On attendait Elon Musk au tournant : on n’a pas été déçu. Il avait promis de faire une déclaration importante au Congrès International d’Astronautique, tenu en cette dernière semaine de septembre à Guadalajara au Mexique. Il a été fidèle au rendez-vous : Elon Musk et sa société Space-X ont dévoilé leur ambitieux projet pour fonder rien moins qu’une civilisation sur Mars.
Le cœur du projet est leur nouvelle fusée, baptisée Interplanetary Transport System, qui triplera les performances de la Saturn V d’Apollo pour lancer 450 tonnes en orbite terrestre, sous la forme d’un vaisseau spatial lancé réservoirs vides et pouvant transporter pas moins de 100 astronautes. Dans la foulée, un second, puis un troisième lancement avec la fusée réutilisable, viendront en orbite apporter le carburant au vaisseau, avant son élancement vers Mars. Continuer la lecture de Elon Musk se charge de coloniser Mars→
Alors qu’elle devait décoller en mars dernier pour un atterrissage en cette fin d’année, et son lancement reporté en raison d’une fuite dans son instrument principal—le sismomètre développé par le CNES—on apprend que la sonde InSight a été reprogrammée pour un lancement lors de la prochaine fenêtre de tir martienne, en mai 2018. L’atterrissage aurait désormais lieu en novembre 2018.
C’est un soulagement pour les ingénieurs de cette mission qui craignaient son annulation pure et simple. Au budget de 675 millions de dollars, les agences spatiales ont décidé d’accorder les 154 millions supplémentaires pour réparer la partie fautive et les frais de stockage et d’entretien de la sonde sur deux ans. Si les pièces du sismomètre restent celles fabriquées par le CNES français, leur intégration sera désormais la responsabilité du centre JPL de la NASA.
Rappelons que la sonde InSight doit se poser dans Elysium Planitia et son sismomètre mesurer l’activité sismique interne de Mars et les impacts de météorites, alors qu’un thermomètre à couple allemand, qui s’enfoncera dans le sol jusqu’à 5 m de profondeur, mesurera le flux thermique en provenance de l’intérieur du globe.
Tandis que la NASA s’empêtre dans un projet sans grand intérêt de rendez-vous spatial piloté avec un échantillon d’astéroïde dans la banlieue terrestre, le milliardaire Elon Musk et sa société Space-X recentre le débat en annonçant le vol imminent de son vaisseau de transport Dragon vers la planète Mars : en mai 2018, si son projet n’est pas retardé, soit dans moins de deux ans.
Le vaisseau Dragon —celui-là même qui transportera des astronautes dans un proche avenir (peut-être dès l’an prochain) vers la Station Spatiale Internationale—est un véhicule de huit tonnes qui pour le moment transporte du fret (jusqu’à deux tonnes) vers la Station. C’est sans doute à vide qu’il se poserait sur Mars lors de la mission de 2018, l’objectif étant de tester l’atterrissage d’un « poids lourd » sur la planète rouge, ce qui n’a encore jamais été accompli (la plus lourde charge utile à ce jour, Curiosity, n’atteignait pas la tonne). L’engin de Space-X va pour ce faire utiliser ses moteurs-fusée en rétropropulsion supersonique.
Ce lundi 13 mars à 9h31 TU, la fusée russe Proton-M a lancé avec succès la première mission ExoMars de l’Agence Spatiale Européenne, constituée d’une sonde destinée à se mettre en orbite de la planète rouge pour étudier son atmosphère (Trace Gas Orbiter ou TGO) et un petit module destiné à tester les techniques d’atterrissage sur Mars (une première pour l’Europe, après l’échec en 2004 de Beagle 2 et baptisé Schiaparelli).
Toutes les étapes du lancement se sont bien déroulées, y compris l’injection sur trajectoire martienne et le déploiement des panneaux solaires de la sonde. Le vol durera sept mois, pour une arrivée prévue le 19 octobre. L’atterrisseur de 600 kg se sera séparé trois jours auparavant pour prendre sa propre trajectoire, visant le plateau de Meridiani Planum déjà exploré par la sonde américaine Opportunity. Mais il ne s’agit pas de faire de la science: seulement se poser, après un freinage atmosphérique avec un bouclier en Norcoat-Liege—une résine de liège sur une structure d’aluminium en nid d’abeille—qui dissipera la chaleur et ralentira la vitesse de descente jusqu’à 1700 km/h; puis le déploiement d’un parachute de 12 m de diamètre pour freiner la sonde jusqu’à 240 km/h; et enfin l’allumage de rétrofusées à 1200 mètres d’altitude pour un impact prévu à moins de 10 km/h.
Au sol, les batteries permettront deux à trois jours de transmission de données basiques—température, pression, humidité, vent, transparence de l’atmosphère—sans même d’image du site d’atterrissage (cela étant, une caméra de descente aura pris des images à la verticale), car il s’agit d’une mission technologique.
En revanche, c’est la sonde principale TGO, d’une masse de 3 tonnes et en orbite à 400 km d’altitude, qui assurera la mission scientifique. Sa caméra CaSSIS aura une résolution au sol de 5 mètres par pixel et appuiera la batterie de spectromètres NOMAD qui étudiera les composants gazeux de l’atmosphère, en analysant la lumière du soleil réfléchie par celle-ci sous la trajectoire de l’engin, ainsi que la lumière transmise à contre-jour à travers la tranche de l’atmosphère lors des couchers et levers de soleil. Le but principal est d’étudier les gaz rares et notamment le méthane, qui a été détecté en très faibles doses dans le passé (Mars Express en orbite et Curiosity au sol) et dont l’origine est mystérieuse, les hypothèses d’émanations volcaniques, voire de rejets biologiques n’étant pas encore écartées. Une mission à suivre donc avec intérêt…
Le 18 février, la NASA a clos son appel à candidature pour la constitution de son 22ème groupe d’astronautes. Un nombre record de 18 300 postulants a été enregistré. Au terme d’une sélection sur dossier, puis une semaine d’évaluation « en chair et en os » des finalistes l’an prochain, une dizaine de candidats astronautes seront retenus et présentés à la presse en juin 2017. Suivront alors deux ans d’entrainement à Houston avant leur intronisation officielle en 2019. Parmi ces nouveaux astronautes figurent vraisemblablement les premiers hommes et les premières femmes qui s’élanceront vers Mars lors des décennies 2020-2030. Si la NASA n’a pas officiellement mentionné le vol martien dans son appel à candidatures pour ce 22ème groupe d’astronautes—mettant plutôt l’accent sur les missions à bord de la Station Spatiale Internationale—les commentaires officieux des responsables y ont néanmoins fait allusion. Ainsi, le président de la NASA Charles Bolden a spécifiquement déclaré que « Ce prochain groupe d’explorateurs américains du cosmos encouragera la ‘génération martienne’ à atteindre de nouveaux sommets et nous aidera à réaliser notre objectif d’inscrire nos empreintes de bottes sur le sol de la planète rouge. » Le nombre record de postulants (18 300, soit plus de deux fois le précédent record de 8000 candidats, établi en 1978) reflète vraisemblablement cette prise de conscience publique d’objectifs ambitieux et motivants pour cette nouvelle génération d’astronautes.
On relèvera qu’aucune limite d’âge n’a été formulée dans les directives de candidature, les critères portant comme d’habitude sur une solide santé physique (et parfaite acuité visuelle), un diplôme universitaire (Bachelor’s, l’équivalent d’une licence française) en sciences, mathématiques ou ingénierie, suivi de trois ans d’études supplémentaires ou d’expérience professionnelle ou bien 1000 heures de pilotage d’avion à réaction. Traditionnellement, les pilotes d’essai des différents corps d’armée constituent en effet une bonne moitié des candidats reçus.
Ces nouveaux astronautes se retrouveront notamment pilotes et passagers d’une nouvelle armada de vaisseaux spatiaux, puisque la décennie 2020 verra la mise en service du vaisseau Orion de la NASA, du Crew Dragon de Space-X et du CST-100 Starliner de Boeing.
Le rover Curiosity a atteint fin décembre une rangée de dunes de sable noir—vraisemblablement faites de grains de basalte—lui barrant le passage sur la route du mont Sharp (à l’arrière plan). Le robot passe son mois de janvier à étudier de près l’une de ces “Bagnold” dunes, haute de quatre mètres, dont on estime qu’elle progresse d’un mètre par an au gré du vent. Cet emplacement est l’un de ceux ou le cordon de dunes est le plus étroit et discontinu, ce qui permettra à Curiosity de franchir l’obstacle et d’atteindre des strates minérales très intéressantes à la base du mont Sharp.
Ci-dessous, la carte du chemin parcouru par Curiosity jusqu’au passage dans les dunes.
Alors que se poursuivent la conception et la construction d’une nouvelle capsule, de type Apollo, pour lancer des astronautes en orbite terrestre et vers la Lune, et celles d’une nouvelle fusée puissante pour lancer des vaisseaux vers Mars, il manquait la troisième pièce du puzzle : un module d’habitation spacieux pour l’équipage lors du long vol vers la planète rouge. La NASA et l’administration Obama trainaient des pieds pour le mettre en chantier. Or le Congrès a ordonné à l’agence spatiale américaine de s’y atteler en y affectant 55 millions de dollars dans l’exercice fiscal 2016. Destiné dans un premier temps à des séjours autour de la Lune, ce module est nécessaire pour honorer la promesse américaine d’envoyer des hommes survoler Mars (à défaut de s’y poser) dans les années 2030. Avec le financement débloqué aujourd’hui, le Congrès veut voir naître le prototype d’un tel module en 2018.
À sa décharge, la NASA a déjà financé plusieurs études de concept auprès de Bigelow Aerospace, Boeing, Lockheed-Martin et Orbital ATK. Le concept de module gonflable de Bigelow est déjà assez avancé et sera peut-être l’heureux gagnant retenu pour construire le prototype séléno-martien. Affaire à suivre…
Coup dur pour le CNES et la conquête de Mars en général : le tir de la sonde américaine InSight, censée décoller en mars prochain pour la planète rouge, vient d’être ajourné à cause d’un défaut d’étanchéité de l’un des deux instruments français à bord. Du coup il faudra attendre la prochaine fenêtre de tir, en mai 2018. L’instrument incriminé est le seismomètre SEIS, avec comme cœur une sphère hermétique dans laquelle trois capteurs électroniques ultra sensibles étaient censés détecter les vibrations de la planète en trois dimensions. Pour qu’il n’y ait aucune perturbation sur les mouvements infimes des capteurs, le vide devait être fait dans la sphère. Or les tests d’étanchéité ont montré une fuite—vraisemblablement au niveau d’une soudure—et malgré deux tentatives de réparation, l’instrument n’est donc pas en état optimal de marche.
La fusée Atlas était déjà sur le pas de tir ; la sonde vient d’être renvoyée chez son constructeur principal Lockheed Martin à Denver dans le Colorado. La mission a un budget modeste plafonné à 425 millions de dollars : le report de deux ans entraînera des coûts supplémentaires, mais l’équipe espère bien que cela ne compromettera pas la mission.
Le petit monde des simulations martiennes sur Terre vient de se doter d’un nouvel habitat apte au service : le module SHEE (Self-Deployable Habitat for Extreme Environments), conçu par un consortium de sociétés privées sous la houlette de l’ISU (International Space University) de Strasbourg. Il s’agit d’un module de 5,5 tonnes en fibre de verre et résine, utilisant la technologie marine, qui a la particularité d’être facilement transportable par camion, car repliable en un parallélipipède de 6 m x 2,4 m. Une fois sur place, il se déploie en éventail pour offrir une surface habitable de 18 m2, apte à recevoir un équipage de deux personnes pour une durée optimale de deux semaines. Un tel module offre une structure de travail en milieu extrême (ce n’est pas bien sûr un module opérationnel pour un voyage dans l’espace) avec deux cabines individuelles, un espace de travail, un espace atelier et une salle de bain, et une unité de recyclage de l’air et de l’eau (ECLSS). Continuer la lecture de Un nouveau simulateur martien→
Le film Seul sur Mars (The Martian), d’après le roman d’Andy Weir, fait une jolie carrière sur les écrans du monde entier. Réalisé par Ridley Scott avec Matt Damon dans le rôle principal, il traite du périple d’un astronaute laissé pour mort sur la planète rouge lors de l’une des premières missions habitées dans les années 2030, à la suite d’une tempête de poussière, le reste de l’équipage ayant précipitamment redécollé et repris la route de la Terre. En voici ma critique.
Tout d’abord, il s’agit à mes yeux du film le plus intéressant et le plus réussi traitant d’une mission pilotée à destination de la planète rouge. Les deux précédents films hollywoodiens, Mission to Mars (Brian de Palma, 2000) et Red Planet (Antony Hoffman, 2000) manquaient singulièrement de réalisme, avec des scénarios tirés par les cheveux. Seul sur Mars décrit l’aventure d’un vol martien avec un bon degré d’exactitude, et malgré le côté MacGyver et les larmoyants leitmotivs des grandes productions américaines (famille, patrie, il faut sauver le soldat Damon), le scénario rend intéressantes et divertissantes la technologie et la science, ce qui est assez rare pour être souligné. On en ressort ayant compris le scénario d’une mission martienne pilotée (les modules arrivés en avance, les trajectoires de rendez-vous, les habitats et le rover, et ainsi de suite).
Quelques petits détails m’ont gêné, toutefois, dictés par l’obligation de créer du suspens et de l’action pour les uns, et pour faciliter le tournage et en réduire les frais pour les autres. Premier compromis : ne pas représenter la faible pesanteur martienne qui ne vaut que 38 % de la gravité terrestre. Que ce soit en scaphandre et plus encore en bras de chemise dans son habitat, Matt Damon aurait dû se mouvoir avec grâce et légèreté (avec l’aide d’un léger ralenti et quelques effets spéciaux), renforçant l’impression d’être sur une autre planète.
Second détail : la faible pression atmosphérique (7 millibars) se traduit par des vents rapides mais non-violents, incapables de culbuter un vaisseau spatial et de projeter l’astronaute et les débris comme des fétus de paille. Mais si on respecte cette réalité, pas de catastrophe possible au début du film. De même, le flottement des bâches qui contiennent l’air de l’habitat, rendus étanches par quelques sparadraps, est loin de la vérité : dans le quasi vide de Mars, un tel tissu serait constamment tendu par la pression interne de l’air de l’habitat jusqu’au bord de la rupture. Que le sol martien soit un substrat adapté pour la culture des plantes est un autre raccourci : le sol de la planète rouge est superoxydant, chimiquement agressif, et aurait besoin d’un traitement complexe pour devenir neutre et se prêter à l’agriculture.
Techniquement, le scaphandre de sortie sur Mars paraît simpliste au niveau de son tissu qui semble bien mince, et le déplacement de l’astronaute bien facile. Si seulement un scaphandre pouvait être aussi confortable : les prototypes à l’étude pour Mars ont une rigidité, une masse et un encombrement importants que l’on n’est pas prêts de contourner d’ici les années 2030. Quant au vaisseau spatial Terre-Mars Hermès, il est surdimensionné et exagérément spacieux : plus un hôtel de luxe qu’un vaisseau spatial devant faire la chasse aux kilogrammes superflus. Mais pour la fiction et le plaisir des spectateurs, c’est compréhensible.
Un coup de chapeau au décor : le choix de Wadi Rum en Jordanie n’est pas une surprise, car le site fut déjà utilisé pour les films martiens précédents (Mission to Mars et Red Planet), bien que je soupçonne qu’un volcan-table islandais (un tuya) ait été ajouté par effets spéciaux dans plusieurs panoramas. Petit clin d’œil : l’équipe de tournage n’a pas pris la peine de dissimuler quelques buissons et plantes émergeant du sol, et il est vrai que cela m’a complètement échappé lors de la projection, tellement la beauté du panorama et l’action accaparent notre œil. Seul sur les photos fixes du film s’amuse-t-on à repérer les plantes. Bravo donc à Ridley Scott et à son équipe pour nous avoir envoûtés au point de rendre ces détails invisibles. On est heureux d’être sur Mars et d’admirer ses paysages. Il ne nous reste désormais que le plus dur : y débarquer pour de bon…
La science ? Après tout, qu’est-elle, sinon une longue et systématique curiosité ? André Maurois