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Ile de Sein : un enjeu énergétique et de gouvernance

L’île de Sein au large du Finistère est minuscule (0,58 km2 et moins de 200 habitants permanents) mais elle représente un enjeu important pour la transition énergétique en France métropolitaine.
D’abord, l’île de Sein est fort connue pour l’attitude héroïque de ses hommes pendant la Seconde guerre mondiale où il représentèrent quelques jours, juste après l’Appel du 18 juin 1940, “le quart de la France” (avec un peu plus de cent soldats) des maigres bataillons de la France Libre, selon les mots attribués au général de Gaulle. Ensuite, l’île est aussi connue pour la force des éléments naturels dont la pluie, les tempêtes et donc les nombreux naufrages qui sont survenus sur la Chaussée de Sein malgré une batterie des quatre phares implantés dans sa zone maritime. Continuer la lecture

Renisla 2014 et Unesco : Les ENR et “la Déclaration d’El Hierro”

Disponible en anglais, la Déclaration d’El Hierro est datée du 26 juin 2014. Elle est un bref appel, visé par l’Unesco, afin que les îles non interconnectées soient à même de fonctionner à 100% avec les ENR (énergies renouvelables) . Peut-être et même certainement, cela n’est pas possible partout mais il était important d’exprimer cet appel sur l’île d’El Hierro et dans un archipel, celui des Canaries (blog en espagnol).

Photo de groupe des particpants sur El Hierro à la Déclaration homonyme. Cliché : Unesco.
Le groupe des participants sur El Hierro à la Déclaration homonyme. Cliché : Unesco.

Comme bien souvent dans les organisations internationales et dans l’administration, l’amour des sigles, plus ou moins obscurs, règne et cela peut gêner la diffusion d’une bonne initiative. Renisla 2014 est pour The Renewable Energy Islands Forum sur El Hierro tandis que Renforus Initiative est pour Renewable Energy Futures for UNESCO Sites.

L'affiche de Renisla reprend et interprète une photographie de quatre moulins du parc du l'île (qui en compte cinq), dans le brouillard qui est la signature du paysage météorologique de l'île. Affiche : Cabildo de El Hierro.
L’affiche de Renisla reprend et interprète une photographie de quatre moulins du parc du l’île (sur un total de cinq), dans le brouillard qui est la signature du paysage météorologique de l’île. Affiche : Cabildo de El Hierro.

 

El Hierro : l’île devient un Géoparc de l’Unesco

Après un processus de vérification soigneux par des experts internationaux, vient d’être déclarée nouveau Géoparc de l’Unesco l’ensemble de l’île d’El Hierro et c’est le premier des Canaries. Cette proclamation est advenue lors de la 6ème conférence mondiale de Géoparcs tenue à Stonehammer dans l’Etat du Nouveau-Brunswick au Canada du 19 au 22 septembre 2014. A cette occasion l’île d’El Hierro s’est ajoutée notamment au Géoparc espagnol de Molina et du Haut-Tage (Castille et Léon) et à celui français des Monts d’Ardèche. Plus largement, Molina et Haut-Tage puis El Hierro deviennent ainsi respectivement le 9ème et le 10ème Géoparc espagnol et on en compte  111 dans 32 pays du monde à ce jour.
Qu’est-ce un Géoparc ? Selon l’Unesco, certes un Géoparc doit démontrer l’importance internationale de son patrimoine géologique, mais son principal objectif, lors de sa création, est d’explorer, de développer et de célébrer les liens entre cet héritage géologique et tous les autres aspects de son patrimoine naturel, culturel et immatériel. Continuer la lecture

Marie Guyon primée pour un attrape-brouillard nomade

J’ai eu la chance de connaître Marie Guyon, étudiante en design industriel de l’Ecole Olivier de Serres à Paris. Elle a bien voulu travailler autour des filets attrape-brouillard.
Son projet Nube, un appareil portable de collecte des eaux de la brume, vient d’être primé, en seconde position au niveau national, par la Fondation James Dyson.
Ci-dessous, vous avez la vidéo de Nube en 3D.

J’avais réfléchi à un appareil pas si éloigné du sien mais je l’avais écarté ; c’est en montagne qu’il faut piéger les gouttelettes du brouillard et il fallait imaginer quelque chose de maniable et petit, comme Nube qui, de plus, n’est pas une machine sensu stricto avec une capture passive de l’eau. Nube est nomade ou portable et pliable ou déployable avec sa voile qui attrape les gouttelettes poussées par le vent mais surtout il est aussi simple qu’une brouette, la chose qu’il est à la base. Nube est un outil agricole équipé d’un accessoire. Cette rusticité facilitera son insertion dans le monde rural.
Moi, à l’inverse, j’avais été inspiré par ces grandes machines, connues grâce à mon Collègue Jacques Claude,  de l’artiste  Theo Jansen qui ne sont pas maniables même si elles sont totalement autonomes sur une plage sablonneuse ventée.

Marie Guyon est dans le vrai, le concret soit le design, et Theo Jansen dans la poésie soit l’art.

P.-S. : six années après ce billet en novembre 2020, l’architecte écologique Yves Perret me fait remarquer que ma conclusion aurait dû aller dans le sens suivant : « Une bonne partie du travail d’aujourd’hui est de faire en sorte qu’il n’y ait pas de coupure entre l’efficacité concrète et l’efficacité poétique, le donner à faire et le donner à être, le matériel et l’imaginaire. L’écologie portera la jointure entre sciences et art comme elle porte bien d’autres jointures ». D’autant plus que Theo Jansen insiste sur le côté technique de ses machines poétiques, entre cinétisme et art optique, et donc il est possible de le définir un ingénieur-inventeur.  Ses mobiles, positionnés à la riche frontière combinant les deux approches, peuvent se qualifier d’art opticocinétique.

El Hierro : arbres fontaines modernes par le Medio Ambiente

 

Les techniciens de terrain du Medio Ambiente collectent avec succès l’eau du brouillard d’actuels arbres fontaines dans le secteur du village d’éleveurs de San Andrés, dans une localité proche du Garoé.
Le secteur de l’écologie (Medio Ambiente) dépend de l’administration insulaire soit le Cabildo aux Canaries. Don : Juan Carlos Hernández et clichés de 2014 pris sur El Hierro.

El Hierro 100% ENR : un exemple pour les médias français

Après des années de travail dans l’ombre, les gens œuvrant sur El Hierro ou les énergies renouvelables sont satisfaits de voir leur labeur reconnu y compris dans les médias français qui se sont massivement mobilisés, à la suite du démarrage de la centrale hydro-éolienne le 27 juin. Cette mobilisation n’a pas cessé en juillet et août, des mois particulièrement calmes quant à l’actualité politicienne et qui permettent aux journalistes soit de ressortir des marronniers et autres serpents de mer soit de traiter des questions de fond.
Ainsi, pour ces dernières, se furent tour à tour des médias aussi variés que les suivants qui nous accompagnèrent autour d’El Hierro 100% ENR (énergies renouvelables) :
Europe 1, la radio généraliste avec une vidéo en espagnol à la clef, le 8 juillet ;
Rue89, le “pure playerle 19 juillet par la plume de son cofondateur et rédacteur-en-chef ;
France 24,  la chaîne de télévision d’information internationale française en continu et avec une autre vidéo à la clef, le 20 août ;
Agoravox, le site du journaliste-citoyen qui reprend les deux vidéos précédentes, le 21 août.
Je dois en oublier et donc vous m’excuseriez par avance mais, à tous, un grand merci.

El Hierro, réservoir inférieur de la centrale hydraulique. Construction achevée, janvier 2013. La photographie mise en avant représente le même objet sous un autre angle. Clichés: A. Gioda, IRD
El Hierro, réservoir inférieur de la centrale hydraulique. Construction achevée, janvier 2013. La photographie mise à la une représente toujours ce réservoir mais sous un autre angle. © A. Gioda, IRD.

 

 

Uruguay : Andrés Acosta, l’homme qui plantait les attrape-brouillard

Andrés Acosta Baladón ou encore “El Chueco”  nous a quitté le 11 juillet dernier.
Pour moi qui le connaissais depuis trente ans, Andrés restera le guérillero scientifique des attrape-brouillard et, de façon plus large, le guérillero de  la lutte contre la désertification dans les zones arides et marginales. C’est donc, au titre des attrape-brouillard, un pionnier de ceux que l’on appelle, de nos jours,  pompeusement les NTE (les Nouvelles Technologies Environnementales) au sein des études sur les énergies renouvelables.

Sur le terrain au début des années 70, Andrés Acosta Baladón (à gauche) dans le vignoble de la Geria, sur l’île de Lanzarote aux Canaries (cliché de son ouvrage “Cultivos enarenados”, INM, Madrid, 1973).

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El Hierro : après l’inauguration de la centrale 100% ENR

La vie a repris sa routine sur l’île d’El Hierro après un évènement, l’inauguration de la centrale hydro-éolienne et donc la quête réussie du 100% ENR, qui, à l’échelle d’un confetti océanique, ne peut se comparer à rien d’autre dans les siècles précédents. Il faudrait remonter le temps jusqu’à l’arbre fontaine ou Garoé des aborigènes, soit bien avant la conquête de l’île en 1405 par Jean IV de Béthencourt,  pour retrouver tant de puissante originalité.
Au XXème siècle, il est difficile de mettre à pareil niveau le Mirador de la Peña. Ce dernier, couplé à un restaurant gastronomique géré par l’administration locale qui contrôle ses prestations, fut créé par l’architecte et plasticien César Manrique, dans la seconde moitié des années 1980. Le Mirador de la Peña concrétise, par sa qualité et son heureuse intégration dans la nature et le site grandiose, le tourisme choisi, tel un des objectifs de la communauté insulaire. Continuer la lecture

El Hierro et son arbre fontaine : Garoé ou Arbre Saint ?

L’arbre fontaine, celui qui recueillait l’eau du brouillard, était le Garoé en langue guanche, le seul idiome parlé sur l’île jusqu’en 1405, lorsque El Hierro était peuplée de quelques centaines voire de quelques milliers de descendants de Berbères. Cette langue a disparu car aucun dictionnaire bilingue n’a été fait ou conservé. Il n’en subsiste que quelques mots et des toponymes.

Pétroglyphes des Guanches d'El Hierro appelés les Bimbaches. Seuls témoignages gravés sur l'île de leur présence. El Julian, mars 2014. Cliché : A. Gioda, IRD.
Pétroglyphes des Guanches d’El Hierro appelés les Bimbaches. Seuls témoignages gravés sur l’île de leur présence. Los Letreros, El Julian, mars 2014. © A. Gioda, IRD.

La conquête d’El Hierro en 1405 et de plusieurs îles des Canaries, à partir de 1402, fut faite par Jean IV de Béthencourt, un noble normand du grand port de Honfleur (inclus dans l’agglomération du Havre de nos jours), commissionné par la couronne de Castille. Ce conquérant – localement appelé un conquistador, un nom qui passera à la postérité – avait bénéficié d’une longue trêve (1388-1411) de  la Guerre de Cent Ans qui bloqua ensuite le commerce florissant de Honfleur, à la suite de deux défaites françaises en baie de Seine (1416-17). Jean IV de Béthencourt recherchait l’orseille, un colorant violet (d’où son autre nom de pourpre française), extrait du grand lichen rupestre Roccella tinctoria, abondant aux Canaries et qui était fort prisé  en teinturerie en en chimie jusqu’à 1850. Des lichens s’utilisent encore en Ecosse pour colorer, de façon traditionnelle et maintenant luxueuse, la laine des kilts. Continuer la lecture

Auschwitz et le brouillard : “Si c’est un homme ” de Primo Levi

Il y a un temps pour lire et un autre pour réfléchir avant d’agir.
Un livret fort que “Si c’est un homme” de Primo Levi, presque un reportage car “aucun des faits rapportés n’est inventé”, selon ses mots. Tout est dans le mot “presque” car il brûle, ce livret tel le feu sous la cendre. Durant l’hiver 1946-1947, l’auteur raconte et analyse la captivité et les travaux forcés d’un certain Primo Levi, un partisan juif italien envoyé en février 1944, textuellement comme un objet, à Auschwitz, le plus célèbre car le plus sinistrement efficace des grands camps polonais d’extermination de la Seconde guerre mondiale. Primo Levi en ressortira vivant, grâce à sa débrouillardise et son intelligence, en janvier 1945. Néanmoins, la chance avait été aussi de son côté, dès le premier jour, quand il y avait été évalué sommairement (en quelques secondes) jeune et utile. Primo Levi admit aussi avoir survécu parce que sa déportation advint lors du crépuscule de l’Etat nazi, déjà délabré en 1944. Egalement il survécut parce que la libération de son camp par l’Armée rouge se fit assez vite le 27 janvier 1945 et que, malade, il ne put être évacué après le 17 de ce mois, évitant ainsi de participer dans la neige à “la marche vers  la mort” d’Auschwitz vers Loslau de près de 70 000 déportés, poussés par les SS fuyant eux-même les Russes. Continuer la lecture