L’été 2018 est positif pour les EnR sur El Hierro et ce modèle se diffuse car exemplaire. La petite île de Tilos – 61 km², au nord de Rhodes, dans l’archipel grec du Dodécanèse en mer Egée, face aux côtes turques – suit implicitement le sillon tracé par El Hierro en l’adaptant aux énergies locales (en italien). Il ne s’agit pas d’un simple coupé-collé car la part de l’énergie solaire sur Tilos remplacera celle qui est, sur El Hierro, dévolue à l’hydraulique.
L’objectif est de passer à 100 % EnR dès 2019 sur une île Tilos comptant environ 400 résidents permanents et quelques milliers – de l’ordre de 3 000 – de touristes en période de pointe estivale. L’Union Européenne est derrière, comme bailleur de fonds, et c’est un signal d’espérance pour la Grèce où bien des projets même à long terme furent et restent gelés par une austérité drastique. Malgré un paysage national sinistré, depuis ce 20 août un signal peut-être ; un vent nouveau souffle sur l’île de Tilos.
Dans le cadre d’un tour du monde des initiatives insulaires, deux jeunes géographes Fanny Rubia et Adrien Prenveille sont en ce mois d’août en mission sur l’île d’El Hierro. Ils en testent les possibilités de l’économie circulaire, au-delà de la centrale hydro-éolienne de Gorona del Viento (vidéo), dans le cadre du projet Résîliences, porté par l’association GéOdyssées. A distance, je fais le fixeur de leur périple et surtout de leurs rencontres sur l’île.
Générés par Gorona del Viento et donc les EnR, il devrait y avoir, disponibles pour l’économie circulaire de l’île d’El Hierro, au moins 10 millions d’euros en 2019 pour quelque 7 000 habitants. Ces bénéfices résultent du prix de rachat élevé de l’énergie produite localement par la société totalement EnR Gorona del Viento qui a bénéficié d’un décret spécifique de l’Etat Espagnol (dans la langue de Cervantes). Il faut savoir que l’administration d’El Hierro a été pionnière dans les EnR et, à ce titre, elle a été récompensée d’une certaine façon.
Bien sûr, dans un souci de continuité territoriale (dans ce cas le terme technique est péréquation), le prix pour les ménages de l’électricité est le même à Madrid, sur l’île de Tenerife et sur celle d’El Hierro. Avec le système de la péréquation (aussi appliqué dans l’outre-mer français), ce sont les Espagnols de la péninsule ibérique qui paient une bonne part de la facture d’électricité des gens d’El Hierro ainsi que pour tous les autres lieux isolés : archipels, montagnes et les deux villes, héritages de la colonisation au Maroc, de Ceuta et Melilla. Néanmoins il y a une déception chez certains îliens d’El Hierro qui ne voient pas directement, sur leur facture, le bénéfice de la centrale EnR hydro-éolienne, partout publicisée. En fait les 66% des bénéfices générés par le rachat du courant tombent dans l’escarcelle du Cabildo Insular soit l’administration locale, 11 % dans celle de la Région (Comunidad Autónoma) des Canaries et de l’Instituto Tecnólogico de Canarias (le concepteur de la centrale) et 23 % sont pour la grande compagnie privée d’électricité Endesa qui opère dans la centrale de Gorona del Viento et qui a été associée à toutes les étapes de sa construction. Les trois premières années ont été consacrées au remboursement des dettes contractées pour la construction de la centrale hydro-éolienne. Maintenant que la dette a été soldée dans un temps record, de l’argent frais va devenir disponible.
Afin que les îliens perçoivent le bénéfices des EnR ils devront attendre la redistribution des bénéfices à travers les actions du Cabildo. En vrac, je pourrais citer et je dois en oublier : les aides sociales, à la création d’emploi, à la mobilité électrique, à l’agriculture et à l’élevage avec une inclination vers le bio, au tourisme responsable et aux loisirs verts.
Je ne représente aucunement le Cabildo Insular de El Hierro ni Gorona del Viento, n’étant qu’un vieux compagnon de route, d’abord, d’acteurs soit disparus tel Don Zósimo, soit à la retraite (très active) tel Tomás Padrón, et, ensuite, de fonctionnaires insulaires qui veulent bien gracieusement collaborer avec moi.
Toutefois, ce n’est pas beaucoup s’avancer que d’écrire que les loisirs verts seront plus aidés qu’auparavant. Quels sont-ils sur l’île ?
El Hierro est une destination classique du parapente (en espagnol) depuis plus de deux décennies, depuis environ 1996, avec un petit club animé par des locaux très dynamique. Une grande concentration annuelle de parapentes a lieu en mai généralement.
Une autre activité de loisir verte ou plutôt bleue qui est traditionnelle est la plongée sous-marine avec bouteille et un festival international de photographies Open Fotosub est organisé chaque année en octobre depuis plus de vingt ans.
La course pédestre est représentée chaque année par l’emblématique marathon de l’île du méridien (car, longtemps dans l’histoire, El Hierro fut l’île du méridien zéro soit le bout du Monde connu).
Le treking bénéficie traditionnellement des fonds européens FEDER qui ont permis la réhabilitation des nombreux sentiers muletiers, souvent impressionnants par leur fort dénivelé et les précipices les bordant. Sur l’île voisine de Gomera on pratique encore le saut traditionnel, au-dessus des précipices, des bergers des Canaries recherchant leurs chèvres sur les falaises. C’est aussi un nouveau sport très vert (bien que le cadre soit souvent fort minéral) mais cela peut être extrême voire dangereux. Néanmoins, il y a une piste pour les gens d’El Hierro (où cette manière de se déplacer a disparu depuis peu) de bâtir une activité ludique et touristique en l’encadrant.
Avec la location de bicyclettes électriques, les touristes évitent, sur El Hierro, grâce à la forte proportion des EnR dans le mix énergétique, le syndrome du « vélo nucléaire » que les moqueurs en France collent à tous ceux qui l’utilisent et qu’ils qualifient en ville aussi de « bobos ». Des locations sont disponibles (dont voici un site) bien publicisées dans ce milieu militant y compris en France.
Une épreuve sportive est organisée le Magma-Bike Marathon mais avec des bicyclettes tout-terrain à propulsion humaine !
La nouveauté est la location de voitures électriques sur El Hierro avec Cruz Alta Renting de José Carlos depuis le 1er juin 2018.
Enfin, un aparté d’actualité. Un nouveau livre collectif en pré-commande, avec un article au sujet de ma saga sur El Hierro depuis 1991, sera en vente dès le 25 octobre : Manifeste pour les nouvelles ressources aux éditions Le Cherche midi.
L’image en avant montre, sur la petite île grecque de Tilos qui vise son autonomie énergétique dès 2019, un champ de panneaux solaires. Archipel du Dodécanèse face à la Turquie, Mer Egée, Grèce. © Associated Press (AP).