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El Hierro et le 27 juin : la fête de l’indépendance énergétique

Le 27 juin 2014, l’indépendance énergétique d’El Hierro sera proclamée dans une ambiance festive et l’île sera définitivement la vitrine espagnole des énergies renouvelables. Je profite de cette belle chose pour faire un résumé personnel sans renvoi qui briserait la lecture et sans surlignage ou mise en italique.

Laissés de côté depuis les années 1960 par le boom touristique de l’archipel des Canaries, les représentants élus de l’île d’El Hierro (270 km2, 10 000 habitants aujourd’hui) se trouvèrent, une vingtaine d’années plus tard, face à la volonté expansionniste de l’armée espagnole. Cette dernière cherchait d’y agrandir son emprise foncière afin d’installer des radars, profitant de sa position géographique avancée dans l’Atlantique et de la clarté de ses ciels due à la faiblesse de sa population et des activités humaines. Continuer la lecture

El Hierro : L’arbre fontaine, la métaphore du 100% ENR

Tomás Padrón est l’ancien président du Cabildo insulaire d’El Hierro qu’il dirigea pendant plus de vingt années, jusqu’en 2011, et l’animateur infatigable de la transition énergétique depuis des décennies. Il a publié fin 2013, dans le journal de référence de Tenerife El Diario de Avisos”, un article dans lequel l’arbre fontaine des Guanches et des XVème et XVIème siècles est la métaphore de la centrale hydro-éolienne qui devient ainsi le nouveau Garoé et l’arbre fontaine du XXIème siècle. Depuis, cette métaphore ou cette image sont illustrées dans un grand panneau de l’aéroport insulaire.

Panneau figurant la filiation de la nouvelle centrale hydro-éolienne avec l'ancien arbre fontaine ou Garoé. Mars 2014. Aéroport d'El Hierro. Cliché : A. Gioda, IRD.
Panneau figurant la filiation de la nouvelle centrale hydro-éolienne avec l’ancien arbre fontaine ou Garoé. Mars 2014. Aéroport d’El Hierro. © A. Gioda, IRD.

Comment cela est-ce possible ?

“Dans les domaines de l’environnement, il s’avère souvent très judicieux de tenir en compte les techniques et des expériences ancestrales. Elles contribuent aussi à conforter la légitimité des communautés sur leur territoire, sur leurs  savoirs et leur patrimoine parfois oublié face aux pressions prédatrices de la mondialisation” (Sciences au Sud, 2014, n°73,  p. 8). Ce sont à peu près mes mots dans mon Habilitation à Diriger les Recherches de 2005 et que j’ai repris en conclusion dans ma fiche de présentation de ce blog. Rien de fort original, par conséquent de ma part, sauf peut-être la compréhension de la nécessité de construire des contes et des sagas dans les sociétés rurales et pastorales isolées où les médias écrits et visuels ne sont ou n’étaient pas diffusés. Dans l’isolement du Tiers-Monde (un terme obsolète mais qui reflète bien la notion de pauvreté ou de sobriété obligée), connaître L’Odyssée ou L’Iliade ou encore leurs équivalents locaux aide puissamment à donner un sens à sa vie.

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Mon expertise dans le Débat National sur la Transition Energétique

Une partie de ce travail est sur le site du MEDDE (Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie), dédié à la transition énergétique, mais une autre a été publiée essentiellement sur Mediapart*. Aussi ai-je souhaité regrouper ici ces textes correspondant à la durée de mon expertise (janvier-juillet 2013), sachant que la transition énergétique est l’un des grands chantiers du gouvernement :
– deux textes sur les outre-mer français et espagnol;
– deux textes sur la situation dans le Languedoc-Roussillon, au niveau régional, dont un exemple personnel rendu possible grâce à une importante entreprise locale qui s’est impliquée dans cette transition alors qu’a priori elle en est fort éloignée;
– un texte collectif du groupe des experts nationaux sur la gouvernance énergétique qui défend un rôle accru des collectivités territoriales et un rééquilibrage de leurs rapports avec les opérateurs de l’énergie, sur le modèle des régies municipales de l’eau.

Un documentaire Les maîtres de l’eau a été tourné par Jean-Paul Llamazares (Gédéon Programmes), pendant cette période, et je suis persuadé qu’il donne plus de couleurs à ce travail technique, en fixant sur la pellicule les avancées effectuées sur l’île d’El Hierro (Canaries) dans l’outre-mer espagnol.

Les textes des experts n’engagent pas le MEDDE. Je remercie l’économiste Alain Grandjean de m’avoir proposé  d’être associé à cette expertise nationale.
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(*) Mediapart présente le double avantage d’être un site participatif et de mettre en accès libre sa partie “club” où j’ai déposée des contributions depuis 2010, soit en tant qu’invité soit en tant que blogueur.

 

Bonnes feuilles au-delà du développement durable

Des livres et un entretien récents puisque remontant à novembre 2011 pour les plus anciennes feuilles, que je vous encourage à lire.

Tout d’abord, il y a l’ouvrage de Gunter Pauli à propos de L’économie bleue (2011) qui est une commande du Club de Rome – ce dernier est fameux depuis son rapport de 1972  fait par le MIT  (Massachusetts Institute of Technology) dit rapport Meadows. Mais revenons à  L’économie bleue, l’ouvrage dans lequel  Gunter Pauli présente de nombreux succès d’alternatives dans le monde et notamment l’exemple d’El Hierro.

Ensuite, il y a le livre, publié en France en 2013, Réinventer le feu d’Amory Lowins, un des grands anciens des “Amis de la Terre” et sur la brèche des énergies alternatives depuis les années 1970.  Amory Lovins est  l’inventeur du concept négaWatt, mettant en avant la sobriété énergétique, qui a fait des émules en France avec l’association et l’institut homonymes. Maintenant il est l’un des promoteurs du carbone. Oui, mais de la fibre de carbone afin d’alléger tous les véhicules, pour qu’ils consomment beaucoup moins de carburants, pas de l’usage du charbon! Voici une de ses présentations orales récentes (en anglais).

L'utilisation de fibre de carbone est un bon moyen pour les véhicules du fait de sa légèreté, de faire tomber les émissions de CO2 par le gain de poids des 4 et 2 roues.
La fibre de carbone est un bon moyen pour les véhicules du fait de sa légèreté, de faire tomber les émissions de CO2  par le gain de poids des 4 et 2 roues. L’usage de certains biocarburants, tel l’E85 ou superéthanol, va dans le même sens. © A. Gioda, IRD.

Enfin, je vous recommande chaudement un travail, concernant spécifiquement la France, soit le nouveau livre de Jean-Marie Chevalier et de ses deux co-auteurs au sujet de La transition énergétique. Les vrais choix chez Odile Jacob, sorti à la fin de 2013. Continuer la lecture

Mes voyages et missions cette année

Voilà mes missions et les évènements auxquels j’assisterai et où j’interviendrai les mois suivants en espérant en ajouter beaucoup d’autres.

2 février, 18 heures. Conférence au sujet de la transition énergétique, Aquaforum, en bordure de la Garonne, Rives d’Arsins, Bègles (Gironde), organisée par « Terre & Océan » de Bordeaux.

2-12 mars. Mission de terrain,  El Hierro et Tenerife (Canaries).

29 avril-10 mai. Terrain : géoparc Unesco de Sardaigne (Italie).
Dans le cadre de la préparation du COP 21 (Paris Climat 2015), l’Ambassade de France à Berlin, organise un symposium franco-allemand, en liaison avec l’INRA, sur le thème “Changement Climatique, Agriculture et Forêt” le 7 mai 2014 à Berlin. Invité début avril, je serai toutefois à cette époque en Sardaigne pour visiter, une seconde fois, le grand Géoparc multi-sites de cette île qui tourne autour de l’histoire et de l’archéologie industrielle. Pourquoi ? Afin d’étudier car l’île d’El Hierro a déposé aussi, auprès de l’Unesco, sa candidature en 2013 à cette classification de Géoparc pour relancer son tourisme choisi. Ce dernier est, de nos jours, réduit à la suite à la crise sismique et volcanique de 2011-2012. Cette crise deviendrait alors une chance pour El Hierro.

Début juillet.  Congrès PAGES (PAst Global chanGES) Amérique du Sud, Medellin, Andes de Colombie, organisé par l’IGBP (International Geosphere and Biosphere Programme).

El Hierro : le fait de la transition écologique et énergétique

Laissés de côté depuis les années 1970 par le boom touristique de l’archipel canarien, les représentants élus de l’île d’El Hierro (270 km, 10 000 habitants aujourd’hui) se trouvèrent, 20 ans plus tard, face à la volonté expansionniste de l’armée espagnole . Cette dernière cherchait d’y agrandir son emprise foncière afin d’installer des radars, profitant de sa position géographique la plus avancée dans l’Atlantique de l’archipel et de la clarté de ses ciels , conséquence de la faiblesse de sa population et des activités humaines.

Prendre son destin en main ou devenir autonome signifièrent pour la population faire le choix de l’indépendance énergétique. Un parti insulaire appelé Agrupacion Herrena Independiente (AHI), membre de la Coalition Canarienne qui gouverne la région autonome de l’archipel, avait pris par la voie électorale le pouvoir sur El Hierro dès 1987 et le conserva, sauf de courtes interruptions, jusqu’en 2011 . Ce parti présentait la particularité d’être animé, jusqu’à 2012, par le responsable de l’unique centrale énergétique de l’île, alors propriété de l’Etat, et fonctionnant au fioul. Cette conjonction technico-politique favorisa la transition énergétique qui prit plus de 30 ans nécessaires pour concevoir, financer et construire l’originale centrale hydro-éolienne à 100% alimentée par les énergies renouvelables. Toutefois le terrain avait été préparé par la transition écologique, déjà en route depuis les années 1940, qui fut un effort collectif consacré par le classement en 2000 de toute l’île en Réserve de la biosphère par l’Unesco pour les succès suivants : fortification des activités agro-pastorales avec les coopératives fruitière (bananes et ananas), laitière , fromagère, apicole et de pêche; reforestation avec des espèces locales ; plantation d’arbres fontaines  et pose de filets attrape-brouillard ; redécouverte, sauvegarde et réintroduction d’un rarissime lézard géant endémique…

Ensuite, pour réussir la transition énergétique , il fallut implanter 5 éoliennes de 2,1 MW chacune, réaliser le dessalement de l’eau de mer en utilisant leur énergie, bâtir une centrale hydraulique de 11 MW avec 4 turbines Pelton prenant leur relais en cas de panne de vent et donc construire deux réservoirs, à des altitudes différentes, fonctionnant en STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage).

D'un volume de 500 000 m3 et installé dans l'étage du brouillard près de l'arbre fontaine, le réservoir supérieur permet une chute d'eau de plus de 600 mètres vers la centrale hydraulique
D’un volume de 500 000 m3 et installé dans l’étage du brouillard près de l’arbre fontaine, le réservoir supérieur permet une chute d’eau de plus de 600 mètres vers la centrale hydraulique. Février 2012. © A. Gioda, IRD.

Néanmoins tout cela ne veut pas dire mettre sous un cocon voire démonter l’ancienne centrale thermique au fioul, d’ailleurs installée sur un site très proche. L’objectif est un mix ou bouquet énergétique parce qu’il faut sécuriser l’approvisionnement de l’île.

Depuis plusieurs décennies, les îliens ont par conséquent considérablement changé leurs comportements avec des démarches concrètes et avant-gardistes de développement durable. De nos jours, la mobilité électrique et la fabrication de biodiesel commencent à se développer. Sur une île où par tradition les coopératives et les mouvements politiques et citoyens sont très actifs, il ne faut pas oublier la wifi gratuite partout dans les lieux de réunion tandis que l’éclairage public led se diffuse. Enfin, les sports au contact de la nature se développent y compris chez les îliens : trekking, chasse photographique sous-marine, parapente, voile .