Ikaria, une petite île grecque de mer Egée orientale qui est connue encore sous le nom d’Icarie, possède la seconde centrale STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage-turbinage) hydro-éolienne en Europe. En place et en fonction depuis juin 2014, le modèle hydro-éolien d’El Hierro a fait école ou bien il a essaimé dans le domaine des EnR (les énergies renouvelables). L’essaimage pour les entreprises et les réalisations techniques est une phase nécessaire pour leur validation. Appelée Naeras, la seconde STEP hydro-éolienne européenne a été inaugurée en juin 2019 par la PPC (Greek . La vidéo suivante fera la part belle au choc des images tandis que les mots ne sont pas légion. )
A l’inverse, les îles grecques sont légion et par conséquent, une carte sera utile pour retrouver celle d’Ikaria. Cette dernière est près des côtes turques. Des Grecs modernes l’incluent dans les Cyclades, par sa proximité avec cet archipel dans leur pays, mais les îliens refusent cet amalgame. L’île, avec sa voisine de Samos qui est plus grande, est au centre de la mer Icarienne.
Oui, les eaux où tomba Icare, le mortel de la mythologie qui osa défier les dieux par son orgueil démesuré (hubris ou hybris en grec) en s’approchant trop près du soleil avec ses ailes de cire.
Il est important de noter que les îles d’Ikaria et d’El Hierro présentent bien des similitudes : des superficies proches (255 km2 contre 270) comme leurs populations (environ 8 500 habitants permanents contre 10 000 officiellement mais quelque 6 000, de nos jours, pour El Hierro). Bien sûr, elles sont montagneuses (sommets d’Ikaria à 1051 m et d’El Hierro à 1501 m) afin d’exploiter de forts dénivelés, en installant des conduites forcées pour les centrales hydro-électriques, et localisées, toutes les deux, dans des zones sismiques actives ce qui n’a pas freiné leurs concepteurs. Les centrales hydro-éoliennes d’Ikaria et El Hierro n’utilisent que de l’eau douce, bien qu’insulaires, à l’inverse des STEP marines. Ces îles sont aussi éloignées des capitales espagnole et grecque et non connectées avec le réseau électrique grec et espagnol. Certes Ikaria est interconnectée avec l’île grecque proche de Samos mais pas du tout avec le réseau électrique national de Turquie, un pays dont les côtes sont pourtant voisines. Antérieurement, les deux îles dépendaient presque exclusivement d’anciennes centrales thermiques au fioul (celle d’Ikaria, remontant à 1967, et celle d’El Hierro, à 1986). En anglais, on dit toujours diesel mais en fait, dans les centrales thermiques des îles qui sont traditionnellement négligées par le pouvoir central, c’est du fioul lourd qui émet encore plus de CO2 (dioxyde de carbone) et d’autres gaz et particules.
Le schéma du fonctionnement de la centrale hydro-éolienne d’Ikaria est plus complexe que sur El Hierro. Il sera appréhendé au travers du dessin ci-dessous, certes un peu petit mais qui sera complété par la carte, les illustrations et les explications suivantes.
Chez nous, en France, les STEP et, en général, les projets d’hydro-électricité ne sont plus de grande actualité et je le regrette. Par exemple l’ingénieur François Lempérière (ici une de ses tribunes) n’avait pas réussi, malgré son grand talent reconnu en France et à l’étranger, à dupliquer le modèle d’usine marémotrice de la Rance (Côtes d’Armor, Bretagne) mise en route en 1966. Sans compter la mise en œuvre des STEP marines sur la Manche et l’Atlantique qui est restée lettre morte. L’unique réalisation à ce jour fut la STEP marine d’Okinawa, sur l’île japonaise du même nom, qui avait été mise en place à partir de 1999 dans le site d’Yanbaru sur la mer des Philippines. Toutefois, cette centrale de 3,2 milliards de yens (26,5 millions d’euros) pour une puissance en crête de 30 MW (dite expérimentale et qui avait été soutenue par le puissant MITI) a été démantelée en 2016 ; elle ne jouait qu’un rôle trop marginal dans l’approvisionnement électrique d’un l’île (2 % au maximum) dont la demande n’a pas augmentée en ce début du XXIème siècle.
En montagne et dans un tout autre contexte, la grande STEP de Redenat en Corrèze est un projet à 1 milliard d’euros qui divise depuis longtemps et il restera dans les cartons. L’inverse est advenu chez notre voisin suisse avec la construction de la centrale géante de Linthal inaugurée en 2015 : une STEP de 1 450 MW soit l’équivalent d’un gros réacteur nucléaire civil et de quoi alimenter un million de foyers helvétiques en crête.
Il faut bien dire que, depuis la fin des années de la présidence de Gaulle et les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979, les énergies renouvelables ont connu un long tunnel en France.
Même une micro-STEP hydro-éolienne en Bretagne, sur le site de Berrien (soit des carrières à kaolin abandonnées, proches de la centrale nucléaire en cours de démantèlement de Brénnilis), est restée dernièrement au stade de projet malgré le soutien entre autres de l’Ademe.
A une autre échelle, avec une capacité installée de 240 MW, la centrale de la Rance en Bretagne est demeurée la plus grande usine marémotrice au monde pendant 45 ans, de sa mise en service en 1966 jusqu’au 4 août 2011, finalement détrônée par la centrale de Sihwa Lake en Corée du Sud, légèrement plus puissante (254 MW installés). C’est dire au total le quasi-blocage rencontré en France par tout nouveau projet d’hydro-électricité, qu’il soit petit ou grand, y compris les STEP qui sont pourtant bien utiles pour réussir la transition énergétique par leur grande capacité de stockage de l’énergie . Seul, le rendement de la STEP montagnarde de La Coche en Savoie a été dernièrement amélioré de 20 % par l’ajout d’une puissante turbine Pelton de 240 W.
Tous mes remerciements iront à Sandra Rouvière, Secrétaire général de l’Institut français de Thessalonique pour les données fournies localement et son grand accueil en Grèce.
La photographie mise en mise en avant représente le bassin inférieur de Kato Proespera qui domine la mer Egée de 50 mètres . Elle montre aussi, à gauche, le bâtiment de la centrale hydro-électrique aval de la STEP et, à droite en contrebas, celui de la station de pompage de l’ensemble. Ikaria, île proche des Cyclades, Grèce. © Reuter et PPC.
Bonjour,
Juste un petit rectificatif, l’île d’Ikaria n’appartient pas aux Cyclades mais aux “Îles du Nord-EST de la Mer Egée”.
Merci
Clarisse
Bonjour,
Merci pour ce point et j’ai lu sur l’Internet que la Grèce est votre passion et que vous avez pu la combiner avec le travail. Vous avez raison : bien des fois Ikaria n’est pas classée parmi les Cyclades mais je n’ai pas tort totalement, me semble-t-il. J’avais beaucoup discuté à ce sujet avec les gens de Grèce. Les Cyclades ont varié beaucoup de taille dans l’histoire, en fait le rayon de leur cercle. Par exemple dans le texte de Wikipedia, Ikaria n’est pas dans les Cyclades mais, sur la carte géographique, le cercle l’inclut en bonne part.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cyclades#/media/Fichier:Cyclades_map-fr.jpg
Ensuite, pour une localisation rapide et facile certes discutable, un mot court et connu, comme Cyclades, est facile à mémoriser. Pour exclure le Dodécanèse, c’est simple car ce sont douze îles et Ikaria en ferait déjà une de trop même si elle avait failli être annexée par les Italiens. En conclusion, nous pourrions dire que, avec Samos et de plus petites îles, Ikaria fait partie l’archipel de la mer Icarienne comme, en France, il y a les petites îles bretonnes de la mer d’Iroise (Sein, Molène et Ouessant).
Bonjour,
Je suis familier d’Ikaria depuis quinze ans, et pour commencer : ne dites pas à un Ikariote que son île est située dans les Cyclades, il pourrait vraiment être très vexé – ce n’est ni la même culture insulaire ni la même architecture de village (Mer Ikarienne en revanche convient très bien). J’ai visité les installations après m’être intéressé à celle de El Hiero, et la réalisation paraît assez remarquable, sans trop d’impact au niveau de l’environnement (le réservoir de Pezzi existant auparavant) ce qui est déjà une différence avec El Hiero. Le fait étrange est que les habitants d’Ikaria sont très peu informés du système, il y a eu peu de concertations sur place (parfois à Raches, dont l’ancien maire a soutenu le projet), ce qui ressort peut être d’un problème politique entre l’autorité régulatrice grecque de l’énergie et les Ikariotes (« kokkino nisi : île rouge »), dommage pour l’appropriation des ENR par la population locale et la diffusion pédagogique qui pourrait en être attendue. Le réseau « Dafni » qui liste par exemple 44 îles grecques engagées dans le développement durable et les ENR, a refusé devant moi de faire la promotion de la réalisation d’Ikaria.
Naeras aurait pu être suivi d’un système similaire à Sifnos (Cyclades, cette fois) porté lui par une coopérative privée (Rescop) mais le projet semble bel et bien l’arrêt.
Cher Monsieur,
Un grand merci pour vos lumières au sujet de l’île d’Ikaria et de sa STEP. J’avais déjà répondu à la critique au sujet des Cyclades dans les commentaires à la fin de ce billet de blog le 7 septembre 2019. Sur le fond, vous avez raison car les gens d’Ikaria ne se sentent pas comme faisant partie de l’archipel des Cyclades.
Enfin, je vous remercie également pour le compte-rendu de la perception locale de la centrale, fruit de votre expérience, et pour m’avoir communiqué le fait qu’elle n’a pas fait [encore ?] école en Grèce. La transition énergétique est un long cheminement.
Ikaria est dans les Sporadiques Orientales
Bonjour,
Merci déjà de votre lecture attentive. J’ai eu pas mal de retour à ce sujet.
Ikaria a une position assez spéciale. D’après Wiki, “Ikaria est parfois considérée comme partie des Sporades orientales, parfois des Sporades méridionales avec le Dodécanèse.” Au début, je la plaçais même dans les Cyclades orientales…
Néanmoins, ce qui m’intéressait est qu’Ikaria ressemble beaucoup à l’île des Canaries d’El Hierro : qualité de vie et des paysages, choix des mêmes EnR, etc. Malheureusement ces dernières années, El Hierro est devenue la Lampedusa espagnole, d’où l’arrêt de mon blog.
https://www.challenges.fr/societe/la-petite-ile-d-el-hierro-la-lampedusa-espagnole_872067
https://blogs.futura-sciences.com/gioda/2021/08/26/el-hierro-lafflux-et-la-mort-des-migrants-et-la-fin-dune-ile/