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Mars et l’Ukraine

Mars, dieu de la guerre, se retrouve au cœur de l’actualité à plus d’un titre, suite à l’invasion de l’Ukraine. Le tollé de la communauté internationale et notamment de l’Europe aura raison de l’ambitieux projet européen ExoMars, qui visait à lancer le premier rover de l’ESA vers la planète rouge, courant 2022. Ce rover de 300 kg, baptisé Rosalind Franklin, devait se poser dans Oxia Planum, en bordure du bassin de Chryse, et étudier roches et minéraux à la recherche de traces de vie présentes ou passées.

Test d’intégration du rover d’ExoMars “Rosalind Franklin” sur la plateforme d’atterrissage russe “Kazachok” (ESA/Thales Alenia)


Le projet a été maintes fois retardé, de deux ans en deux ans, vu la fenêtre de tir bi-annuelle vers la planète rouge : prévu à l’origine en 2018 sur une fusée Atlas américaine, le lancement avait d’abord été repoussé à 2020, suite au forfait des Américains, l’Europe se tournant alors vers la Russie pour le lanceur ainsi que pour la plateforme d’atterrissage (Kazachok) devant délivrer ExoMars en douceur au sol. Puis ce sont les tests peu convaincants des parachutes du module de descente qui forcent le report du lancement de 2020 à septembre 2022.

Cette fois, c’est l’invasion de l’Ukraine par la Russie qui jette à bas le projet, les coopérations spatiales avec la Russie étant gelées, d’abord par la Russie qui annule tous les lancements de sa fusée commerciale Soyouz depuis Kourou en Guyane – en réaction aux sanctions décidées par l’Europe – puis par l’Europe elle-même. Si la déclaration de Josef Aschbacher, directeur de l’ESA, le 28 février 2022, est diplomatiquement prudente, spécifiant que « les sanctions et le contexte plus général rendent un lancement en 2022 très improbable », le nouveau report de la mission ne fait aucun doute.
Heureusement, le rover européen n’avait pas encore été livré à Baïkonour pour intégration sur le lanceur russe Proton, de sorte qu’il n’a pas été pris en otage.

La fusée russe Proton qui devait lancer ExoMars vers la planète rouge (Roskosmos)

Ce nouveau report de la mission, à fin 2024 au plus tôt, est d’ailleurs, très probablement, un mal pour un bien. La plateforme de descente russe Kazachok avait déjà échoué dans sa tentative de poser sur Mars la sonde de l’ESA Schiaparelli en 2016 et, de fait, l’URSS et la Russie ne sont jamais parvenus à poser la moindre sonde en douceur sur Mars, alors que les États-Unis y sont parvenus huit fois sur neuf. Si les relations entre l’Europe et la Russie continuent de se détériorer, il est encore temps de changer de monture et de lancer ExoMars sur une plate-forme d’atterrissage américaine et un lanceur américain ou européen, en 2024 ou 2026. Les chances de réussite de la mission, et la force politique de l’Europe en sortiraient renforcées.

Retour sur la Lune retardé

C’était bien sûr hautement prévisible. Le vœu pieux de Donald Trump de poser des Américain(e)s sur la Lune d’ici 2024 – calendrier adoubé par une NASA trop passive pour signifier au président qu’il était irréaliste et impossible – est en train d’être rattrapé par la réalité.
Ce programme Artemis est en effet la proie de nombreuses difficultés. La capsule Orion – successeur d’Apollo – n’a effectué qu’un vol inhabité jusqu’à présent ; la fusée SLS – successeur de la Saturn V – n’a toujours pas volé une seule fois ; et surtout l’atterrisseur lunaire destiné à poser les astronautes sur la Lune – le successeur du LEM – n’est qu’un projet pour l’instant : une adaptation de l’étage supérieur Starship de Space X dont les tests sont certes avancés, mais dont l’architecture doit être modifiée pour se poser sur la Lune et en redécoller, et qui doit être lancée en orbite terrestre basse et ravitaillée par le gros étage Heavy Lift de Space X qui n’a lui-même pas encore volé.

Le Starship de SpaceX posé sur la lune. Les astronautes utiliseront un ascenseur pour descendre au sol.

On passera discrètement sur le projet parallèle de la NASA de construire une station orbitale autour de la Lune (le Lunar Gateway) qui ne sert pas à grand-chose et ne fait que détourner les ressources de la NASA de sa mission première.
Même la première phase la plus facile du programme Artemis – envoyer simplement des astronautes faire le tour de la Lune et revenir sur Terre, comme au temps d’Apollo 8 – est en train de glisser d’une manière de plus en plus inquiétante. Un premier vol inhabité d’une cabine Orion autour de la Lune, d’abord prévu en 2020, puis en 2021, est désormais prévu en février 2022 au plus tôt ; et le vol d’une seconde cabine Orion autour de la Lune (mission Artemis II), cette fois avec des astronautes à bord, glissera logiquement à fin 2023, voire 2024.

La cabine Orion et son étage de croisière européen (l’ICPS) devrait prendre la route de la Lune en février 2022, sans astronautes à bord (mission Artemis I)

Selon ce calendrier, même si le troisième vol Artemis III était celui qui ferait rendez-vous avec Starship pour poser des astronautes sur la Lune, on serait déjà en 2025.
Mais même ce calendrier est douteux :  le Bureau de l’Inspecteur Général de la NASA (OIG) a publié ce 15 novembre un rapport soulignant que tout nouveau programme de vaisseau spatial, comme l’atterrisseur Starship d’Elon Musk, est estimé, selon les précédents historiques, à glisser de trois ou quatre ans. Résultat des courses : il faut plutôt prévoir le retour des Américain(e)s sur la Lune entre 2026 et 2028.
Cela remet les États-Unis et la Chine dos à dos, quant à qui sera la première nation à concrétiser le retour d’astronautes sur la Lune, et notamment à y poser la première femme, grande première que se disputent les nouveaux grands rivaux de la course à la Lune…

Trump remet Mars dans la course

Imprévisible, Donald Trump n’a pas fini d’étonner son monde. Alors qu’au mois d’avril il a enjoint la NASA à accélérer ses projets jusqu’alors soporifiques de retourner « vers » la Lune, et asséné comme objectif d’y poser des astronautes avant 2024 –ce qui apparaît irréaliste à nombre de critiques, mais en tout cas provocateur– voilà que le président américain secoue une nouvelle fois le cocotier en clamant haut et fort que même cette ambition est insuffisante.
Trump avait déjà déboussolé la NASA en tweetant le 7 juin que « la NASA ne devrait pas parler de retour sur la Lune », rappelant que l’homme sur la Lune remontait déjà à 50 ans, « mais devrait se focaliser sur les plus grands projets que nous faisons, notamment Mars… dont la Lune fait partie. »

Les astronautes d’Apollo 11 Michael Collins (à gauche) et Buzz Aldrin (à droite) ont fait clairement savoir à Donald Trump qu’ils préfèrent Mars à la Lune. Crédit : AP Photo/Alex Brandon

Le 20 juillet, le président américain a remis le débat Lune/Mars sur la table, à l’occasion d’une cérémonie à la Maison Blanche en présence de Buzz Aldrin et Michael Collins, deux des astronautes de l’équipage mythique d’Apollo 11, et ardents supporters d’un projet de vol piloté visant directement la planète rouge. « Pourquoi pas ce concept de Mars direct ? », a lancé Donald Trump à l’intention de Jim Bridenstine, l’administrateur de la NASA également présent, « Y a-t-il une façon d’y aller directement sans se poser sur la Lune ? Est-ce que ça fait partie du possible ? »
Et si Bridenstine s’est lancé dans la ritournelle qu’il faut d’abord apprendre à séjourner sur la Lune et qu’un lancement vers Mars se ferait depuis la future station Gateway en orbite autour de cette dernière, le président tient à remettre en question cette pensée unique. En interrogeant Mike Collins, qui a livré le fond de sa pensée en lâchant un laconique « Mars direct », Trump a repris la balle au bond : « Ça me semble à moi être Mars direct. Je veux dire, qui en sait autant que ces deux hommes ? Ils font ce boulot depuis longtemps. Alors pourquoi pas ce concept de Mars direct ? » Et de tancer l’administrateur de la NASA en ces termes : « J’aimerais que vous écoutiez le camp opposé, parce qu’il y a des gens qui aimeraient faire ça d’une autre façon. Alors écoutez Buzz et ces gens-là […] Je sais qu’on est déjà bien engagé [avec le programme lunaire Artemis], mais j’aimerais entendre le camp opposé. D’accord ? »
Un surprenant soutien du président américain à l’exploration humaine de Mars, et une remise en cause du programme lunaire, prenant à contrepied son propre camp. Décidemment, Trump n’a pas fini de nous surprendre…

Objectif Lune… ou à peu près

Directive lunaire signée, avec l’astronaute Harrison Schmitt derrière le document, et Buzz Aldrin à droite.

Donald Trump vient de signer en ce 11 décembre 2017 une directive de son Conseil de l’Espace, enjoignant la NASA et les Etats-Unis à reprendre des vols habités vers la Lune, et éventuellement vers Mars. On connaît le projet concocté par la NASA qui consiste à assembler une mini-station orbitale entre la Terre et la Lune, censée desservir les projets—éventuels eux-aussi—de poser hommes ou robots à sa surface. Un projet aussi flou que le financement ou le calendrier du projet, que Trump et son Conseil se gardent bien de préciser. Autant dire : du vent.

Le “Deep Space Gateway”, station orbitale proche de la Lune et sans but précis

La cérémonie de signature de la directive était d’autant plus pénible à voir qu’y était invité Harrison « Jack » Schmitt, dernier astronaute Apollo à avoir marché sur la Lune, il y a 45 ans jour pour jour. « Aujourd’hui, nous nous engageons qu’il ne sera pas le dernier » déclara Trump, avant d’ajouter que des astronautes pourraient aussi se poser ailleurs, et se tournant vers Schmitt : « Qu’en penses-tu, Jack, on va trouver d’autres endroits là-haut ? »
« Oui, on devrait » se hasarda à répondre Schmitt, avant de répéter le credo de l’administration : « Apprenons de la Lune. »
À en écouter leurs responsables gouvernementaux, on n’est pas près d’aller sur Mars.

Elon Musk et sa roadster Tesla dont il va devoir se séparer…

Par contraste, dans le secteur privé, Elon Musk et sa société SpaceX ne ratent pas une occasion d’y aller. Comme au mois de janvier ils vont finalement tester en vol pour la première fois leur nouvelle fusée poids-lourd Falcon Heavy (sans charge utile attitrée), et qu’il y assez de propergol dans le second étage pour propulser une lourde masse hors du champ de gravité terrestre, pourquoi ne pas envoyer quelque chose vers Mars ? Il est évidemment trop tard pour concevoir une sonde, sans budget de surcroît, de sorte que l’idée est venue au fantasque Elon Musk d’y envoyer sa propre voiture de sport—une roadster Tesla pimpant rouge—et cela uniquement pour le fun. Histoire de faire jaser. On peut imaginer la tête que ferait une intelligence extraterrestre, si elle découvrait l’improbable décapotable de Musk dérivant dans l’espace. Au moins y verrait-elle une manifestation de l’humour terrestre, alors qu’à la vue de la future station lunaire de l’administration Trump, ni sur la Lune, ni trop loin quand même, elle aurait sans doute du mal à décider si c’était une autre blague ou non…

Retour automatique d’échantillons

Dans le cadre de son analyse « à mi-mandat » du plan décennal d’exploration planétaire de la NASA (qui date de 2011), un comité représentant les Académies américaines a souligné tout le bien qu’il pensait d’un retour d’échantillons de la planète Mars par un système de sondes automatiques. Maintes fois proposée, une telle mission rapporterait quelques centaines de grammes ou quelques kilogrammes de sol et de roches. Le comité propose de saisir la fenêtre de tir de 2026 pour poser sur Mars une plateforme munie d’un rover pour récupérer les échantillons, et d’un propulseur pour les remonter en orbite martienne. Là un vaisseau automatique attendrait le colis pour le rapatrier sur Terre.

Le “cache” à échantillons du rover de 2020 (Nasa/JPL/Caltech)

L’idée serait que les échantillons soient déjà ramassés sur Mars par le rover « Curiosity-2 » dont le lancement est prévu en 2020. En 2026, le nouveau rover n’aurait pour mission que d’aller chercher le colis préparé par son prédécesseur et le charger à bord de l’étage de remontée. Les partisans de cette stratégie insistent sur la date de 2026, car il resterait assez de sondes en orbite martienne munies de systèmes de télécommunications (par exemple le MRO de la NASA et le TGO de l’ESA) pour coordonner les manœuvres. Au-delà de cette date, la vétusté de ces satellites pourrait être rédhibitoire et impliquer le lancement d’une autre pièce du puzzle—le chaînon de télécommunications—ce qui augmenterait les coûts.

On notera au passage qu’aucun budget n’est estimé pour une telle mission : or ce fut chaque fois l’obstacle à la réalisation du projet. D’autre part, faire l’économie d’un satellite de télécommunications en serrant le calendrier est un argument pour le moins fallacieux, car on peut deviner que ce n’est pas là que se cache le coût d’un tel projet. Et comme ce dernier ne peut que prendre du retard, vu sa complexité, cela réintroduira certainement, et a posteriori, la nécessité d’un nouveau satellite de télécommunications. L’argument est d’autant plus bizarre qu’il laisse entendre que la NASA n’a pas besoin de nouveau satellite pour étudier Mars dans les six ans à venir (lequel pourrait, comme ses prédécesseurs, servir de relai de télécommunications).

Il n’en demeure pas moins que rapporter sur Terre des échantillons martiens collectés par le rover de 2020 serait bigrement intéressant. Le tout, c’est de s’en donner les moyens et ne pas faire entrer en ligne de compte de faux arguments…

NASA : la Lune sur la route de Mars

Les orientations du programme spatial piloté de la NASA se sont peu à peu décantés au mois d’avril 2017 et l’agence a accouché d’un projet qui consiste à bâtir une mini station orbitale autour de la Lune, tout en ne s’intéressant pas… à la Lune. On en arrive au summum de l’incohérence, ou plutôt de la logique industrielle qui consiste à continuer de fabriquer des modules pour ne pas en faire grand chose, pourvu qu’elles remplissent un carnet de commandes.

La NASA, avec le soutien, sinon du Président des USA, sinon du Congrès, avait développé ces dernières années un gros lanceur de classe Saturn V (le SLS, Space Launch System) et un nouveau véhicule de classe super Apollo (Orion), qui pourra véhiculer 4 ou 6 astronautes en orbite terrestre ou vers la Lune. Le vol inaugural de l’ensemble est prévu fin 2018 sans équipage ou peut-être fin 2019 avec équipage, avec un contournement de la Lune de style Apollo 8 ou Apollo 13.  Mais la finalité de ce hardware a toujours baigné dans le flou le plus total.

Le “Deep Space Gateway”, une station spatiale autour de la Lune… sans finalité aucune.

Aujourd’hui, l’idée serait de construire des modules de type Station Spatiale Internationale qui seraient assemblés en orbite lunaire pour y accueillir des astronautes, toujours sans vision de ce qu’ils pourraient bien y faire. Le nom même de l’ensemble est évocateur—ou plus précisément non-évocateur : Deep Space Gateway, ou “Portail d’entrée à l’espace profond”. On construit une porte, mais sans savoir où elle va. La logique voudrait que la station circumlunaire serve d’étape pour une mission qui se poserait sur la Lune. Mais ce n’est même pas imaginé par la NASA à l’heure actuelle. L’agence américaine rêve sans doute que l’Europe sera très contente de financer et de construire quelque chose pour justifier leur incohérence, à savoir un module lunaire pour se poser sur la Lune et une base pour y séjourner Encore faudrait-il que l’Europe en ait les moyens.

L’ébauche de programme piloté de la NASA jusqu’en 2026 avec leur nouvelle fusée SLS et la construction du Deep Space Gateway en orbite lunaire…

…puis à partir de 2028 la construction d’un nouvel ensemble, le Deep Space Transport, à vocation martienne.

Là où on frise le surréalisme, c’est qu’après avoir construit une station qui ne sert à rien, on enchaînerait tout de suite avec la construction d’un second ensemble en orbite lunaire, le Deep Space Transport… pour voler vers Mars. Comment finance-t-on les deux ensembles en même temps ? À quoi sert le premier, si l’objectif est le second ?  Et pourquoi construire le second autour de la Lune, s’il n’a rien à y faire ?

Le Deep Space Transport de Boeing : en route vers Mars en 2030… après dix ans perdus à faire autre chose.

En attendant de voir ce programme rocambolesque se clarifier, on en arrive toujours à la même question concernant le programme piloté de la NASA : y a-t-il un pilote à bord ?

Perdre du temps sur la Lune

Un village sur la Lune proposé par l’Agence Spatiale Européenne. Mais pour quoi faire ? (Photo ESA/Fostner + Partners)

Le 33ème Symposium Spatial, qui s’est tenu du 3 au 6 avril dans le Colorado, a été l’occasion pour les responsables des programmes spatiaux de nombreux pays de se réunir, notamment lors d’une table ronde évoquant l’avenir des vols pilotés. Le vide créé par l’absence de projet détaillé à la NASA pour la conquête humaine de Mars a permis à de nombreuses agences de se positionner en faveur d’une exploration préalable de la Lune—un vieux serpent de mer qu’a défendu de nouveau le directeur général de l’Agence Spatiale Européenne, Jan Woerner, à travers son concept de « Moon Village ». La Russie et l’Ukraine ont aussi fait entendre leur voix en faveur de la Lune, ne voulant manquer aucune opportunité d’être associé à un grand programme, quel qu’il soit.

Robert Walker, consultant de Donald Trump en affaires spatiales, modère un débat où Lune et Mars se sont confrontés (photo Tom Kimmel,  via Space News)

Mais on attend toujours de savoir à quoi une telle base lunaire servira. Pas vraiment à préparer le vol piloté vers Mars, sinon à le reporter aux calendes grecques, car se poser sur la Lune n’a rien à voir avec le challenge de se poser sur Mars (autant se poser en Australie), et contrairement à ce que voudrait une certaine propagande scientifique, on ne va pas non plus apprendre à faire du carburant sur la Lune pour un vol martien. On apprendra à le faire sur Mars, tout comme on apprendra à vivre sur Mars… sur Mars.

On notera le silence des Etats-Unis sur la question lors du débat, qui laissent leurs concurrents et alliés se disperser, ce qui leur permettra de garder d’autant mieux la main lorsqu’ils définiront pour de bon l’objectif Mars. Seule la voix de l’Italie, à travers son représentant Roberto Battiston, s’est élevée pour remettre les pendules à l’heure : « Nous pensons que l’avenir c’est Mars, plutôt que la Lune […] il faut vraiment relever le prochain challenge, qui est Mars. »

Trump soutient l’Homme sur Mars

Le président Donald Trump signe la loi promulguant le budget et les objectifs de la NASA, sous l’oeil de son principal instigateur, le sénateur républicain du Texas Ted Cruz (à gauche). (Photo Bill Ingalls/NASA)

Le 21 mars, le président Donald Trump a signé un projet de loi—« Bill 442 »—qui établit le budget de la NASA jusqu’à fin 2017, tout en établissant les priorités de l’agence spatiale. Élaborée à l’initiative de Ted Cruz, sénateur républicain du Texas, et sept autres de ses confrères, cette loi reflète en fait les desiderata de la chambre et du sénat à majorité républicaine, le président Trump ne faisant que lui donner son feu vert. On y relève pour la première fois la volonté affichée d’une exploration humaine de la planète Mars en ces termes : « La feuille de route des vols pilotés devra inclure un ensemble intégré d’exploration, de science et d’autres buts et objectifs du programme d’exploration pilotée des Etats-Unis visant à atteindre le but à long terme de missions humaines à proximité ou à la surface de Mars dans les années 2030. » Et même plus précisément, la date du premier lancement d’un vol piloté vers Mars est fixée à 2033—un panel d’experts devant être constitué pour étudier cet objectif dans les quatre mois à venir, soit pour la mi-juillet.

On relèvera aussi que la loi renouvelle ses critiques à l’égard du projet soutenu par la NASA jusqu’alors contre vents et marées, cherchant à fixer comme prochain objectif de ses vols pilotés le remorquage d’un morceau d’astéroïde jusqu’en orbite lunaire où un équipage viendrait l’échantillonner. Réfutant l’intérêt de cette mission, comme l’ont fait nombre de critiques dans la profession, la loi signe en fait son arrêt pur et simple, tout en reconnaissant que des étapes sur la route de Mars pourraient être un retour sur la Lune, voire sur Phobos, lune de Mars. La loi renouvelle en revanche toute sa confiance au programme du nouveau lanceur lourd SLS en cours de développement (dont le tir inaugural pourrait avoir lieu fin 2018) et celui de la capsule Orion, tout en encourageant les fusées et modules du secteur privé, tous nécessaires à la conquête de Mars.

Parmi les grands perdants de la loi promulguée, 200 millions de dollars sont coupés du budget de la NASA (qui passe de 19,7 à 19,5 milliards) dans une attaque qui vise principalement les sciences de la Terre et notamment les satellites dédiés à l’étude du changement climatique, les climato-sceptiques étant très influents au sein du nouveau gouvernement, ce qui est évidemment une catastrophe pour la science et pour l’environnement. Autre coupe : les fonds qu’utilisait la NASA pour son programme éducatif, pourtant si précieux pour les jeunes, et que l’on peut interpréter comme une volonté supplémentaire du gouvernement et du sénat de contrôler ce qui est enseigné à propos de la Terre et de l’Univers.

Conseiller économique du président, mais néanmoins critique, Elon Musk n’est pas impressionné par cette loi du “statu quo”.

En d’autes termes, comment il est possible dans la même loi à la fois de voguer vers l’avenir et de replonger dans le Moyen Âge. Quant à Elon Musk, président de SpaceX, il ne se réjouit pas de cette loi qui, selon son tweet, « ne change pratiquement rien à ce que fait la NASA. Les programmes en cours restent en place et aucune somme supplémentaire n’est allouée au programme martien. »

Donald Trump et la NASA

trump-nasaÀ quelques jours de l’investiture de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, le 20 janvier, l’avenir du programme spatial américain reste très flou. Si Hilary Clinton avait gagné, ou même un Républicain du sérail, il est fort à parier que le programme piloté aurait glissé vers un objectif résolument lunaire : le retour d’astronautes américains sur la Lune dans le cadre d’un vaste programme international impliquant l’Europe. Depuis l’élection de Trump, la constitution de son équipe de transition à la tête de la NASA, déjouant les pronostics quant aux cadres pressentis, ainsi que le peu d’informations qui filtrent en dehors de cette équipe, laissent les observateurs perplexes.

En premier lieu est sur la sellette la nouvelle fusée superpuissante SLS conçue par la NASA pour les missions pilotées loin de la Terre, et dont le vol inaugural est prévu pour 2018. De nombreux critiques pensent que les nouvelles fusées devraient dorénavant être construites par le secteur privé. L’administration Trump jouera-t-elle la continuité en laissant se poursuivre ce programme, ou le jettera-t-elle aux oubliettes, continuant à la suite de Bush et d’Obama la valse-hésitation qui mène la NASA nulle part ?

Vue d'artiste du futur lanceur SLS, plus puissant que la Saturn V des vols Apollo
Vue d’artiste du futur lanceur SLS, plus puissant que la Saturn V des vols Apollo

Le Sénat républicain a pris les devants pour voter un texte, sans valeur législative mais qui indique en tout cas les priorités qu’il voudrait voir Donald Trump adopter : soutien au programme de fusée SLS et à son vaisseau piloté Orion, mention d’une étape lunaire sur la route de Mars (avec en même temps un questionnement quant à l’utilité de se disperser en allant explorer un astéroïde), et—chose étonnante—une mission pilotée martienne en 2023. À si brève échéance (c’est dans six ans !) il ne pourrait bien sûr s’agir que d’un survol et pas d’un atterrissage sur la planète rouge. Mais ce ne sont là que les vœux pieux d’un Sénat qui exerce certes une grande influence sur le pays, mais qui n’aura pas le dernier mot. C’est donc toujours dans l’expectative totale qu’on attend de Donald Trump qu’il fixe les grandes orientations de la NASA pour les années à venir…

Schiaparelli : leçons d’un échec

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Dans un précédent article, nous avions souligné combien il était difficile de se poser sur Mars, et qu’il fallait d’abord passer par des échecs et en tirer des leçons pour maîtriser la séquence. Avec l’écrasement de sa sonde Schiaparelli, l’Europe en a fait aujourd’hui les frais, mais heureusement a récolté suffisamment de données pour reconstituer le scénario de l’accident.

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