Et pendant ce temps là, Curiosity…

Alors que la sonde InSight a atterri avec succès le 26 novembre dans les plaines martiennes d’Elysium, il ne faut pas oublier notre vaillante automobile en activité sur la planète depuis plus de 6 ans maintenant : Curiosity (MSL) qui se trouve dans le cratère Gale, à 550 km seulement du nouvel arrivant.

Il faut aussi tirer un grand coup de chapeau à une autre automobile qui a rendu peut-être son dernier soupir, de l’autre côté de la planète : le rover Opportunity (MER), à poste depuis plus de 15 ans dans les plaines de Terra Meridiani. La tempête de poussière de cet été a tant obscurci ses panneaux solaires qu’à court d’électricité, elle s’est mise en hibernation. Son dernier signe de vie date du 10 juin. Il est à craindre que sur les pentes du cratère Endeavour qu’elle a tant exploré, la vaillante automobile a fini par s’éteindre. Mais 15 ans d’exploration : quel triomphe !

Le magnifique sol martien du cratère Gale, aux mystérieux minéraux sombres, photographié le 1er novembre par Curiosity.

Quant à Curiosity, elle est alimentée par un générateur radioisotopique (conversion de la chaleur d’une barre radioactive en électricité), donc elle ne craint pas l’obscurcissement des cieux et peut fonctionner hiver comme été. Elle n’a pas été épargnée par les soucis, néanmoins, le dernier en date ayant été une mémoire défectueuse de son ordinateur, incapable d’accumuler les données scientifiques et techniques. Les ingénieurs ont donc basculé de l’ordinateur B à l’ordinateur A (les deux étant redondants), et tout est rentré dans l’ordre. Curiosity vient d’atteindre une strate rocheuse baptisée Red Jura, sur le flanc de la crête Vera Rubin que le robot explore depuis plusieurs mois : une crête riche en hématite (un oxyde de fer) qui représente, tout comme les strates précédentes, les sédiments déposés au fond du lac qui a occupé le cratère Gale, il y a plus de 3 milliards d’années. Prochain objectif : des argiles en amont des couches à hématite (et donc en principe plus jeunes), sur lesquelles l’automobile roulera en s’approchant de la base d’Aeolis Mons—le massif au centre du cratère…

Une taupinière sur Mars ? Non, les rognures du carottage effectué sur Grey Jura, l’une des strates de la crête rocheuse Vera Rubin, où officie Curiosity.

InSight à poste sur Mars

La sonde InSight de la NASA s’est posée sur Mars le lundi 26 novembre, dans les plaines volcaniques d’Elysium, avec deux appareils scientifiques en cours de déploiement sur la planète rouge : un capteur du flux thermique émanant du sous-sol martien (instrument HP3 de l’agence spatiale allemande), et un sismomètre français, conçu par le CNES et l’Institut de Physique du Globe de Paris, sous la houlette de Philippe Lognonné.

Le sismomètre SEIS vu en coupe, avec sa cloche extérieure qui protège l’instrument du vent (NASA)

On attend beaucoup de ce sismomètre SEIS, en cours de déploiement par le bras robotique sur le sol, à proximité de la sonde. Protégé du vent par une cloche, il devrait pouvoir déceler des séismes de magnitude 3,5 ou plus, à grande distance de la sonde (pour mémoire, un séisme de magnitude 3,5 sur l’échelle de Richter est tout juste décelable par un être humain s’il se déclenchait dans ses environs immédiats). On s’attend à ce qu’il y ait une cinquantaine de tels séismes sur Mars chaque année. Des séismes encore plus énergétiques, de magnitude 4,5 ou plus (sur Terre, de tels séismes font vibrer les maisons dans un rayon de plusieurs kilomètres autour de l’épicentre) devraient également survenir sur Mars une demi-douzaine de fois par an.

Modèle de l’intérieur de Mars, avec le manteau en brun et le noyau de fer en orange, dont on ignore encore s’il est solide ou liquide. (© IPGP/David Ducros)

Non seulement l’instrument français va nous donner une estimation précise du nombre de séismes sur Mars, mais en analysant les trains d’onde reçus—qui auront traversé en chemin l’intérieur de la planète—les planétologues devraient être capables d’estimer les épaisseurs respectives de la croûte, du manteau et du noyau. Les dimensions et l’état du noyau de fer au centre de la planète rouge les intéressent tout particulièrement. Comme ce noyau ne dégage plus de champ magnétique depuis très longtemps (environ 4 milliards d’années), la tentation est grande de penser que le fer autrefois liquide s’est solidifié, empêchant tout brassage générateur de champs électriques et magnétiques. Mais ce n’est pas si simple que cela : la partie supérieure du noyau peut encore être liquide, mais trop mince pour abriter de telles cellules de convection. Ou même être totalement liquide, mais pareillement « à l’arrêt », par manque de gradient thermique en son sein, car trop bien isolé du reste de la planète, et donc en état « isotherme ». On attend donc avec impatience les premiers tremblements… de Mars.

Pour en savoir plus : devenez membre de l’Association Planète Mars (APM). J’y consacre un article plus détaillé sur la sismologie martienne, qui paraîtra dans son prochain bulletin : planete-mars.com