L’éruption du Fuego au Guatemala est-elle comparable à celle qui détruisit Pompéi ?

Telle est la question que m’a posée Olivier Lascar, Rédacteur-en-chef de Sciences et Avenir. Et voici mes réponses en ligne :

https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/geologie/l-eruption-du-volcan-de-feu-au-guatemala-est-elle-comparable-a-celle-qui-detruisit-pompei_124775

Le Fuego vu d’Alotenango… en décembre 1978. Cette commune a été atteinte par les cendres lors de la récente éruption. Voir aussi mon blog des 21/12/2013 et 15/3/2014 (© J.M. Bardintzeff).

Le contenu de l’article :

L’éruption du volcan de Feu au Guatemala est-elle comparable à celle qui détruisit Pompéi ?

Question 1. On compare l’éruption du volcan de Feu au Guatemala à celle du Vésuve, lors de la destruction de Pompéi. Pour quelles raisons ?

Il s’agit de deux volcans potentiellement explosifs, qui ont un passé (un passif), avec des émissions de nuées ardentes (nuages brûlants de gaz, cendre et blocs, dévalant les flancs du volcan), suivies de coulées boueuses (lahars), faisant des victimes. Si les modalités se ressemblent, l’amplitude de l’éruption du Vésuve en 79 est bien supérieure à celle du Fuego 2018. Dans le cas du Vésuve, la colonne de cendres et de ponces est montée à 32 km de hauteur ! On parle d’éruption de type plinien (nom donné en l’honneur de Pline l’Ancien et de Pline le Jeune qui ont expertisé cette éruption). Des nuées ardentes (type péléen) ont suivi. On estime que la population de Pompéi était de 20 000 habitants environ ; beaucoup avaient fui. Il restait alors environ 2 000 personnes dans la ville, mortes dans la catastrophe. Au Fuego, la colonne éruptive est montée à 6 km de hauteur. Les nuées ardentes du Fuego devaient être moins rapides que celles du Vésuve : on déplore actuellement environ une centaine de morts et 200 disparus.

Les deux volcans ne se ressemblent pas morphologiquement : le Fuego est un cône qui culmine à 3 763 m (reposant sur un plateau de 1 000 m environ) alors que le Vésuve est un volcan peu élevé (1 281 m), avec deux sommets suite à l’explosion de 79.

Question 2. Et qu’est-ce qui distingue l’éruption du volcan de Feu à celle d’Hawaii, qui se déroule aussi en ce moment ? L’éruption du Kilauea à Hawaii est effusive, lavique, rouge. Il s’agit de quantités impressionnantes de lave mais qui avancent doucement, à quelques centaines de mètres à l’heure, souvent bien moins ; c’est-à-dire moins vite qu’un humain qui marche. Les habitants ont donc le temps de partir. D’ailleurs on ne déplore aucun mort à Hawaii depuis le début de l’éruption le 3 mai 2018 et c’est tant mieux. Le Fuego au contraire produit des éruptions explosives, grises, soudaines et rapides qui surprennent les habitants faisant de nombreux morts. Les deux volcans se situent dans des contextes géodynamiques complètement différents : intraplaque (plaque Pacifique) pour le Kilauea à Hawaii, en limite de plaques (subduction : la plaque Coccos plonge sous la plaque Caraïbe) pour le Fuego au Guatemala.

Question 3. Près de 100 personnes sont mortes dans l’éruption du volcan de Feu. Ce type d’éruption est-il le plus meurtrier ?

Oui, les nuées ardentes constituent un risque volcanique humain majeur par leur soudaineté, leur vitesse, leur aptitude à remonter à contre-pente. Des vitesses de 100 à 500 km/h rendent toute fuite illusoire. Les températures, mortelles, atteignent 200 à 500 °C. Une seule réponse donc pour les volcanologues et les responsables : une évacuation préalable de la population menacée.

Question 4. Etant donné l’activité sismique du volcan de feu depuis le début des années 2000, cette catastrophe était-elle prévisible ?

Le volcan Fuego est effectivement très actif depuis plusieurs années (depuis 2002). Mais il se manifestait surtout par des éruptions sommitales et verticales avec des projections de cendres et de blocs à plusieurs milliers de mètres de hauteur (type vulcanien). Il a brusquement changé de logique pour émettre des nuées ardentes (type péléen) dévalant ses flancs et atteignant les villages en contrebas. Cette évolution était, certes, envisageable (des nuées ardentes avaient été émises en 1974) mais difficilement prévisible vu son côté quasi instantané.

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