Trump soutient l’Homme sur Mars

Le président Donald Trump signe la loi promulguant le budget et les objectifs de la NASA, sous l’oeil de son principal instigateur, le sénateur républicain du Texas Ted Cruz (à gauche). (Photo Bill Ingalls/NASA)

Le 21 mars, le président Donald Trump a signé un projet de loi—« Bill 442 »—qui établit le budget de la NASA jusqu’à fin 2017, tout en établissant les priorités de l’agence spatiale. Élaborée à l’initiative de Ted Cruz, sénateur républicain du Texas, et sept autres de ses confrères, cette loi reflète en fait les desiderata de la chambre et du sénat à majorité républicaine, le président Trump ne faisant que lui donner son feu vert. On y relève pour la première fois la volonté affichée d’une exploration humaine de la planète Mars en ces termes : « La feuille de route des vols pilotés devra inclure un ensemble intégré d’exploration, de science et d’autres buts et objectifs du programme d’exploration pilotée des Etats-Unis visant à atteindre le but à long terme de missions humaines à proximité ou à la surface de Mars dans les années 2030. » Et même plus précisément, la date du premier lancement d’un vol piloté vers Mars est fixée à 2033—un panel d’experts devant être constitué pour étudier cet objectif dans les quatre mois à venir, soit pour la mi-juillet.

On relèvera aussi que la loi renouvelle ses critiques à l’égard du projet soutenu par la NASA jusqu’alors contre vents et marées, cherchant à fixer comme prochain objectif de ses vols pilotés le remorquage d’un morceau d’astéroïde jusqu’en orbite lunaire où un équipage viendrait l’échantillonner. Réfutant l’intérêt de cette mission, comme l’ont fait nombre de critiques dans la profession, la loi signe en fait son arrêt pur et simple, tout en reconnaissant que des étapes sur la route de Mars pourraient être un retour sur la Lune, voire sur Phobos, lune de Mars. La loi renouvelle en revanche toute sa confiance au programme du nouveau lanceur lourd SLS en cours de développement (dont le tir inaugural pourrait avoir lieu fin 2018) et celui de la capsule Orion, tout en encourageant les fusées et modules du secteur privé, tous nécessaires à la conquête de Mars.

Parmi les grands perdants de la loi promulguée, 200 millions de dollars sont coupés du budget de la NASA (qui passe de 19,7 à 19,5 milliards) dans une attaque qui vise principalement les sciences de la Terre et notamment les satellites dédiés à l’étude du changement climatique, les climato-sceptiques étant très influents au sein du nouveau gouvernement, ce qui est évidemment une catastrophe pour la science et pour l’environnement. Autre coupe : les fonds qu’utilisait la NASA pour son programme éducatif, pourtant si précieux pour les jeunes, et que l’on peut interpréter comme une volonté supplémentaire du gouvernement et du sénat de contrôler ce qui est enseigné à propos de la Terre et de l’Univers.

Conseiller économique du président, mais néanmoins critique, Elon Musk n’est pas impressionné par cette loi du “statu quo”.

En d’autes termes, comment il est possible dans la même loi à la fois de voguer vers l’avenir et de replonger dans le Moyen Âge. Quant à Elon Musk, président de SpaceX, il ne se réjouit pas de cette loi qui, selon son tweet, « ne change pratiquement rien à ce que fait la NASA. Les programmes en cours restent en place et aucune somme supplémentaire n’est allouée au programme martien. »

Dragon rouge de SpaceX reporté à 2020

Le lanceur Falcon Heavy de SpaceX et la cabine Red Dragon censée se poser sur Mars en 2020 (SpaceX).

Le premier vol privé vers Mars n’aura pas lieu lors de la fenêtre de tir de 2018, comme l’avait annoncé Elon Musk et sa société SpaceX en septembre dernier. L’entrepreneur avait décidé de monter avec ses fonds propres une mission automatique de sa cabine propulsée Dragon vers la planète rouge, avec atterrissage à la clef—l’idée étant de renouveler l’opération tous les deux ans. Mais la multiplicité des programmes dans lesquels s’engage SpaceX et les retards de développement ont eu raison de cet ambitieux calendrier et le vol a été reporté à 2020.

C’est en particulier l’intérêt de deux touristes millionnaires pour un vol vers la Lune fin 2018, utilisant le même lanceur Falcon Heavy et la même cabine Dragon, et qui serait un vol payant, qui a sans doute motivé en partie ce glissement de calendrier. D’autant que la NASA, principal client de SpaceX, verrait d’un mauvais œil que leur prestataire se disperse dans autant de projets, alors qu’elle compte à juste titre être prioritaire dans le développement, les tests et la mise en service du Dragon pour emporter ses propres astronautes vers la Station Spatiale Internationale, également fin 2018. Quant au lanceur nécessaire à ces opérations—le Falcon Heavy de SpaceX—son vol inaugural n’aura lieu que cet été : tout problème majeur lors du test ferait de nouveau glisser le calendrier.

Avec ses 6 tonnes, le vaisseau Red Dragon de SpaceX sera le plus lourd engin jamais posé sur Mars (SpaceX).

Ce n’est que partie remise, en 2020 donc, pour la tentative d’atterrissage sur Mars de la lourde cabine Dragon, pesant près de 5 tonnes à vide, plus 1 tonne de fret à définir, soit six fois plus que le plus lourd des engins posés à ce jour sur Mars (la tonne que représentait la sonde Curiosity de la NASA). Du coup, 2020 sera un cru exceptionnel pour l’exploration de Mars avec la même année les missions d’atterrissage Dragon de SpaceX, Mars Rover 2020 de la NASA (le jumeau amélioré de Curiosity), l’ExoMars de l’Agence Spatiale Européenne, et un atterrisseur Chinois avec sa propre automobile ! Quatre grandes missions martiennes à suivre…

Numéro spécial “L’Homme sur Mars”

Le lanceur lourd SLS en cours de construction pour la NASA pourra lancer 50 tonnes vers Mars (NASA)

En kiosque en ce mois de mars : un numéro spécial de Ciel & Espace (N° 27) consacré à L’Homme sur Mars : le défi du siècle. J’ai eu le plaisir d’écrire plusieurs sections de ce numéro, en particulier ceux concernant les lanceurs et les vaisseaux nécessaires pour le vol— « S’arracher à l’attraction terrestre » (les lanceurs lourds) ; « L’alternative : le vaisseau interplanétaire de SpaceX », « Petits modules ou gros vaisseaux » (modules d’atterrissage et de séjour, module de remontée)—ainsi qu’un article sur les rayons cosmiques : « Les radiations, un risque maitrisable ».

Le module de remontée depuis le sol martien sur la planche à dessin: le MAV (NASA)

Dans ce numéro vous trouverez également des articles sur les motivations du voyage (par Richard Heidmann), sur l’atterrissage et les sites pressentis (par Philippe Henarejos), sur les simulations conduites sur Terre (avec un interview d’Alain Souchier de l’Association Planète Mars), et bien d’autres sujets. Un numéro de référence pour les profanes comme pour les passionnés…

Vivre sur Mars: simulation sur Terre “Desert Rats” de la NASA (le docteur Jacob Bleacher au travail) (NASA)