41) au 9 juin (13h52) soit durant 8 jours et 11 minutes, selon les informations de l’ingénieur Tomás Padrón d’El Hierro.

Pour mémoire, le précédent record de fonctionnement continu de l’alimentation électrique de l’ensemble de l’île sans pétrole n’était que de 3 jours et 4 heures.

Ensuite les 11, 12 et 13 juin, les 100% EnR encore furent atteints pendant 44 heures et 32 minutes soit près du 2/3 du temps.

Schéma et localisation de la station hydro-éolienne d’El Hierro aux Canaries qui a garanti pendant plus de 8 jours consécutifs en juin 2017 l’autonomie énergétique de l’île. © El Pais et Gorona del Viento.

Derrière le succès, il y a le savoir-faire que les techniciens ont acquis et la confiance, gagnée jour après jour, auprès de la REE (Red Eléctrica de España – équivalent du RTE français – qui s’occupe exclusivement du transport électrique sur le réseau haute tension). La REE donne une feuille de route journalière à Gorona del Viento, la SEM insulaire, et à Endesa, son opérateur, afin de garantir le service électrique aux infrastructures vitales d’El Hierro : l’hôpital, le port, l’aéroport, les usines de dessalement d’eau de mer, les stations de pompage, etc.

Le parc éolien d’El Hierro. Cette photographie a été utilisée par Tu Sello, un service de la Poste espagnole (Correos España) pour éditer le timbre Premier Jour du 27 juin 2014.

Afin d’être complet, il faut ajouter que la transition énergétique pétrole-EnR ne se fait pas sans problèmes sociaux ; au niveau de l’organisation du travail, la même équipe de l’opérateur Endesa fait fonctionner l’ancienne centrale thermique et la nouvelle hydro-éolienne (en espagnol).

Les droits de la photographie mise en avant – montrant le parc éolien un jour de brouillard – ont été gracieusement cédés par la journaliste Alice Bomboy, venue en juin 2014 travailler sur El Hierro lors de l’inauguration de la centrale hydro-éolienne .

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El Hierro : EnR citoyennes et locales pour plus de 14 millions de bénéfices

Gorona del Viento est la SEM (la Société d’Economie Mixte, en essayant de rapprocher le droit espagnol et français) de l’électricité sur El Hierro qui a conçu et qui pilote la nouvelle centrale hydro-éolienne inaugurée en juin 2014. Dans cette société largement citoyenne, la communauté insulaire (Cabildo de El Hierro) possède 66% des parts et la Région des Canaries (au sens large) 11%, deux garanties de poids afin que l’économie locale soit la bénéficiaire des EnR. Sur El Hierro, les EnR ont généré plus de 14 millions de bénéfices en 2016 – dont 66% resteront sur l’île – à comparer avec les 5 millions de l’année 2015. Derrière la bonté des chiffres, il y a la vitesse de croisière atteinte par la centrale hydro-éolienne.

Vue partielle du parc éolien de Gorona del Viento. Hauteurs de Valverde, El Hierro, Canaries. © A. Pavageau, ENSAM/Club Jeunes IRD.
Explication du fonctionnement des turbines et alternateurs de la partie hydraulique de l’usine de Gorona del Viento. Le 29/04/2016, El Hierro, Canaries. © M. Tapiau, IRD.

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Amérique du Sud : il y a 2500 ans le début du boom de la civilisation Guarani

Pour la première fois, j’ai rencontré le professeur uruguayen José Iriarte de l’université anglaise d’Exeter le 11  mai 2017 à Saragosse. Pourquoi Saragosse ? Parce que j’anime, depuis le début 2006, la partie histoire du climat du programme PAGES (Past Global Changes) Amérique du Sud dit LOTRED et que, tous les quatre ans, nous avons un congrès mondial. Ici, après Goa en Inde en 2013, c’était en Espagne OSM Zaragoza 2017 et tous les résumés des communications orales sont en ligne (en anglais).
José Iriarte y présenta les résultats obtenus par son équipe internationale au sujet du boom de la civilisation Guarani à la fin de l’Holocène. Il montra son extension géographique et son déroulement temporel. L’expansion des Guarani est l’une des plus importantes dans le monde car elle se développa de la région de l’Amazonie méridionale jusqu’au sud-est de l’Amérique du Sud (de l’équateur jusqu’à 35° S) soit environ sur 4 000 km. Elle commença il y a environ 2 500 ans (en langage scientifique 2.5k cal. yr BP).

Répartition actuelle des langues tupi (violet) et des langues tupi-guarani (rose), et extension supposée du tupi-guarani dans le passé (gris-rose). Le contour de frontières ont en blanc et il inclut ceux des différents Etats du Brésil, ce pays étant de constitution fédérale. © Wikipedia

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Afrique du Sud : connaître les paléoclimats grâce aux latrines des damans

Pour la première fois, j’ai rencontré Manuel Chevalier à Saragosse le 13 mai 2017 alors qu’il avait travaillé, ces dernières années, à Montpellier dans la même université que moi. Pourquoi Saragosse ? Parce que j’anime, depuis le début 2006, la partie histoire du climat du programme PAGES (Past Global Changes) Amérique du Sud dit LOTRED et que, tous les quatre ans, nous avons un congrès mondial.  Ici, c’était OSM Zaragoza 2017 (en anglais). Je vous parle de Manuel Chevalier parce qu’il a été l’un des quatre lauréats parmi les jeunes chercheurs de PAGES  2017 pour la qualité de son travail qui est présenté sur un site hébergé par l’Université de Montpellier piloté par son responsable Brian Chase, directeur de recherches au CNRS (toujours en anglais).
Cette équipe qui intégrait Manuel Chevalier, jusqu’à peu, utilise pour reconstituer les climats anciens d’Afrique du Sud un nouveau ” proxy ” ou bien, en français, un nouvel indicateur indirect en climatologie et en paléoclimatologie : les déjections d’un petit animal. En urinant et déféquant dans les mêmes cavités rocheuses, pendant des siècles comme dans des latrines, les générations de damans des rochers ou damans du Cap (Procavia capensis) ont donné de grandes quantités d’hyracéum.

La photographie, mise en avant de cet article, de la portée des damans des rochers ou du Cap (Procavia capensis) est tirée du site Elelur.com

L’hyracéum est une masse collante (mélange d’excréments et d’urine du daman des rochers) qui, en se fossilisant, se transforme en pierre d’Afrique. Celle-ci a  été employée en médecine traditionnelle – afin entre autres de soigner l’épilepsie et les convulsions – et elle continue de l’être en haute parfumerie artisanale (voir la fin de cet article).

Hyracéum (accumulation sur 34 x 12 x 22 cm de déjections d’un petit mammifère, le daman des rochers) et, à droite, pierre d’Afrique (ces mêmes excréments fossilisés avec une échelle en  cm), un indicateur grâce à leur stratification des climats du passé. ©http://www.hyrax.univ-montp2.fr/

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Cameroun et Tchad : “Des mondes oubliés” carnets de Christian Seignobos

Un Collègue de l’IRD vient de sortir début 2017 un ouvrage assez magique “Des Mondes oubliés. Carnets d’Afrique” en coédition avec Parenthèses et mon Institut.

Christian Seignobos, géographe de terrain et directeur de recherche émérite à l’IRD, pris sur le vif. © MSH-M.TV
Première de couverture de l’ouvrage de 2017 de Christian Seignobos.

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El Hierro et îles durables : les EnR et les étudiants français et francophones

Le mouvement s’est accéléré et ainsi de nombreux jeunes français et francophones sont et vont allés étudier et travailler autour des énergies renouvelables (EnR) aux Canaries et en particulier sur El Hierro.
Ainsi la géographe martiniquaise Jessy Rosillette part ces jours-ci en voyage d’études sur l’île d’El Hierro pour sa thèse qui est encadrée par un centre de recherches de l’Université de La Réunion. Elle sera accompagnée de ses anciens Collègues de l’Université de Gran Canaria (ULPGC). Elle avait été précédée par un stagiaire guadeloupéen de l’Université des Antilles Axel Ibéné qui travailla plusieurs mois en 2015 chez Gorona del Viento, toujours sur El Hierro. Ce dernier vient d’achever ses études d’ingénieur en énergies renouvelables. Plus exactement à 24 ans,  Axel Ibéné a été major 2016 de la promotion des ingénieurs de systèmes énergétiques de l’Université des Antilles. Il avait intégré l’école d’ingénieur de Guadeloupe après sa licence de physique, obtenue à l’Université de Fouillole à Pointe-à-Pitre.

« Ce qui m’a plu, ce sont les enseignements divers et variés qu’on a pu avoir mais aussi l’intervention de professionnels du monde de l’entreprise. Au départ, je n’étais pas forcément le meilleur. Mais j’ai été épaulé par des camarades qui m’ont encouragé car je manquais de confiance en moi, et ça m’a boosté pour arriver à ce stade. » A.I.

Station de dessalement d’eau de mer de La Restinga, le plus souvent alimentée en grande partie par les énergies renouvelables et insulaires de la société d’économie mixte (SEM) Gorona del Viento. C’est l’une des trois unités de l’île. Port de La Restinga, El Hierro, Canaries. ©A. Gioda, IRD.

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« Les climats, les saisons, les sons, les couleurs, l'obscurité, la lumière , les éléments, les aliments, le bruit, le silence, le mouvement, le repos, tout agit sur notre machine, et sur notre âme . » Jean-Jacques Rousseau, Les confessions.