Archives pour l'étiquette arbre saint

El Hierro : le nouvel arbre fontaine et Leoncio Oramas Díaz-Llanos (1947-1948)

Par le menu, je conterai l’histoire de la plantation du nouveau Garoé ou Arbre saint ou bien arbre fontaine de l’île d’El Hierro aux Canaries entre 1947-1948. Surtout d’ailleurs, je vais essayer de montrer ce  qu’il y a derrière la restauration, au sens politique, d’un arbre symbole voire un arbre-totem. Le Garoé avait disparu au début du XVIIe siècle mais avait laissé de nombreuses traces dans les récits d’histoire y compris celle naturelle. Dans un contexte de sécheresse, cet arbre sacré recueillait, à son pied, l’eau du brouillard précipitée auparavant, sous forme de gouttelettes, sur ses feuilles. Au début des années 1940 le texte de Leonardo Torriani, édité par Dominik Wölfel (en allemand) à Leipzig, n’était connu dans l’archipel que des quelques personnes férues d’histoire, d’archéologie et de traditions. La référence bibliographique complète est la suivante :

Torriani, Leonardo, Wölfel, Dominik Josef (Hrsg.) Die kanarischen Inseln und ihre Urbewohner eine unbekannte Bilderhandschrift vom Jahre 1590; Quellen und Forschungen zur Geschichte der Geographie und Völkerkunde, Band 6, Leipzig, 1940.

Il s’agissait d’une édition bilingue italien-allemand et, bien sûr vu la dureté des temps en 1940, partielle et non illustrée. Toutefois, grâce à Dominik Wölfel le gisement des riches archives de Torriani était bien identifié à Coimbra, la capitale historique du Portugal où l’architecte italien résida jusqu’à son décès en 1628, après être passé du  service du roi d’Espagne à celui du Portugal (faisant un chemin inverse, quant à ses commanditaires, de celui de Christophe Colomb !).

Carte des Canaries de l’an 1590 par Leonardo Torriani. L’île d’El Hierro est la pince gauche du crustacé et celle de Tenerife, plus grande, en est la tête. Source : Biblioteca General da Universidade de Coimbra, catalogue number Ms. 314, folio 8r.). https://proyectotarha.org/en_GB/2016/05/13/esenciales-iv-descripcion-e-historia-del-reino-de-las-islas-canarias/

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Amérique : conquistadors, déforestation et changement climatique

En avril dernier dans la revue L’Histoire et plus précisément dans la rubrique Le coin des chercheurs, Jean-Baptiste Fressoz a publié un article au sujet de l’importance de la prise de conscience, chez les conquistadors et leurs compagnons, de la déforestation et de ses conséquences qu’ils observaient et cherchaient à comprendre. Fressoz travaille des textes à partir du XVe siècle et il évoque, dans un large encart, l’exemple de l’arbre saint de l’île d’El Hierro aux Canaries et donc sur la route maritime de l’Amérique.

Dessin ancien de l’arbre saint ou encore arbre fontaine ou bien Garoé, repris par Baldini (1993). El Hierro, Canaries.

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El Hierro : l’homme qui plantait des arbres fontaines

La science est aussi une histoire d’amitiés. C’est parce que j’avais connu un ingénieur spécialisé dans le développement des zones arides au Niger en 1985 qui travaillait alors dans un pays voisin encore plus pauvre, le Tchad après une guerre civile, que je suis allé quelques années plus tard sur l’île d’El Hierro.
Andrés Acosta Baladón, c’était son nom – un homme petit mais vaillant aux jambes arquées peut-être la marque d’une jeunesse passée en partie à cheval dans son lointain Uruguay natal où les animaux sont bien plus nombreux que les hommes -, m’avait intrigué puis passionné avec ses filets attrape-brouillard et son histoire des usages traditionnels pour capturer l’eau de la brume dans les déserts côtiers grâce aux agaves et d’autres plantes. Entre autres, Andrés m’avait parlé de l’arbre fontaine ou arbre saint d’El Hierro aux Canaries qui avait existait là-bas jusqu’en 1610 et qui était utilisé comme source d’eau par les aborigènes berbères, les Guanches, avant la conquête espagnole au XVème siècle et encore au-delà. Continuer la lecture