El Hierro-Martinique : exploit de la transat en solitaire à la godille

Un grand exploit parce que le bateau était tout petit, presque une coque de noix : 6,50 mètres. Un grand défi parce que la traversée fut faite en solitaire et à la seule godille avec un coup de pousse des alizés (bien que l’absence de voilure n’ait pu aider leur capture). Un grand défi parce que fait avec un mince financement participatif qui n’a pas favorisé la mise au point de dérives performantes pour la navigation. Un grand succès car le temps de cette toute première transat El Hierro-La Martinique en solitaire et à la godille fut de 59 jours. Un temps à comparer aux 36 jours de la première traversée de Christophe Colomb lui-aussi parti des Canaries, de La Palma de Gran Canaria, le 6 septembre 1492 et qui toucha le Nouveau Monde le 12 octobre avec ses trois bateaux à voile : deux caravelles et une caraque. A l’inverse de Le Merrer, Colomb bénéficia d’une traversée parfaite avec des alizés soufflant si forts que ses marins craignaient de ne pas pouvoir remonter au vent pour le voyage de retour (ici la technique pour les jeunes en kitesurf). Rappelons qu’Hervé Le Merrer était sorti du port de La Restinga sur l’île d’El Hierro aux Canaries le 28 décembre à 14 heures (heure de Londres) pour une arrivée le 25 février vers 17 heures (heure locale) sur la plage de Bourg de Saint-Anne sur l’île de La Martinique.

Photographie de la page Godille sur Facebook avec Hervé Le Messer à la manœuvre.


Sur le fond, la transat à la godille en solitaire est une ode à la petitesse, à la lenteur, au silence, à l’amateurisme, au courage et plus largement à un autre monde voire à un monde ancien à revisiter. Leopold Kohr, célèbre pour son aphorisme « Small is beautiful » et  sa sentence « Chaque fois que quelque chose va mal, quelque chose est trop gros », aurait été heureux. C’était, depuis leur lutte lors de la guerre civile espagnole, un ami de George Orwell. Oui, l’auteur du célèbre roman de science-fiction « 1984 » en réalité une dystopie c’est-à-dire une utopie, celle du progrès, qui tourne mal, très mal.  Un texte « 1984 » écrit après le désastre de la Seconde guerre mondiale, dans l’isolement d’une ferme et au bout de la petite île surtout peuplée de cerfs de Jura dans l’archipel écossais des Orcades. Toutefois, revenons vite de ces eaux noires et brumeuses car l’exploit d’Hervé Le Merrer est beau comme est bon un repas Slow Food fait avec des produits issus de l’agriculture locale, préparés et mangés comme il se doit c’est-à-dire lentement.

Slow Food est né en 1986 dans les collines piémontaises des Langhe et plus précisément dans la petite ville de Bra (30 000 habitants) qui auparavant était connue surtout en Italie pour son motocross. Les choses ont bien évolué depuis une trentaine d’années avec un mouvement devenu global et son créateur, le journaliste Carlo Petrini, a été distingué parmi les cent personnalités qui changent et changeront le monde (en anglais). Néanmoins, son siège reste toujours à Bra au cœur d’une région reconnue pour la qualité de ses produits et sa gastronomie paysanne.

Le logotype ou plutôt le symbole du mouvement slow food : l’escargot. Tout un programme pour demain fort éloigné de la vitesse et l’industrialisation auxquelles appelaient les artistes futuristes italiens du début du XXe siècle, avant la moderne boucherie de la Première guerre mondiale.

 

 

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