Tous les articles par Charles Frankel

Curiosity et son lac martien

Curiosity au lieu-dit "Murray Butte" en septembre 2016: le fond boueux d'un ancien lac...
Curiosity au lieu-dit “Murray Butte” en septembre 2016: le fond boueux d’un ancien lac…

Le robot automobile Curiosity de la NASA, avec à son bord des instruments d’analyse français, continue avec succès son exploration du cratère Gale, débutée en août 2012. Le robot roule actuellement sur le fond d’un ancien lac, une argile à grain fin (mudstone) cartographiée sous le nom de formation Murray (en honneur au feu planétologue et ancien directeur du Jet Propulsion Laboratory, Bruce Murray). Au terme de quatre années d’études sur le terrain, Curiosity confirme que le grand cratère d’impact a abrité un lac durant un long intervalle de temps. Continuer la lecture

Schiaparelli : leçons d’un échec

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Dans un précédent article, nous avions souligné combien il était difficile de se poser sur Mars, et qu’il fallait d’abord passer par des échecs et en tirer des leçons pour maîtriser la séquence. Avec l’écrasement de sa sonde Schiaparelli, l’Europe en a fait aujourd’hui les frais, mais heureusement a récolté suffisamment de données pour reconstituer le scénario de l’accident.

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TGO : nouvelle sonde européenne autour de Mars

La sonde TGO de l'ESA, en orbite autour de Mars (vue d'artiste)
La sonde TGO de l’ESA, en orbite autour de Mars (vue d’artiste)

Ce mercredi 19 octobre, la sonde TGO (Trace Gas Orbiter) de l’agence spatiale européenne (ESA) s’est mise en orbite avec succès autour de Mars. Après la première tentative également couronnée de succès en 2003 de la sonde Mars Express, c’est la deuxième fois sur deux tentatives que l’Europe réussit à placer un engin spatial en orbite autour de la planète rouge: un “sans faute”.

Le rôle de TGO est de traquer les gaz rares de l’atmosphère martienne et en particulier de voir si des bouffées saisonnières de méthane ont réellement lieu à certains endroits, ce qui pourrait attester d’une activité de microorganismes vivants dans le sous-sol, ou d’une forme de volcanisme, ce qui dans les deux cas serait une surprise de taille.

La sonde Schiaparelli aurait dû se poser en douceur sur Mars, mais silence radio...
La sonde Schiaparelli aurait dû se poser en douceur sur Mars, mais silence radio…

Seule onde au tableau : la petite sonde (600 kg tout de même !) Schiaparelli qui devait se détacher du bus orbital et se poser en douceur sur Mars—ce qui aurait constitué une première pour l’ESA—a bien effectué le début de son périple en plongeant, bouclier thermique en avant, dans les couches denses de l’atmosphère martienne, mais le signal radio a été perdu peu après. Heureusement, la sonde a transmis suffisamment de télémétrie avant de rendre l’âme pour que les ingénieurs puissent avoir une idée de ce qui a bien pu se passer sur le chemin de la descente. Il s’agissait en effet d’une tentative, il faut le souligner : apprendre à se poser sur Mars, ce qui n’est pas une sinécure. Il reste donc du pain sur la planche pour les ingénieurs de l’ESA : décidément, après déjà une tentative d’atterrissage soldée par un échec en 2004 (la sonde britannique Beagle 2), Mars ne se laisse pas conquérir facilement…

Nouveau livre : Extinctions

extinctions-couvExtinctions : du dinosaure à l’homme
C’est le titre de mon nouveau livre aux éditions du Seuil, qui traite de la fin des dinosaures et des extinctions actuelles dont l’Homme est responsable, avec des spéculations sur le déclin futur de la biosphère si nous n’enrayons pas le massacre. Heureusement, il existe des solutions, passées en revue dans le dernier chapitre. Et dans l’épilogue, sur nos propres chances de survie en tant qu’espèce, je mentionne qu’une colonie de chercheurs et d’heureux colons sur la planète Mars nous évitera de disparaître en tant qu’espèce, si les choses s’aggravent vraiment sur Terre…
J’en parle ce jeudi 20 octobre à 14 heures sur France Inter : émission La Tête au Carré
présentée par Mathieu Vidard

Elon Musk se charge de coloniser Mars

Elon Musk a dévoilé son plan pour la conquête de Mars
Elon Musk a dévoilé son plan pour la conquête de Mars

On attendait Elon Musk au tournant : on n’a pas été déçu.
Il avait promis de faire une déclaration importante au Congrès International d’Astronautique, tenu en cette dernière semaine de septembre à Guadalajara au Mexique. Il a été fidèle au rendez-vous : Elon Musk et sa société Space-X ont dévoilé leur ambitieux projet pour fonder rien moins qu’une civilisation sur Mars.

Le cœur du projet est leur nouvelle fusée, baptisée Interplanetary Transport System, qui triplera les performances de la Saturn V d’Apollo pour lancer 450 tonnes en orbite terrestre, sous la forme d’un vaisseau spatial lancé réservoirs vides et pouvant transporter pas moins de 100 astronautes. Dans la foulée, un second, puis un troisième lancement avec la fusée réutilisable, viendront en orbite apporter le carburant au vaisseau, avant son élancement vers Mars.
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La sonde InSight décollera en 2018

La sonde en cours d'intégration (crédit NASA/JPL-Caltech/Lockheed Martin)
La sonde en cours d’intégration (crédit NASA/JPL-Caltech/Lockheed Martin)
Alors qu’elle devait décoller en mars dernier pour un atterrissage en cette fin d’année, et son lancement reporté en raison d’une fuite dans son instrument principal—le sismomètre développé par le CNES—on apprend que la sonde InSight a été reprogrammée pour un lancement lors de la prochaine fenêtre de tir martienne, en mai 2018. L’atterrissage aurait désormais lieu en novembre 2018.

C’est un soulagement pour les ingénieurs de cette mission qui craignaient son annulation pure et simple. Au budget de 675 millions de dollars, les agences spatiales ont décidé d’accorder les 154 millions supplémentaires pour réparer la partie fautive et les frais de stockage et d’entretien de la sonde sur deux ans. Si les pièces du sismomètre restent celles fabriquées par le CNES français, leur intégration sera désormais la responsabilité du centre JPL de la NASA.

Rappelons que la sonde InSight doit se poser dans Elysium Planitia et son sismomètre mesurer l’activité sismique interne de Mars et les impacts de météorites, alors qu’un thermomètre à couple allemand, qui s’enfoncera dans le sol jusqu’à 5 m de profondeur, mesurera le flux thermique en provenance de l’intérieur du globe.

Mars visé par un Dragon

Vue d'artiste du vaisseau "Red Dragon" de Space-X rentrant dans l'atmosphère de Mars
Vue d’artiste du vaisseau “Red Dragon” de Space-X rentrant dans l’atmosphère de Mars

Tandis que la NASA s’empêtre dans un projet sans grand intérêt de rendez-vous spatial piloté avec un échantillon d’astéroïde dans la banlieue terrestre, le milliardaire Elon Musk et sa société Space-X recentre le débat en annonçant le vol imminent de son vaisseau de transport Dragon vers la planète Mars : en mai 2018, si son projet n’est pas retardé, soit dans moins de deux ans.

Le vaisseau Dragon —celui-là même qui transportera des astronautes dans un proche avenir (peut-être dès l’an prochain) vers la Station Spatiale Internationale—est un véhicule de huit tonnes qui pour le moment transporte du fret (jusqu’à deux tonnes) vers la Station. C’est sans doute à vide qu’il se poserait sur Mars lors de la mission de 2018, l’objectif étant de tester l’atterrissage d’un « poids lourd » sur la planète rouge, ce qui n’a encore jamais été accompli (la plus lourde charge utile à ce jour, Curiosity, n’atteignait pas la tonne). L’engin de Space-X va pour ce faire utiliser ses moteurs-fusée en rétropropulsion supersonique.

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La première sonde ExoMars de l’ESA lancée avec succès

Lancement d'ExoMars le 14 mars 2016 (Reuters: Shamil Zhumatov)
Lancement d’ExoMars le 14 mars 2016 (Reuters: Shamil Zhumatov)

Ce lundi 13 mars à 9h31 TU, la fusée russe Proton-M a lancé avec succès la première mission ExoMars de l’Agence Spatiale Européenne, constituée d’une sonde destinée à se mettre en orbite de la planète rouge pour étudier son atmosphère (Trace Gas Orbiter ou TGO) et un petit module destiné à tester les techniques d’atterrissage sur Mars (une première pour l’Europe, après l’échec en 2004 de Beagle 2 et baptisé Schiaparelli).

La sonde TGO avec ses panneaux solaires repliés, son antenne (à droite) et le cocon de l'atterrisseur Schiaparelli (en haut)
La sonde TGO avec ses panneaux solaires repliés, son antenne (à droite) et le cocon de l’atterrisseur Schiaparelli (en haut)

Toutes les étapes du lancement se sont bien déroulées, y compris l’injection sur trajectoire martienne et le déploiement des panneaux solaires de la sonde. Le vol durera sept mois, pour une arrivée prévue le 19 octobre. L’atterrisseur de 600 kg se sera séparé trois jours auparavant pour prendre sa propre trajectoire, visant le plateau de Meridiani Planum déjà exploré par la sonde américaine Opportunity. Mais il ne s’agit pas de faire de la science: seulement se poser, après un freinage atmosphérique avec un bouclier en Norcoat-Liege—une résine de liège sur une structure d’aluminium en nid d’abeille—qui dissipera la chaleur et ralentira la vitesse de descente jusqu’à 1700 km/h; puis le déploiement d’un parachute de 12 m de diamètre pour freiner la sonde jusqu’à 240 km/h; et enfin l’allumage de rétrofusées à 1200 mètres d’altitude pour un impact prévu à moins de 10 km/h.

Séquence d'atterrissage du module technique "de démonstration" Schiaparelli
Séquence d’atterrissage du module technique “de démonstration” Schiaparelli

Au sol, les batteries permettront deux à trois jours de transmission de données basiques—température, pression, humidité, vent, transparence de l’atmosphère—sans même d’image du site d’atterrissage (cela étant, une caméra de descente aura pris des images à la verticale), car il s’agit d’une mission technologique.

Vue d'artiste de la sonde TGO en poste au-dessus de la planète rouge
Vue d’artiste de la sonde TGO en poste au-dessus de la planète rouge

En revanche, c’est la sonde principale TGO, d’une masse de 3 tonnes et en orbite à 400 km d’altitude, qui assurera la mission scientifique. Sa caméra CaSSIS aura une résolution au sol de 5 mètres par pixel et appuiera la batterie de spectromètres NOMAD qui étudiera les composants gazeux de l’atmosphère, en analysant la lumière du soleil réfléchie par celle-ci sous la trajectoire de l’engin, ainsi que la lumière transmise à contre-jour à travers la tranche de l’atmosphère lors des couchers et levers de soleil. Le but principal est d’étudier les gaz rares et notamment le méthane, qui a été détecté en très faibles doses dans le passé (Mars Express en orbite et Curiosity au sol) et dont l’origine est mystérieuse, les hypothèses d’émanations volcaniques, voire de rejets biologiques n’étant pas encore écartées. Une mission à suivre donc avec intérêt…

Recrutement d’astronautes : de futurs Martiens ?

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Le 18 février, la NASA a clos son appel à candidature pour la constitution de son 22ème groupe d’astronautes. Un nombre record de 18 300 postulants a été enregistré. Au terme d’une sélection sur dossier, puis une semaine d’évaluation « en chair et en os » des finalistes l’an prochain, une dizaine de candidats astronautes seront retenus et présentés à la presse en juin 2017. Suivront alors deux ans d’entrainement à Houston avant leur intronisation officielle en 2019. Parmi ces nouveaux astronautes figurent vraisemblablement les premiers hommes et les premières femmes qui s’élanceront vers Mars lors des décennies 2020-2030.
Si la NASA n’a pas officiellement mentionné le vol martien dans son appel à candidatures pour ce 22ème groupe d’astronautes—mettant plutôt l’accent sur les missions à bord de la Station Spatiale Internationale—les commentaires officieux des responsables y ont néanmoins fait allusion. Ainsi, le président de la NASA Charles Bolden a spécifiquement déclaré que « Ce prochain groupe d’explorateurs américains du cosmos encouragera la ‘génération martienne’ à atteindre de nouveaux sommets et nous aidera à réaliser notre objectif d’inscrire nos empreintes de bottes sur le sol de la planète rouge. » Le nombre record de postulants (18 300, soit plus de deux fois le précédent record de 8000 candidats, établi en 1978) reflète vraisemblablement cette prise de conscience publique d’objectifs ambitieux et motivants pour cette nouvelle génération d’astronautes.

Le précédent groupe d'astronautes (21ème), sélectionné en 2013, est devenu opérationnel en 2015
Le précédent groupe d’astronautes (21ème), sélectionné en 2013, est devenu opérationnel en 2015

On relèvera qu’aucune limite d’âge n’a été formulée dans les directives de candidature, les critères portant comme d’habitude sur une solide santé physique (et parfaite acuité visuelle), un diplôme universitaire (Bachelor’s, l’équivalent d’une licence française) en sciences, mathématiques ou ingénierie, suivi de trois ans d’études supplémentaires ou d’expérience professionnelle ou bien 1000 heures de pilotage d’avion à réaction. Traditionnellement, les pilotes d’essai des différents corps d’armée constituent en effet une bonne moitié des candidats reçus.
La NASA n'a pas hésité à mettre Harrison Ford sur son site web pour promouvoir l'appel à candidature de ses astronautes (Lucasfilm)
La NASA n’a pas hésité à mettre Harrison Ford sur son site web pour promouvoir l’appel à candidature de ses astronautes (Lucasfilm)

Ces nouveaux astronautes se retrouveront notamment pilotes et passagers d’une nouvelle armada de vaisseaux spatiaux, puisque la décennie 2020 verra la mise en service du vaisseau Orion de la NASA, du Crew Dragon de Space-X et du CST-100 Starliner de Boeing.

Dune de Mars

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Le rover Curiosity a atteint fin décembre une rangée de dunes de sable noir—vraisemblablement faites de grains de basalte—lui barrant le passage sur la route du mont Sharp (à l’arrière plan). Le robot passe son mois de janvier à étudier de près l’une de ces “Bagnold” dunes, haute de quatre mètres, dont on estime qu’elle progresse d’un mètre par an au gré du vent. Cet emplacement est l’un de ceux ou le cordon de dunes est le plus étroit et discontinu, ce qui permettra à Curiosity de franchir l’obstacle et d’atteindre des strates minérales très intéressantes à la base du mont Sharp.

Ci-dessous, la carte du chemin parcouru par Curiosity jusqu’au passage dans les dunes.
Curiosity traverse Dunes