El Hierro et Espagne : 45 et 44 % de renouvelables dans le mix électrique en 2020

Le billet sera assez bref car l’important ce sont les faits et, durant l’ensemble de l’année 2020, Gorona del Viento, la centrale hydro-éolienne de l’île d’El Hierro aux Canaries, a bien tourné, sans incident technique majeur. Elle a fourni 45,2 % d’EnR (Energies Renouvelables) du mix électrique insulaire tandis que la production annuelle totale atteignait 46 664 MWh (1 MWh = un mégawatt actif pendant une heure = 106 watts/h). La part des EnR en 2020 dans le mix insulaire est inférieure à celle enregistrée en 2019. Sur El Hierro, la cause en est simple : la variabilité des vents, d’une année sur l’autre.

« El año 2020, no ha sido bueno en vientos alisios [les alizés] en Canarias » d’après Tomás Padrón, le père de la centrale EnR de Gorona del Viento d’El Hierro.

Au total, la part de la centrale hydro-éolienne alimentée par des EnR, dans le mix électrique annuel d’El Hierro, se décompose ainsi depuis 2015 qui fut la première année de fonctionnement complet :
2020, EnR 45,2 % versus énergie fossile (fioul lourd) 54,8 % ;
– 2019, EnR 54 % versus énergie fossile (idem) 46 % ;
– 2018, EnR 56,4 % versus énergie fossile (idem) 43,6 % ;
– 2017, EnR 45,3 % versus énergie fossile (idem) 54,7 % ;
– 2016, EnR 40 % versus énergie fossile (idem) 60 % ;
– 2015, EnR 30 % versus énergie fossile (idem) 70 %.
Rappelons la transparence des informations avec le suivi en direct, via ce lien hypertexte, et la mémoire sauvegardée des anciennes données offertes pour El Hierro,  grâce au REE (Réseau Electrique Espagnol) qui a une application spécifique pour chacune des îles des Canaries. Les îles de l’archipel ne sont pas interconnectées. Pour El Hierro, la plus petite et la plus isolée, la quête de l’autonomie y compris pour son alimentation électrique est devenue un thème central pour devenir une terre attrayante, tout en répondant aux objectifs du développement durable (voir l’animation suivante en espagnol).

Si, sur El Hierro, l’année 2020 fut médiocre, quant aux EnR, la situation fut tout autre dans l’ensemble de l’Espagne. En fait, depuis les années 2000, El Hierro fut une vitrine ou un modèle pour les EnR mais, à partir de l’an dernier, l’ultime île des Canaries (car la plus éloignée de Madrid) est rejointe par l’ensemble du territoire espagnol.

En 2020, les énergies renouvelables produisirent 43,6 % de de l’électricité espagnole et leur part fut la plus grande jamais enregistrée dans le mix national, depuis que ce dernier soit publié en 2007. Il s’agit des informations officielles de la Red Eléctrica de España (REE) présentées, à l’occasion du bilan prévisionnel de l’année dernière, le 11 de décembre.

Parcs éoliens de la zone du col de Torre Miró (1 259 m), une région que j’ai visitée en décembre 2019. Puertos de Morella, province de Castellón, Communauté Valencienne, Espagne. © http://vamosderuta.blogspot.com.

En 2020, furent produits, à partir des EnR, 109 269 GWh (GWh ou un gigawatt actif pendant une heure =109 Wh) soit une augmentation de 11,6 % par rapport à l’année précédente. Ce résultat fut obtenu malgré un recul de la production nationale électrique de 4 % qui fut impactée par la baisse de la demande économique due à la pandémie (le produit intérieur brut a chuté de 11 % en 2020). La production électrique espagnole s’établit à 250 387 GWh ou 250,4 TWh (1 térawatt-heure = 1012 Wh). En 2020, l’énergie éolienne atteignit 21,7 % du total de la production nationale et elle fut la plus importante parmi les EnR, seulement devancée de peu par la nucléaire (22,2 %). Les plus notables des EnR la complétant dans le mix furent l’hydraulique (11,9 %) et le solaire photovoltaïque (6,1 %) qui connut un boom de + 65,9 % par rapport à 2019. A l’inverse, l’énergie du charbon ne joua plus qu’un rôle résiduel (2 % du mix national en 2020) avec une production électrique annuelle que de 5 064 GWh. C’est tout un pan de l’histoire industrielle de l’Espagne qui s’efface, l’industrie charbonnière basculant vers l’archéologie minière et le patrimoine national.

Résumé et structure de l’énergie électrique espagnole. Comparaison interannuelle 2020-2019. Il est à noter que, en France, le térawatt-heure (TWh) est utilisé dans le scénario 2000-2050 de l’association négaWatt. © www.elperiodicodelaenergia.com.

Le modèle espagnol s’articule ainsi : la prépondérance des EnR ; le blocage de tout investissement pour de nouvelles centrales électriques nucléaires dont les 7 réacteurs (pour une puissance installée de 7,4 GW) devraient cesser de fonctionner en 2035 ; et la fin très prochaine du charbon comme source d’énergie. Attention ! il y eut de multiples à-coups et des volte-faces, au plan politique, et ce que je décris ci-dessus est le résultat. La transition énergétique ibérique ne fut pas et elle n’est toujours pas un long fleuve tranquille.
L’Espagne devrait commencer, dès 2027, à fermer l’ensemble de ses sept réacteurs afin d’atteindre son objectif de sortie du nucléaire.

Centrale nucléaire d’Almaraz sur le fleuve Tage : deux réacteurs pour une puissance totale de 2 GW. Sa fermeture est programmée pour 2028. Province de Cáceres, Estrémadure, Espagne. © NS Energy.
Centrale nucléaire de Vandellòs II d’une puissance de 1 GW, au bord de la Méditerranée (2016), Tarragone, Catalogne, Espagne. La centrale était double avec un premier réacteur dit Vandellòs I mais, en 1989, ce dernier souffrit un incendie touchant la turbine. Il ne repartit jamais et, de nos jours, cette première centrale est encore en phase de démantèlement. Entrée en fonction en 1988, la centrale de Vandellòs II devrait fermer ses portes en 2035, en étant ainsi l’avant-dernière à fonctionner en Espagne, juste avant la plus récente construite, celle de Trillo . © Jorge Franganillo, CC.

Les Asturies sont le bastion des charbonnages espagnols (Les Houillères du Nord ou Hunosa) avec huit puits de mines actifs. En 2020, trois centrales thermiques à charbon y ont fermé : Narcea dite aussi Soto de la Barca ; Soto de Ribera (complétement close à l’horizon 2022) ; et Lada. De plus, toujours en Asturies, la centrale à charbon d’Aboño a été fermée, pour l’unité I, et elle est cours de reconversion, pour l’unité II.

Centrale thermique à charbon de Narcea ou de Soto de la Barca. Elle fut déconnectée du réseau électrique en 2020. Tineo, province d’Oviedo, Asturies. © El Periódico de la Energía.
Vue de détail du charbon entassé pour la centrale thermique de Narcea ou de Soto de la Barca. Les dernières années, avant sa déconnexion du réseau en 2020, elle fut surtout alimentée par du charbon importé qui venait par camion. Tineo, province d’Oviedo, Asturies. © El Periódico de la Energía.

Jusqu’en 2019, Aboño I et II était la centrale électrique espagnole qui émettait, avec ses 7 546 000 t/an, le plus de CO2. ArcelorMittal Asturias (avec l’aciérie de Gijón) y a le projet de gaz de cokerie le plus avancé, avec l’injection d’ « hydrogène gris » qui devrait commencer début 2021, afin de mettre aux nouvelles normes européennes la centrale thermique Aboño II.

« L’hydrogène gris » désigne celui obtenu directement du gaz, le plus souvent le naturel (c’est donc essentiellement du méthane, l’hydrocarbure le plus simple), ou du charbon. Par kg produit, il émet de l’ordre de 9 kg de C02 à partir du gaz et de 20 kg à partir du charbon. Le procédé d’ArcelorMittal, grâce au gaz naturel et de cokerie, sera dans la partie basse de cette fourchette. Par ailleurs, si vous vouliez connaître le nuancier des couleurs (dont la verte) de l’hydrogène industriel, vous cliqueriez sur ce lien actif. Il y a le marron et le noir aussi !

La centrale thermique à charbon d’Abono I- Groupe industriel EDP. Carreño, banlieue du port de  Gijón, Asturies, Espagne. Elle est fermée depuis 2020 et celle jumelle, appelée Aboño II, est en voie de reconversion. © COPE.ES.

Les étapes de la  transition énergétique espagnole sont définies par le Plan Nacional Integrado de Energía y Clima (PNIEC) de 2019, dont le but en 2030 est d’arriver à 74 % du mix électrique national fourni par les EnR. La part congrue devrait être fournie, de façon implicite, pour l’essentiel par les centrales thermiques au fioul, diesel et gaz (fondamentales aux Canaries sauf sur El Hierro), sachant que l’énergie nucléaire s’effacera progressivement dans la péninsule ibérique.

La centrale thermique de Granadilla I et II de la société Endesa. Abona, île de Tenerife, Canaries, Espagne. Elle est à cycle combiné ou mixte, avec des groupes fonctionnant au fioul et diesel et des turbines à gaz, pour une puissance installée de 697 MW. Granadilla est le plus gros émetteur de CO2 des sept îles des Canaries avec 1 870 000 de tonnes relâchées dans l’atmosphère (année 2018). Elle se situe à la 14ème place parmi les centrales électriques espagnoles les plus polluantes. © Empresarios Agrupados 2014.

L’image mise en avant est une vue partielle des panneaux solaires de la centrale de Núñez de Balboa (Badajoz, Estrémadure, Espagne et à deux pas de la frontière avec le Portugal). © Iberdrola. Construit en moins d’un an et inauguré en 2020, ce gigantesque parc solaire s’étend sur 1 000 hectares soit l’équivalent de la superficie de plus de 1 375 terrains de football. Il produira 832 GWh d’électricité par an, correspondant aux besoins de 250 000 habitants, et il permettra d’éviter l’émission annuelle de 215 000 tonnes de CO2. C’est la plus grande centrale photovoltaïque européenne.

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