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El Hierro : 8 jours consécutifs 100% EnR pour 10 000 habitants et leurs activités

Début juin sur l’île d’El Hierro aux Canaries (Espagne) est marqué par le succès de l’alimentation électrique par les EnR à 100%, pendant plusieurs jours consécutifs et sans interruption, de l’ensemble de sa population (10 000 habitants y compris les touristes), de ses activités et infrastructures. Ce résultat tombe à point nommé quelque 3 années après l’inauguration de l’originale centrale électrique le 27 juin 2014 qui fait l’impasse sur le thermique.

Il colle aussi bien avec l’actualité générale : une semaine extrêmement chaude sur l’Europe continentale (en italien) qui pose la question à ses habitants du réchauffement climatique. Pourquoi ? Parce qu’elle se place, au niveau planétaire, après un début de 2017 déjà très chaud (janvier-mars), seulement dépassé depuis 1880 par l’an 2016 mais qui lui-même avait été caractérisé par un El Niño exceptionnel.

Ce fut, dès le 1er juin 2017 à 13h41 (heure locale), que les énergies locales alimentèrent l’ensemble de El Hierro. L’après-midi du 8 juin, les techniciens de Gorona del Viento franchirent le seuil d’une semaine complète d’autonomie énergétique grâce uniquement à des ressources renouvelables, locales et citoyennes. Par exemple, le 5 juin, les 100% EnR furent atteints.
Dans le détail, les 100% EnR furent enregistrés du 1er juin (13h41) au 9 juin (13h52) soit durant 8 jours et 11 minutes, selon les informations de l’ingénieur Tomás Padrón d’El Hierro.

Pour mémoire, le précédent record de fonctionnement continu de l’alimentation électrique de l’ensemble de l’île sans pétrole n’était que de 3 jours et 4 heures.

Ensuite les 11, 12 et 13 juin, les 100% EnR encore furent atteints pendant 44 heures et 32 minutes soit près du 2/3 du temps.

Schéma et localisation de la station hydro-éolienne d’El Hierro aux Canaries qui a garanti pendant plus de 8 jours consécutifs en juin 2017 l’autonomie énergétique de l’île. © El Pais et Gorona del Viento.

Derrière le succès, il y a le savoir-faire que les techniciens ont acquis et la confiance, gagnée jour après jour, auprès de la REE (Red Eléctrica de España – équivalent du RTE français – qui s’occupe exclusivement du transport électrique sur le réseau haute tension). La REE donne une feuille de route journalière à Gorona del Viento, la SEM insulaire, et à Endesa, son opérateur, afin de garantir le service électrique aux infrastructures vitales d’El Hierro : l’hôpital, le port, l’aéroport, les usines de dessalement d’eau de mer, les stations de pompage, etc.

Le parc éolien d’El Hierro. Cette photographie a été utilisée par Tu Sello, un service de la Poste espagnole (Correos España) pour éditer le timbre Premier Jour du 27 juin 2014.

Afin d’être complet, il faut ajouter que la transition énergétique pétrole-EnR ne se fait pas sans problèmes sociaux ; au niveau de l’organisation du travail, la même équipe de l’opérateur Endesa fait fonctionner l’ancienne centrale thermique et la nouvelle hydro-éolienne (en espagnol).

Les droits de la photographie mise en avant – montrant le parc éolien un jour de brouillard – ont été gracieusement cédés par la journaliste Alice Bomboy, venue en juin 2014 travailler sur El Hierro lors de l’inauguration de la centrale hydro-éolienne .

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El Hierro : EnR citoyennes et locales pour plus de 14 millions de bénéfices

Gorona del Viento est la SEM (la Société d’Economie Mixte, en essayant de rapprocher le droit espagnol et français) de l’électricité sur El Hierro qui a conçu et qui pilote la nouvelle centrale hydro-éolienne inaugurée en juin 2014. Dans cette société largement citoyenne, la communauté insulaire (Cabildo de El Hierro) possède 66% des parts et la Région des Canaries (au sens large) 11%, deux garanties de poids afin que l’économie locale soit la bénéficiaire des EnR. Sur El Hierro, les EnR ont généré plus de 14 millions de bénéfices en 2016 – dont 66% resteront sur l’île – à comparer avec les 5 millions de l’année 2015. Derrière la bonté des chiffres, il y a la vitesse de croisière atteinte par la centrale hydro-éolienne.

Vue partielle du parc éolien de Gorona del Viento. Hauteurs de Valverde, El Hierro, Canaries. © A. Pavageau, ENSAM/Club Jeunes IRD.
Explication du fonctionnement des turbines et alternateurs de la partie hydraulique de l’usine de Gorona del Viento. Le 29/04/2016, El Hierro, Canaries. © M. Tapiau, IRD.

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Amérique du Sud : il y a 2500 ans le début du boom de la civilisation Guarani

Pour la première fois, j’ai rencontré le professeur uruguayen José Iriarte de l’université anglaise d’Exeter le 11  mai 2017 à Saragosse. Pourquoi Saragosse ? Parce que j’anime, depuis le début 2006, la partie histoire du climat du programme PAGES (Past Global Changes) Amérique du Sud dit LOTRED et que, tous les quatre ans, nous avons un congrès mondial. Ici, après Goa en Inde en 2013, c’était en Espagne OSM Zaragoza 2017 et tous les résumés des communications orales sont en ligne (en anglais).
José Iriarte y présenta les résultats obtenus par son équipe internationale au sujet du boom de la civilisation Guarani à la fin de l’Holocène. Il montra son extension géographique et son déroulement temporel. L’expansion des Guarani est l’une des plus importantes dans le monde car elle se développa de la région de l’Amazonie méridionale jusqu’au sud-est de l’Amérique du Sud (de l’équateur jusqu’à 35° S) soit environ sur 4 000 km. Elle commença il y a environ 2 500 ans (en langage scientifique 2.5k cal. yr BP).

Répartition actuelle des langues tupi (violet) et des langues tupi-guarani (rose), et extension supposée du tupi-guarani dans le passé (gris-rose). Le contour de frontières ont en blanc et il inclut ceux des différents Etats du Brésil, ce pays étant de constitution fédérale. © Wikipedia

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Afrique du Sud : connaître les paléoclimats grâce aux latrines des damans

Pour la première fois, j’ai rencontré Manuel Chevalier à Saragosse le 13 mai 2017 alors qu’il avait travaillé, ces dernières années, à Montpellier dans la même université que moi. Pourquoi Saragosse ? Parce que j’anime, depuis le début 2006, la partie histoire du climat du programme PAGES (Past Global Changes) Amérique du Sud dit LOTRED et que, tous les quatre ans, nous avons un congrès mondial.  Ici, c’était OSM Zaragoza 2017 (en anglais). Je vous parle de Manuel Chevalier parce qu’il a été l’un des quatre lauréats parmi les jeunes chercheurs de PAGES  2017 pour la qualité de son travail qui est présenté sur un site hébergé par l’Université de Montpellier piloté par son responsable Brian Chase, directeur de recherches au CNRS (toujours en anglais).
Cette équipe qui intégrait Manuel Chevalier, jusqu’à peu, utilise pour reconstituer les climats anciens d’Afrique du Sud un nouveau ” proxy ” ou bien, en français, un nouvel indicateur indirect en climatologie et en paléoclimatologie : les déjections d’un petit animal. En urinant et déféquant dans les mêmes cavités rocheuses, pendant des siècles comme dans des latrines, les générations de damans des rochers ou damans du Cap (Procavia capensis) ont donné de grandes quantités d’hyracéum.

La photographie, mise en avant de cet article, de la portée des damans des rochers ou du Cap (Procavia capensis) est tirée du site Elelur.com

L’hyracéum est une masse collante (mélange d’excréments et d’urine du daman des rochers) qui, en se fossilisant, se transforme en pierre d’Afrique. Celle-ci a  été employée en médecine traditionnelle – afin entre autres de soigner l’épilepsie et les convulsions – et elle continue de l’être en haute parfumerie artisanale (voir la fin de cet article).

Hyracéum (accumulation sur 34 x 12 x 22 cm de déjections d’un petit mammifère, le daman des rochers) et, à droite, pierre d’Afrique (ces mêmes excréments fossilisés avec une échelle en  cm), un indicateur grâce à leur stratification des climats du passé. ©http://www.hyrax.univ-montp2.fr/

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Cameroun et Tchad : “Des mondes oubliés” carnets de Christian Seignobos

Un Collègue de l’IRD vient de sortir début 2017 un ouvrage assez magique “Des Mondes oubliés. Carnets d’Afrique” en coédition avec Parenthèses et mon Institut.

Christian Seignobos, géographe de terrain et directeur de recherche émérite à l’IRD, pris sur le vif. © MSH-M.TV
Première de couverture de l’ouvrage de 2017 de Christian Seignobos.

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El Hierro et îles durables : les EnR et les étudiants français et francophones

Le mouvement s’est accéléré et ainsi de nombreux jeunes français et francophones sont et vont allés étudier et travailler autour des énergies renouvelables (EnR) aux Canaries et en particulier sur El Hierro.
Ainsi la géographe martiniquaise Jessy Rosillette part ces jours-ci en voyage d’études sur l’île d’El Hierro pour sa thèse qui est encadrée par un centre de recherches de l’Université de La Réunion. Elle sera accompagnée de ses anciens Collègues de l’Université de Gran Canaria (ULPGC). Elle avait été précédée par un stagiaire guadeloupéen de l’Université des Antilles Axel Ibéné qui travailla plusieurs mois en 2015 chez Gorona del Viento, toujours sur El Hierro. Ce dernier vient d’achever ses études d’ingénieur en énergies renouvelables. Plus exactement à 24 ans,  Axel Ibéné a été major 2016 de la promotion des ingénieurs de systèmes énergétiques de l’Université des Antilles. Il avait intégré l’école d’ingénieur de Guadeloupe après sa licence de physique, obtenue à l’Université de Fouillole à Pointe-à-Pitre.

« Ce qui m’a plu, ce sont les enseignements divers et variés qu’on a pu avoir mais aussi l’intervention de professionnels du monde de l’entreprise. Au départ, je n’étais pas forcément le meilleur. Mais j’ai été épaulé par des camarades qui m’ont encouragé car je manquais de confiance en moi, et ça m’a boosté pour arriver à ce stade. » A.I.

Station de dessalement d’eau de mer de La Restinga, le plus souvent alimentée en grande partie par les énergies renouvelables et insulaires de la société d’économie mixte (SEM) Gorona del Viento. C’est l’une des trois unités de l’île. Port de La Restinga, El Hierro, Canaries. ©A. Gioda, IRD.

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Monde et îles volcaniques : l’Anthropocène et sa preuve par la stratigraphie ?

L’œuvre mise en avant est « Petrol Rainbow » de Jacky Tsai (2014) qui illustre surtout la splendeur mortifère des moirages de mazout en mer. Détail d’un écusson brodé géant. © J. Tsai.

Ce billet naît d’un article de synthèse publié dans le journal écologique numérique Reporterre ces jours-ci, le 2 mars 2017.  La nomenclature officielle de la géologie manquait d’une signature ou de signatures minéralogiques pour officialiser la reconnaissance de la période de l’Anthropocène, après celle du Pléistocène. Toutefois cet article de vulgarisation scientifique montre que l’on progresse de ce côté.
A l’amont, la personnalité qui diffuse la notion d’Anthropocène est un poids-lourd en sciences, permettant ainsi d’avancer vers la reconnaissance de cette période géologique : Paul Josef Crutzen, météorologue, est Prix Nobel de chimie 1995 « pour ses travaux sur la chimie de l’atmosphère, particulièrement en ce qui concerne la formation et la décomposition de l’ozone ». Depuis l’an 2000, il popularise cette nouvelle période géologique du Quaternaire qui aurait débuté au XIXe siècle avec la révolution industrielle et pendant laquelle l’influence de l’homme sur l’écosphère terrestre serait devenue prédominante. Bien auparavant Buffon, Stoppani, Theilhard de Chardin et quelques autres scientifiques dont le géologue Pavlov (qui cogna ce terme d’Anthropocène dès 1922) avaient commencé à creuser ce sillon. Il faut donc citer, chez les précurseurs du concept d’Anthropocène, le plus grand géologue italien et un vulgarisateur scientifique au XIXe siècle, l’abbé Antonio Stoppani (1824-1891) qui définissait, dès 1873, l’homme comme « une nouvelle force tellurique qui ouvre vers une nouvelle ère, l’Anthropozoïque ». Grâce au lien précédent, vous avez une traduction (en anglais) de ce texte fondateur. Continuer la lecture

Monde : art contemporain, nature et changement climatique

Une galerie au sujet de la rencontre entre l’art contemporain et l’environnement. Une passerelle nécessaire entre deux mondes s’ignorant trop souvent. Mon neveu Sami Yacoub, étudiant, m’a “branché” sur l’art japonais contemporain qu’il goûta d’abord en tant qu’amateur éclairé de mangas mais dont il a approfondi ultérieurement sa connaissance. Toutefois, je ne me limiterai pas au Japon. Ainsi je vous présenterai outre-mer, dans le Monde entier, d’autres artistes, à travers une œuvre significative, inspirés par la rencontre entre l’art et l’environnement de nos jours et à la fin du siècle dernier.

“La Vague” (1830-31) est la plus célèbre des estampes profanes (ukiyo-e ou « images du monde flottant ») de l’artiste japonais Hokusai (1760-1849). Elle inspira les plus grands peintres tels Van Gogh et Monet, “La Mer” au musicien Debussy, “Der Berg” au poète Rilke, etc. Pour les plus jeunes, il faut ajouter que Hokusai fut le père du manga.

En décembre 2016 à Varese en Lombardie, j’avais vu, partout placardée sur les espaces publicitaires, l’annonce de la grande l’exposition milanaise au sujet des œuvres de Hiroshige, Utamaro et Hokusai. Ici, l’actualité est un prétexte à l’insertion de cette galerie au sujet de l’environnement dans l’art contemporain avec une référence autour le changement climatique en cours, l’Anthropocène. C’est aussi une manière de continuer de faire la fête et de partager de belles choses, au-delà de la fermeture récente de cette exposition à Milan le 29 janvier 2017. Continuer la lecture

Iquique, Antofagasta et El Hierro : la quête des eaux du brouillard

Horacio Larrain, anthropologue émérite basé à Iquique (grande ville du nord du Chili), blogueur et fin connaisseur du désert d’Acatama, a participé l’an dernier à une action de terrain qui a permis aussi de rendre hommage à Carlos Espinosa, le père des attrape-brouillard chiliens. Bien évidemment, dans la zone côtière, sur les contreforts andins entre le Pacifique et le désert perché d’Atacama et pas si loin de l’Universidad Católica del Norte (UCN) d’AntofagastaCarlos Espinosa enseigna et travailla pendant des décennies à partir de 1957.

Attrape-brouillard de l’Universidad Católica del Norte (UCN) de l’époque de Carlos Espinosa. Nord du Chili, années 1960-70. ©Tapia y Zuleta, UCN (1980).

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El Hierro : la restitution du Club Jeunes IRD – Lycée Jean Monnet – ENSAM

En ce début d’année 2017, j’adresse tous mes vœux de réussite scolaire ou universitaire aux jeunes qui ont bien voulu me suivre sur l’île d’El Hierro en avril et mai de l’an dernier. Ce sont Johan, Lisa, Adrien, Pauline, Sorcha, Maïa, Lélany et Cécilia (maintenant élèves de Première du Lycée Jean Monnet de Montpellier), Emma et Dounia (de nos jours, étudiantes à l’Université de Marseille et à Polytech Montpellier) et Akim (étudiant de 2e année à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier ou ENSAM et ancien élève de Jean Monnet). Continuer la lecture