En avril dernier dans la revue L’Histoire et plus précisément dans la rubrique Le coin des chercheurs, Jean-Baptiste Fressoz a publié un article au sujet de l’importance de la prise de conscience, chez les conquistadors et leurs compagnons, de la déforestation et de ses conséquences qu’ils observaient et cherchaient à comprendre. Fressoz travaille des textes à partir du XVe siècle et il évoque, dans un large encart, l’exemple de l’arbre saint de l’île d’El Hierro aux Canaries et donc sur la route maritime de l’Amérique.
Dessin ancien de l’arbre saint ou encore arbre fontaine ou bien Garoé, repris par Baldini (1993). El Hierro, Canaries.
Voyager proprement reste un rêve pour la plupart car gaspiller beaucoup d’énergie est souvent synonyme d’aller vite. L’île d’El Hierro en particulier et les Canaries restent liées, dans l’imagerie populaire, à une époque des découvertes où pourtant les navigateurs n’allaient pas vite. A la voile, bien des célébrités qui ont changé le monde ou sa perception sont passées par là : Christophe Colomb, le défenseur des Indiens Bartolomé de las Casas et l’inventeur de l’écologie scientifique Alexander von Humboldt qui décrivit entre autres avec émerveillement en 1799 l’île de Tenerife dominée par le volcan Teide et ses plus de 3 700 mètres d’altitude (en espagnol). Dans cet univers de voiliers et sur le chemin des alizés, les îles Canaries offraient des escales bénéfiques lors du long voyage de l’Europe vers l’Amérique tropicale. Elles étaient des terres de passage quasi-obligé jusqu’au XVIIIe siècle quand l’Amérique était essentiellement forte d’une économie sucrière prospère et un continent riche en or, argent et pierres précieuses c’est-à-dire avant le développement des Etats-Unis.
Certainement sans que ses quelques milliers d’habitants se dédiant à l’agropastoralisme le sachent d’autant que l’île d’El Hierro dépendait administrativement de celle voisine de La Gomera. Sur cette dernière, se trouvait le plus proche port fortifié et donc retenu sûr face aux pirates : celui de San Sebastian de La Gomera où Christophe Colomb relâchait. L’île d’El Hierro, au point de vue maritime, est restée au fil des siècles un endroit fort calme d’un abordage pas facile.
Cette tranquillité fait que son petit port de pêche moderne de La Restinga qui ne remonte qu’aux années 1960 – il est né spontanément à partir du dépôt frigorifique d’un armateur de La Gomera – est souvent choisi par les voiliers comme ultime abri avant le grand large et les Amériques. El Hierro est, par conséquent, encore le point zéro de leur voyage. El Hierro a également retenu l’attention – grâce à son bon état écologique, ses énergies renouvelables et ses riches fonds sous-marins – de l’équipage du bateau à pile à combustible hydrogène, Energy Observer pour un prochain documentaire sur Canal+ programmé en avril 2018, selon les dernières informations.
Photographie de la page Godille sur Facebook avec Hervé Le Merrer en Bretagne. La petite embarcation porte le nom d’Eizh An Eizh (« Huit à huit », en breton, comme le mouvement de la godille).
Néanmoins son navigateur-constructeur n’a pas badiné avec la sécurité et le seul élément ultra-moderne est le matériau des cinq godilles embarquées qui est la fibre de carbone.
« Les climats, les saisons, les sons, les couleurs, l'obscurité, la lumière , les éléments, les aliments, le bruit, le silence, le mouvement, le repos, tout agit sur notre machine, et sur notre âme . » Jean-Jacques Rousseau, Les confessions.